"Fenêtres"

"Espace ouvert ou fermé, la fenêtre dessine notre territoire, transforme en paysage le pays que nous regardons ; ou bien inversement, c’est le spectateur, appuyé à son chambranle, qui devient l’objet de notre regard.

Depuis la Renaissance, la perspective s’inscrit dans son cadre. Alberti écrit en 1436 : « Je parlerai donc, en omettant tout autre chose, de ce que je fais lorsque je peins. Je trace d’abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, fait d’angles droits, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire, par laquelle je puisse regarder cela qui sera peint, et là je détermine la taille que je veux donner aux hommes dans ma peinture. »

Est définie également à cette époque une nouvelle subjectivité, par la séparation des sphères du public et du privé. « Qu’est ce que le moi, demandait Pascal ? Un homme qui se met à la fenêtre pour regarder les passants. »

Ainsi la fenêtre est un passage entre deux espaces hétérogènes, l’espace de l’objet regardé et l’espace de celui qui regarde, espaces en continuité ou marqués par la distance. Comme Kafka, nous avons tous besoin d’une « fenêtre sur rue », où notre moi et le monde puissent se croiser, voire s’éloigner. C‘est un lieu vide ou plein, un lieu d’ombre et de la lumière ; on y attend, on y pleure de joie ou de peine, on y rit, on en ouvre les battants vers l’extérieur ou on tire les rideaux.

Dans un poème de Francis Ponge, fenêtre rime avec être… Rendre hommage à la fenêtre…."

Janine Desmazières

Lazaret - Patricia Pinzuti-Gintz - photographie Joseph Caprio

Fenêtres - Sonia Serrano - photographie Jean-Luc Didier