Itinéraires et réseaux

Gérard Fromanger, Bastille-flux et Bastille, Diptyque, huile sur toile, atelier de l’artiste - Photo ©CSJ 2020.

Focus sur la vue en plan des réseaux colorés. Quand on vient d’arriver en ville et surtout dans un nouveau lieu, on passe son temps à demander son chemin, à regarder les réseaux de tramways, le nom des rues, les emplacements de telle ou telle administration ou adresse importante… On arpente les rues, le plan déplié sous ses yeux, regardant à peine la vraie vie extérieure mais se laissant guider par cet itinéraire graphique qui se déroule sous nos yeux.

Il y a un peu de ça dans la toile de Gérard Fromanger, sa passion des rues et des déambulations humaines. Il laisse une trace imaginaire de tous ces va-et-vient fictifs ou réels, des sortes de tracés de pèlerinages à garder en mémoire. Il laisse des vides aussi pour d’autres aventures, des lieux vierges, secrets et silencieux… 

Chaque marcheur est associé à une couleur, une émotion graphique et colorée : celui-ci a marché en dansant, le cœur plein de joie ; celui-là, plutôt à reculons comme un écolier rêvant d’école buissonnière ; et tel autre, encore autrement.

Mais rien de hasardeux ni de perdu dans ces cheminements qui se suivent, se croisent, se rapprochent ou s’éloignent. Au centre de la toile, il y a une place, un carrefour inévitable, celui où l’on s’arrête, où l’on se retrouve comme à un point de rendez-vous, celui où l’errance hasardeuse ou cherchée prend fin car aimantée à un repère … Ainsi le clocher de soixante-quinze mètres de Saint-Pierre qui se dresse d’aussi loin que l’on soit, de jour comme de nuit.

Quelqu’un nous attend quelque part. Sur l’œuvre de Gérard Fromager, ce lieu de tous les croisements et de toutes les rencontres se dessine comme un œil à la pupille ronde et attentive. Il est au centre, un but de pérégrination, un nouveau départ possible, un ressourcement avant le retour chez soi, une réponse à nos dérives. Ce carrefour des nations, comme l’étoile de l’Avent qui nous guide, nous indique le lieu de notre crèche imaginaire où il sera bon de nous poser, de déposer ce que nous portons de trop, pour adorer et offrir notre joie et nos cadeaux intimes : l’encens d’une prière, la myrrhe de nos deuils et misères, l’or de notre hommage.


Sr Nathalie, CSJ de Caen, 9 décembre 2020