Cicatrices

Philippe Bréson

Cicatrices

Photographies de Philippe Bréson

Exposition présentée du 25 janvier au 24 mars 2018


Pendant sept hivers, j’ai arpenté les champs de bataille de la guerre de 14-18, des Flandres belges jusqu’en Lorraine. 

Je n’ai pas cherché les monuments ni les vestiges entretenus et scénarisés de la Grande Guerre. J’ai travaillé à partir de cartes et de documents historiques. Je suis allé à la recherche des lieux précis où les choses se sont passées. 

Sur place, le paysage semble apaisé, le silence est retrouvé. L’homme a fait d’immenses efforts pour effacer les traces du désastre, remettre les sols bouleversés en culture et reconstruire les villages et les villes. Mais je perçois encore ce que j’appelle des tensions dans le paysage. Elles sont produites par le contraste entre la tragédie historique et la sérénité présente des lieux. Je me laisse happer par des détails infimes comme une ligne d’arbres, une ombre, une déclivité du terrain pour composer mes images. Je photographie par temps gris, souvent au lever du soleil, toujours en hiver car le paysage est plus net, la terre est plus présente. J’interviens sur les négatifs photographiques par grattage, ponçage, rayures afin de transmettre les sensations que j’éprouve face aux paysages.

L’altération du négatif est une pratique récurrente de mon travail. On peut y voir une méthaphore des cicatrices et des blessures de la terre. Je vois le paysage comme un palimpseste1. Je pense que, comme le négatif, la terre est une surface sensible que je révèle par la photographie, avec ses cicatrices et ses blessures. Je grave, au sens propre, sur le négatif, la patine du temps. 

Des textes sont associés aux images. Ce sont des légendes contextualisantes ou des citations souvent extraites de lettres ou de journaux intimes de soldats qui entrent en résonnance avec les photographies.



« Être accueilli en résidence de création depuis 2015 à la Capsule m’a permis de finaliser et d’enrichir considérablement un projet photographique de longue haleine. Grâce au soutien de l’équipe, j’ai pu augmenter le périmètre de mes recherches, échanger avec d’autres artistes et rencontrer d’autres publics que les miens.

Les moyens techniques mis à ma disposition m’ont permis de réaliser intégralement la production de mon exposition, des tirages argentiques jusqu’aux encadrements sur mesure pour pouvoir investir les 120 m² de la galerie du Centre culturel André Malraux.»

Philippe Bréson

Pendant sept hivers, j’ai arpenté les champs de bataille de la guerre de 14-18, des Flandres belges jusqu’en Lorraine.

Je n’ai pas cherché les monuments ni les vestiges entretenus et scénarisés de la Grande Guerre. J’ai travaillé à partir de cartes et de documents historiques.

Je suis allé à la recherche des lieux précis où les choses se sont passées.

Sur place, le paysage semble apaisé, le silence est retrouvé. L’homme a fait d’immenses efforts pour effacer les traces du désastre, remettre les sols bouleversés en culture et reconstruire les villages et les villes. Mais je perçois encore ce que j’appelle des tensions dans le paysage. Elles sont produites par le contraste entre la tragédie historique et la sérénité présente des lieux. Je me laisse happer par des détails infimes comme une ligne d’arbres, une ombre, une déclivité du terrain pour composer mes images. Je photographie par temps gris, souvent au lever du soleil, toujours en hiver car le paysage est plus net, la terre est plus présente. J’interviens sur les négatifs photographiques par grattage, ponçage, rayures afin de transmettre les sensations que j’éprouve face aux paysages.

L’altération du négatif est une pratique récurrente de mon travail. On peut y voir une méthaphore des cicatrices et des blessures de la terre. Je vois le paysage comme un palimpseste*. Je pense que, comme le négatif, la terre est une surface sensible que je révèle par la photographie, avec ses cicatrices et ses blessures. Je grave, au sens propre, sur le négatif, la patine du temps.

Des textes sont associés aux images. Ce sont des légendes contextualisantes ou des citations souvent extraites de lettres ou de journaux intimes de soldats qui entrent en résonnance avec les photographies.


* Palimpseste : Manuscrit d’auteur ancien que les copistes du Moyen Âge ont effacé souvent par grattage pour le recouvrir d’un nouveau texte. On peut parfois encore y découvrir partiellement le premier texte qui réapparaît sous le nouveau.

Environs d’Albert, département de la Somme

« C’était le bout du monde et nous ne savions pas au juste où finissaient nos lignes et où commençaient les lignes allemandes, les deux tracés se perdant dans une prairie marécageuse plantée de jeunes peupliers jaunissants, maladifs et rabougris qui s’étendait jusqu’aux marais, où les lignes s’interrompaient forcément pour reprendre de l’autre côté de la vallée inondée et des méandres compliqués de la Somme, sur l’autre rive, à Curlu, haut perché, et au-delà. »

Blaise Cendrars, La main coupée