P. Gisel

 



Présentation de

 

PIERRE GISEL, SORTIR LE RELIGIEUX DE SA BOÎTE NOIRE, Labor et Fides, Genève, 2019

 

Avec les nombreuses « chansons » entendues sur la fin du religieux et, en christianisme, l’annonce récurrente de la mort de Dieu, s’est installée une période de déni, de réduction, d’effacement du religieux. En particulier dans les groupes et les individus considérés comme les plus émancipés. C’est au contraire une remise en lumière de ce fait social et de sa manière d’exister aujourd’hui que ce livre opère. Mais plus encore, il propose une sorte de radiographie d’un tissu socioculturel traversé de religieux. Aspect de la réalité dont on aperçoit le plus souvent que quelques vaguelettes, sauf en cas de crise ainsi que l’ont indiqué les récentes radicalisations et leurs effets destructeurs sur les sociétés et les individus. D’où une attention renouvelée portée à cet aspect de la vie commune et une redéfinition de ce que le religieux prend en charge, exprimé ici en cette heureuse formule comme « ce dont on ne vient pas à bout »[1].

Briser les fermetures, soulever le couvercle, sortir le religieux de sa boîte noire, s’avère passionnant pour l’existence actuelle, en contexte multiculturel complexe. Reste que malgré les précautions de l’auteur (reprises du propos et résumés partiels) la lectrice, le lecteur risque d’être quelque peu saisi par l’ampleur et l’importance de cette question trop négligée. Alors, démêler ; opérer des décalages séparateurs et bienvenus ; traiter en fines différenciations du social, du civil, du politique, du religieux, du laïc, du séculier et de l’universel en appelant sur cette scène de nombreux auteurs contemporains passionnants, en rappelant aussi des thèmes anciens, les replaçant à la lumière du présent, tel celui de la cité des hommes et de la cité de Dieu, c’est ce que cette lecture dévoile. P. Gisel se sert de nombreuses expressions spécifiques comme d’une invitation à la lectrice, au lecteur à préciser sa pensée concernant les fonctionnements qui portent le religieux. Plus avant dans son propos, il insiste sur le rôle du tiers, nomme qui pourrait ou devrait l’endosser, selon quelles modalités. Non seulement donc circonscrire les contours de la situation actuelle mais encore en opérer la critique afin de permettre d’en saisir les distinctions plus ou moins apparentes et de disposer de la donne présente pour faire les choix souhaités. En connaissance de cause. Sans se laisser leurrer sur les finalités qu’impliquerait telle ou telle posture. Pour exemples l’usage du terme transcendance sur les scènes religieuses évoquées ou celui de religion, parfois spécifié par le terme totale. Son propos comporte enfin une double proposition qui pourra servir le discernement requis devant une forme du religieux encore inconnue ou trop ambiguë. Et si dans le conte, « le génie de la lampe »[2] s’était échappé sans que nul ne puisse plus le rejoindre, ici, le religieux sort de sa boîte noire, certes, mais il est alors apprivoisé, examiné, élagué, enfin partiellement considéré comme compatible avec la vie commune en société.  Une livre dense, riche en thèmes à méditer au vu du présent. Un livre fort utile à n’en pas douter !

 

© Michèle Bolli-Voélin


[1] P. 81

[2] Les mille et une nuits

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En collaboration avec le Pr. P. Gisel

L'humain entre résistance et dépassement , Entretiens portant sur le christianisme eet le religieux en société contemporaine . Ouverture et Olivetant, 2017

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