méditations -23


Méditation

 

 1.

 

« Tu dresses devant moi une table, face à 

mes ennemis », Ps. 23,5

 

 

« Tu dresses devant moi une table, face à mes ennemis », par ces mots le psalmiste m’annonce qu’une table est là. L’atteste pour lui-même, par sa parole adressée à son Dieu. Une table préparée, dressée, servie, garnie de nourriture… Un lieu où je peux m’asseoir, me reposer à l’abri des dangers. Restaurer mes forces. C’est une parole de l’Ancien Testament, il ne s’agit donc pas de la cène. Mais, il me dit que c’est toi, Dieu qui l’a propose à la face de mes ennemis. 

Faire face non pas avec des armes de guerre mais avec des moyens communautaires et spirituels, n’est-ce pas un des chemins par lesquels s’est souvent manifestée la Sagesse de Dieu ?

 

De la compréhension du passé, se dévoile du sens pour le présent.

Une table est là… Et je ne le savais pas, je ne la voyais pas. je me sentais isolé. Perdu dans un monde chaotique, dans une réalité ravagée par la violence. Celle de l’ennemi qui a dévasté toute la région. Et emmené les meilleurs d’entre nous. Qui a détruit les lieux où nous nous rassemblions en ton Nom. Pourquoi est-ce cette puissance étrangère qui l’a emporté et non la tienne ? Tu me sembles être un Dieu bien faible. Certains n’y voient  pas faiblesse de ta part, mais volonté de nous éduquer par la punition. Moi, je te faisais confiance et puis tout s’est brouillé. Maintenant, non seulement le pays est détruit, mais tu n’existes plus. Sauf dans nos souvenirs.  Nous avons à disposition pour nos dévotions tous les dieux égyptiens… Ton objectif est-il ainsi atteint ?

 

Nos ennemis ont envahi notre territoire. Ces événements se sont passés il y a quelques temps déjà. Depuis nous trimons pour l’occupant ayant juste ce qu’il faut pour survivre. Mais auparavant nous avions appris à déchiffrer l’écriture de notre pays, oui, juste avant cette guerre où notre roi s’est fait tué. Et, l’autre jour, un de mes amis m’a montré un papyrus sur lequel était écrit un texte qui mettait en scène un personnage nommé Sagesse. Un personnage féminin mais qui comporte plusieurs traits qui ressemblent à notre ancien Dieu , Yahvé,  celui qui nous a tellement déçu en ne défendant pas le pays.

En lisant ce texte avec mon ami, mon être a tressailli comme lorsque nous priions notre Dieu. Je me suis inexplicablement senti mieux, à l’intérieur. Une lueur d’espoir a jailli en moi, comme au temps où la foi yahviste régnait encore. J’ai vécu quelques heures avec ce sentiment le laissant déraisonnablement exister et faire son chemin. Le lendemain, j’eus la claire conscience que cette sagesse écrite m’avait parlé de lui, Yahvé. Mais, je ne disposais plus du texte pour le relire et vérifier mon intuition.

 

Dès que je l’ai pu, je me suis rendu à l’endroit où mon copain travaille pour lui demander de me laisser lire encore une fois ce petit papyrus. Il me donna rendez-vous le soir - même. Je relus. Et un éclair de mémoire s’ajouta à mon premier sentiment. Je me souvins d’une lecture au temple, où le prophète Esaïe parlait d’une table et d’un festin que Dieu promettait à ses fidèles, à la fin des temps. Je ne sais pourquoi, cette mention de la fin me fit penser au commencement, et à la pauvre nourriture que le peuple en traversée de désert recevait et ramassait chaque jour et qui lui permit de survivre. Nourriture et table ont rappelé les mots d’une prière qui évoquaient une table dressée par le Seigneur face aux ennemis. Mais, alors… cette parole est peut-être utile aujourd’hui, temps où les ennemis pulullent. 

Où est-elle cette table ? Si c’était une table concrète, visible par tous, les ennemis l’auraient déjà balayée. Il faut donc que je la cherche autrement, dans le registre spirituel peut-être ? Que j’y pense en langage de symbole. Et si cette table garnie était justement ce que je venais de goûter par cette écriture qui me réconforte ? Cette table/écriture qui  par son personnage, sa situation et son action, m’apporte quelque chose de la présence du Seigneur. Quelque chose qui nourrit et renforce ma vie au nez et à la barbe de mes ennemis. Oui, le psalmiste a raison : « Tu dresses devant moi une table, face à mes ennemis »  et je vais m’y asseoir et m’y nourrir.

Sans doute porte-il son nom de Chaddaï, ce Dieu qui dit : « Assez !». Et plus encore, se manifeste comme capable de transcender la situation et de rejoindre son peuple en détresse et en famine. Ne s’approche-t-il pas alors par elle, sa Sagesse, pour rétablir un lien par lequel puissent se recevoir ses énergies ? Ne recommence-il pas ainsi, autrement, par la dimension symbolique, cet autre endroit de la réalité, l’histoire relationnelle avec son peuple ? N’est-ce par sa face nommée Sagesse, qu’en ce moment de l’Histoire1, se prépare la rencontre, s’offre de la nourriture et l’invitation à s’attabler ?

 

Michèle Bolli

1. En référence aussi à Pr.9 ( texte que j’ai étudié dans Approches de la Sagesse III, 2014). Ou déjà de manière plus fouillée, dans ma thèse : Une écoute de l’Oubliée : la Sagesse de Dieu, 1990.








2.


Face à l’abîme, au néant, la création d’une limite.

à suivre