Isabelle Valfort

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Les Endormis

sculpture & peinture

du 17 mars au 17 avril 2022 du jeudi au dimanche de 15h à 19h

présence de l’artiste tous les samedis et dimanches

Inauguration le samedi 19 mars




© Isabelle Valfort


© Isabelle Valfort

Alter-Art présente une exposition de sculpture et peinture d'Isabelle Valfort. Avec ses sculptures de cire, elle nous entraîne dans le rêve, socle de lumière traversant les paupières fermées de ses Endormis, frêle obscurité nous amenant à ses peintures.
Derrière les yeux clos

"Les Endormis ont les yeux clos. Du sommeil à la dormition, ils franchissent l’espace d’un rêve. Leur silence impose le nôtre. Vers quel invisible ce silence nous entraîne-t-il ? Bien qu’assoupis, bien qu’impassibles en apparence, les Endormis ne sont pas passifs, pas inertes non plus : ils sont en route. Ils tentent d’aller au plus vrai, au plus près du vrai. Les Endormis ont les yeux clos, mais il se pourrait bien que ce soient eux qui voient. Le visage est une porte : il nous invite à entrer. L’âme passe la porte et, comme un courant d’air, parfois la fait claquer. On est là devant, on attend que la porte s’ouvre, on espère la franchir. Rien ne bouge ni ne cille : les Endormis sont comme leur nom le dit. Mais derrière les yeux clos, un monde ondoie, fluviatile, aérien.

Les Endormis sont immobiles, plongés à l’intérieur d’eux. Ils sont immobiles, ils remontent à l’intérieur d’eux-mêmes, ils sont dans leur dedans. Ils sont au vif de leur activité cérébrale. Ils battent la campagne, ils courent follement à travers les brumes de leur cerveau. Ils volent. Ils rêvent. Il faut imaginer qu’ils rêvent. Il faut imaginer qu’ils s’ébattent dans le plein éveil du rêve. Ils ne sont pas avec nous, puisqu’ils sont en eux. Ils sont là, mais les yeux tournés vers leur dedans. Ils sont en quête d’eux-mêmes, ils se cherchent dans l’immensité circulaire de leur crâne. Ils sont au plein de leur vie : ils rêvent.

Les Endormis plongent dans leurs rêves comme on plonge dans l’eau noire du Léthé. Nous ne saurons rien de leur plongée, peut-être même n’en savent-ils rien non plus. Le Léthé est l’un des cinq fleuves des Enfers : c’est celui de l’Oubli. Les Anciens prétendaient que les âmes des Justes, après avoir bu au fleuve de l’Oubli, abandonnaient leurs souvenirs et pouvaient entamer une nouvelle vie sur Terre. À la nuit noire, on plonge dans des rêves effroyables, et l’on s’en extirpe au matin, oublieux de cet effroi. Les Endormis s’en extirperont-ils ? Reviendront-ils du Léthé en ouvrant des yeux ronds ? On regarde des visages. On regarde des images et l’on jurerait voir la mort rôder. Les images nous apprennent à mourir un peu. Les images nous aident à nous éprouver encore vivants. Isabelle a raison de dorloter ses Endormis. Si les vivants ne s’en acquittaient pas, qui donc s’en acquitterait ? Ils s’en sont allés, nous laissant leur visage comme on laisse un souvenir de soi à ceux que l’on quitte."

Jean-Louis Roux (extrait du livret "Les Endormis" publié à l'occasion de l'exposition)

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