Déambuler en couleurs

Gérard Fromanger, Florence, rue d’Orchampt, 1975, série « Splendeurs I », huile sur toile, Courtesy Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris. Photo ©CSJ Caen.

Déambuler en couleurs… 

Voilà un artiste engagé, ancré dans le monde et « en sortie », aux périphéries de son atelier. Il sort, il prend l’air de la rue, il se laisse aller au souffle et à la beauté de l’extérieur. Dans cette toile, sa compagne Florence se rend au marché, son cabas porté sur l’épaule, une corvée de semaine (semblent nous dire son visage résigné et ses yeux baissés sur le sol). Bref, quoi de plus banal !

Pourtant, sous ses pieds allant, les pavés se teintent, par une habile stratégie de la couleur saturée de bleu, violet, noir, jaune, rouge et vert. Oui ! Tout est / était grisaille, morosité, peines et nuits, mais le regard et les pinceaux du peintre ré-enchante le quotidien des courses à faire. 

Et nous voilà plongés dans les dessins animés du trottoir à la craie de Mary Poppins, dans les pavés lumineux du clip « Billie Jean » de Michael Jackson… l’imagination galope pour inventer ce qui se cache derrière, ce qui apparait devant comme par magie. 

C’est sans doute ce pouvoir de la rue qui peut changer le monde. La rue, les passants, les gens qui en entrant dans les toiles dans la réalité de la photographie revisitent notre monde ; comme Florence révèle, par les couleurs qu’elle foule aux pieds, une autre réalité possible, un au-delà du réel partagé. On a envie de retrouver cette ruelle, de s’y hasarder, de danser derrière la femme en gris, pour faire apparaître la couleur, pour enfin ouvrir de grands yeux ronds joyeux et libres.

Sr Nathalie, CSJ de Caen, 2 décembre 2020