Merchiche

Plan dressé par Paul Grospiron (cliquez pour agrandir)

Le poste de Merchiche (alt:1200 m) se situe sur la route de Tlemcen-Sedbou. Il a été construit autour de l'ancienne maison forestière du djebel Merchiche.

La 6e Compagnie du 2e bataillon du 7e RI l'occupe et poursuit son aménagement.

Témoignage du sous-lieutenant Paul GROSPIRON

Paul GROSPIRON est né le 29 mars 1933 à Roanne (Loire). En tant qu'étudiant, il effectue sa préparation militaire élémentaire puis la préparation militaire supérieure à Mulhouse. Un accident l'empêche de passer ses examens. Sursitaire, il résilie son sursis le 25 juin 1955 pour être appelé en activité le 17 octobre 1955 à la 48è compagnie mixte d' intendance située à Ambronay ( Ain ). Admis au peloton des Élèves Officiers de réserve (Infanterie) le 2 mai 1956 à St Maixent. Il obtient son Brevet de Chef de Section le 20 septembre 1956.

Embarqué à Marseille le 30 septembre 1956, débarque à Oran le 1er octobre 1956.

Rejoint sa mutation au II/7e RI à Terny, le 3 octobre 1956 pour être affecté, comme chef de la 2è section de la 6e Compagnie à Merchiche.

Maintenu sous les drapeaux à compter du 15 avril 1957, il est nommé sous-lieutenant le 1er avril 1957.

Renvoyé dans ses foyers le 2 décembre 1957, il embarque à Oran le 30 novembre et débarque à Marseille le 1er décembre 1957. Rayé des contrôle du II/7e RI le 26 décembre 1957.

Ambronay 20 nov 1955

St Maixent été 1956

St Maixent, après 25 km

Le "Ville d'Alger"

Au large des Baléares

"Je prends la plume pour répondre à un frère d'armes-webmaster qui souhaite rassembler des souvenirs concernant le 7e RI, lors de la guerre d'Algérie.

Le temps a fait son œuvre pour permettre d'oublier volontairement ou involontairement, au bout de 60 ans, cette période douloureuse à bien des égards. Je dois également tenir compte de mon obligation de réserve.

Notre prise de contact en arrivant à Terny (10/1956) au 2e Bataillon, avec mon camarade d'enfance Jacques Chervet, nous a beaucoup surpris. Nous nous étions retrouvés par hasard à St Maixent, et avions convenu de rester ensemble au moment de notre sortie de l'école.

Nous sommes donc arrivés au moment des départs des rappelés donc l'accueil fut chaleureux et plein de désinvolture, ainsi que de plaisanteries, malgré l'insécurité du secteur et des événements tragiques qui s'étaient produits quelques mois auparavant. Ce manque de rigueur contrastait avec l'enseignement reçu à St Maixent...

Je revois encore ces quatre camions brûlés tombés en embuscade entre Tlemcen et Sebdou où il n'y eut aucun survivant, nous avons eu maintes fois l'occasion de passer devant. En ce 4 mai vers 17 heures, 12 soldats ont été tués et 20 ont été portés disparus, leurs camions incendiés. Dissimulés dans des buissons, 200 rebelles, en uniforme kaki, ont ouvert le feu sur le convoi.

Par ailleurs, à la suite d'une autre tragique embuscade, je fus témoin de la mort de deux hommes de la 1ère section que commandait mon camarade Jacques. Il y eu aussi un blessé qui s'appelait Panier. J'ai encore en mémoire la cérémonie d'adieux officiels, la vision de ces deux cercueils et la sonnerie aux morts qui me glace encore, chaque fois que je l'entends.

Il fallait garder le moral et ne rien laisser paraître pour avoir la confiance de nos hommes, chez qui l'ambiance a toujours été bonne. (Les hommes sont ce que l'on en fait, ce que j'ai pu vérifier aussi dans la vie civile).

D'abord trésorier du Bataillon, ce qui m'a valu d'aller à Tlemcen chercher 20 millions de francs, en jeep avec deux hommes, incognito pour ne pas éveiller l'attention..., je suis envoyé ensuite en Allemagne pour y chercher un contingent, accompagné d'un capitaine et de deux collègues-aspirants. Il fallait former la 6e Compagnie, laquelle fut commandée par le capitaine Morraglia jusqu'à ce qu'il nous quitte pour rejoindre l'école d'État-major. Il fut remplacé par le lieutenant Bodilis .

La 6e Compagnie fut installée autour de la maison forestière de Merchiche, au dessus de la source de la Tafna, en haut d'une piste difficile sur laquelle il fallait vérifier tous les jours l'absence de mines.

Le poste laissé par les rappelés avait besoin d'être réaménagé, ce que fit le sous-lieutenant Grospiron en dressant un nouveau plan et en assurant la mise en oeuvre.

Ainsi la vie s'est écoulée, meublée par les patrouilles de jour de nuit, les embuscades pour intercepter les bandes qui venaient du Maroc, les opérations à l'échelon du bataillon, en liaison avec le 5e REI (Légion étrangère) qui venait de Sidi Bel Abbès, le recensement des populations (avant le regroupement sur la fin de notre séjour). À cela s'ajoutèrent des missions particulières : protection des moissons avec ma section (la 2) à Lamoricière, chez monsieur Hessler, la protection de l'hôpital de Tlemcen, le secrétariat à Oran de la commission d'examen du CIA (en ce qui me concerne) etc, etc...

Pour nos hommes, les gardes de nuit aux quatre coins du camp, étaient très redoutées; 4 heures avec les hurlements des chacals et la peur au ventre! C'est là qu'ils appréciaient la présence de leurs officiers pour les rassurer, et surtout faire en sorte qu'il n'y ait pas d'accidents lorsqu'on revenait de patrouille et d'embuscade.

Lors des opérations avec la légion, il fallait partir dans la nuit sur des pistes en épingles avec nos véhicules pour rejoindre le piton qui nous était assigné, afin de s'installer en bouclage, pendant que la légion procédait au ratissage, après que les T6 aient procédé au "straffing" de la zone, ce qui n'allait pas sans poser de problèmes parfois!

Je me souviens d'une opération où l'un de mes hommes a craqué nerveusement, (ce dont j'ai rendu compte sans pouvoir donner la réponse!...). Et puis une autre où le commandant Chanel me cria : " Couche-toi petit!", et une autre encore où le légionnaire Krüger me donna son écusson pour lui avoir sauvé la vie.

L'écusson du 5e REI, les médailles récupérées sur fellaghas, plus une casquette, sont allés dans la boîte à souvenirs.

Autre aventure de nuit : le GMC, chargé de mes hommes et moi, qui se retrouve une roue dans le vide et l'obligation de se faire tirer pour reprendre le bon chemin.

Il fallait explorer les douars par tous les temps, recenser les populations, à la chasse du fellagha caché, et parfois se perdre dans le brouillard, même avec une bonne boussole!

Le s/lt Grospiron, lors d'une fouille à la recherche de fellaghas. Travail stressant et quelque peu délicat pour respecter ces femmes et l'intimité des foyers.

Les fellaghas, souvent invisibles, ne faisaient pas de prisonniers quand ils capturaient des jeunes soldats, mais nous n'avons pas eu à connaître de tels événements, néanmoins présents à la mémoire de tous.

En protection de l'hôpital de Tlemcen, on voyait arriver, dans un vacarme impressionnant, les hélicoptères qui amenaient les blessés victimes d'un accrochage dans la montagne à proximité. Je me souviens d'un jeune, dont les vêtements étaient tachés de sang.Il s'agitait beaucoup et criait : "Maman... Maman !" Cette scène m'a hanté longtemps. Il avait sans doute sauté sur une mine, ce que nous redoutions le plus, c'est pourquoi on procédait souvent à l'inspection de notre piste. Et de retour à la vie civile, la moindre tâche sur le goudron suscitait encore une crainte.

Hôpital militaire de Tlemcen et son héliport

On ne savait jamais d'où viendrait l'embuscade ou si la journée serait paisible. Toutefois j'avoue avoir eu beaucoup de chance et le bonheur de n'avoir eu aucun pépin. C'est le prix de très dures précautions dont mes hommes ont été reconnaissants, en me sculptant une quille et en m'offrant un stick de commandement (mini bâton en bois avec un serpent gravé). Ils n'étaient pas riches en argent mais riches de cœur. Ce fut l'occasion d'un "arrosage", également à Noël et au Nouvel an sans relâcher la vigilance.

Le moral était bon dans la compagnie.

Un soir, en revenant de nuit d'une opération, une vache traversa la route et se jeta devant mon GMC... faisant craindre une embuscade. Les hommes étaient crevés mais ont vivement sauté des camions pour se déployer. Pour dégager le chemin la vache fut saignée par mon soldat Martin et on l'embarqua. Elle fut débitée et cachée dans le faux plafond de nos casemates car le lendemain il y avait une revue de casernement par le bataillon. Le dernier véhicule parti, toutes les pièces de la bête furent récupérées pour régaler la compagnie.

Pendant longtemps, j'ai gardé un contact épistolaire ou téléphonique avec la famille Hessler où j'étais allé en protection des moissons. J'ai conservé quelques lettres. Comme beaucoup ils ont dû regagner la métropole.

J'ai aussi une pensée particulière pour mes instructeurs militaires qui ont connu un destin tragique en Algérie : lieutenant Leloup instruction en PMS et lieutenant Frégiaire mon chef de section à St Maixent.

Pour répondre à tes questions du 17 juin :

La vie au poste : Repos à tour de rôle pour les sections, garde, cérémonie aux couleurs, entretien des armes, des véhicules, des effets, nettoyage du casernement, cours de formation comme : exercice de tir, gymnastique, maniement d'armes, règles de sécurité, etc...

Nous avions un mortier de 60m/m et un mortier de 81m/m.

Liaison ravitaillement avec Terny où les 155 étaient réglés pour nous arroser au ras des barbelés si nous étions attaqués. Sortie une fois par semaine à Sebdou pour un ravitaillement en tout genre : bières, pastis, sodas etc...

Nemours

Marnia

Nedroma

Beni Bahdel

Les grandes opérations : Nemours, Marnia, Nédroma, Beni Bahdel etc...

L'aspirant Diamant, officier de renseignement (Bataillon).

Aspirant Pétré fut mon successeur à la 2e Section.

Le village a été regroupé à la fin de mon séjour."

Carte au 50.000e utilisée par le Chef de section Grospiron.

Visitez la Photothèque de Paul Grospiron

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Hubert Deshayes

Ma guerre en Algérie au 3e BTA, 2/7e RI et 3/57e RI

Je suis né le 16 Mai 1933 à Louvières dans le Calvados (14), à 3 km des plages du débarquement.

Engagé volontaire le 1er mai 1954 pour servir au 3e Bataillon de Tirailleur Algérien, je suis resté durant 2 années dans la région de Constantine, les Aurès et Bône.

Au 3e BTA

Suite à la désertion de la 3e compagnie du bataillon nous avons dû quitter l’Algérie pour la Corse, le mois d’Avril 1956. En voulant rejoindre la Tunisie, les déserteurs furent tous anéantis par les paras du Général Bigeard, et l’ensemble de l’encadrement fût tué.

Le 2 Janvier 1957, après notre séjour en Corse, j’obtiens une mutation pour l'Algérie au 2/7e RI à Terny. Je suis affecté à la 6e Compagnie à Merchiche, section du lieutenant Grospiron du 3 Janvier 1957 à la fin Mai 1957.

Le caporal-chef Deshayes à Merchiche

Suite à ma nomination au grade de Sergent, je suis muté à la compagnie du barrage du Meffrouch où je participe à de nombreuses opérations et embuscades.

Au cours d’un ratissage, je me souviens qu’un fell nous a lancé une grenade. Personne n’a été blessé. Le lieutenant Bodilis étant le plus rapide a tué le fell. Le bruit courut que le lieutenant Bodilis aurait été tué dans une autre opération. Cela m’avait fortement étonné car j’avais eu l’occasion de le revoir en remplacement du lieutenant Armagnac en fin de séjour. Il était adjoint au capitaine Chambon. De plus, en 1960, où j’avais été détaché avec mes disciplinaires dans la région de Joussier, je l’avais rencontré. Il était en vacances en famille. Et par la suite, en feuilletant le journal officiel, j’avais pu voir qu’il avait été admis dans la gendarmerie.

En ce qui me concerne, je suis resté à Meffrouch jusqu’à la fin de l’année 1958.

Le sergent Deshayes à Meffrouch

Pendant mon séjour, ma compagnie, la (8e Cie), avec nos voisins les plus proches, c’est-à-dire la Légion étrangère, nous avons participé conjointement à de nombreuses opérations.

Au cours de l'une d’entre elles, qui fût mémorable, vu que nous étions le 1 er Mai 1958, le lendemain de la fête de la Légion, une bande venant du Maroc est venue s’interposer entre elle et notre compagnie. Nous avions été mis en bouclage. La Légion étant déchaînée, les combats furent très violents et rapides. Toute la bande fût anéantie.

Au cours d’une embuscade de nuit, plusieurs fells furent mis hors de combat ce qui m’a valu la croix de la valeur militaire.

Djebel Nador

Une bande de plusieurs dizaines de fells venait de franchir la frontière du Maroc et se dirigeait vers les montagnes du Djebel Nador. Au matin, nous avons reçu un message venant du bataillon à toutes les compagnies. Notre capitaine consigna l’ensemble des cadres et tous les hommes de troupe en vue de mettre 3 sections à la disposition du PC. Il nous donna l’ordre de rejoindre les autres compagnies afin de nous rendre sur le lieu de l’opération au pied du Djebel Nador. Vers 11 h du matin, les canons ont commencé à tirer en direction de l’ennemi. Puis, l’aviation est intervenue pour straffer les sommets. (Cet épisode me rappelle les souvenirs du débarquement en Normandie où nous étions à quelques kilomètres où les alliés avaient installés leurs très gros canons et avaient bombardés Caen et St-Lo pendant 1 mois, jours et nuits). Le capitaine me donna l’ordre de marcher en tête avec nos voltigeurs. J’ai ordonné à mes gars d’armer les P.M. Mat 49 et de replier le chargeur pour être prêt à tirer en cas de besoin. Nous avons gravi la montagne et ratissé chaque mètre de terrain. Quand nous sommes arrivés au sommet, nous avons trouvé quelques cadavres. La bande qui s’était scindée en plusieurs éléments, nous obligea à attendre le lendemain pour reprendre les opérations de ratissage. Nous passâmes donc une nuit de plus sur le terrain. Le lendemain, les opérations reprirent. En fin de journée, on constata plusieurs pertes chez l’ennemi, alors que chez nous on ne recensa que quelques blessés. Dans la soirée, nous avons reçu l’ordre de rejoindre nos véhicules car l’opération était terminée.

Pendant mon séjour au Meffrouch, la compagnie a déploré 1 tué.

J'ai rejoins le PC à Terny pour m’occuper du matériel, puis, le 1er Janvier 1960, j’ai été nommé sergent-chef.

Je conseille le livre du général Aussaresses où sont relatés les faits évoquant les gros problèmes que le 2/7 eme RI a rencontré avec les prisonniers fells.

Le 1er février 1960, je suis muté à la 302e Compagnie de Pionniers (compagnie disciplinaire) à Mende (48).

302e Compagnie de Pionniers

A la fin de l’année 1961, c'est à nouveau l'Algérie où je suis affecté au 3/57e RI installé dans la région de Bougie jusqu’au cessez-le-feu en mars 1962.

Ma compagnie, (la 10e), est désignée pour former l'UFO 438 à Frais Vallon, à 20 km de Bougie.

Après 4 mois passés, nous nous sommes regroupés au 3e Bataillon à Bougie.

Pot au 3/57e RI à l'occasion du Cessez-le-feu en mars 1962

Le 1er Septembre 1963, après 7 ans de guerre, le 3/57eme RI a déploré 179 tués. Je quitte enfin l’Algérie, avec comme blessure un éclat de grenade sans grande conséquence.

Je poursuis ma carrière militaire avec une affectation au 142e RI à Mende (48), régiment qui sera dissout en 1965. Je rejoins donc l'École Militaire Préparatoire Technique du Mans (72), employé majoritairement comme instructeur, jusqu’à la mise à la retraite sous ma demande.

Je souhaite rendre hommage aux anciens du 2/7e RI, 3e BTA et au 3/57e RI et tout particulièrement je salue le lieutenant Point du 3/7e RI pour son magnifique livre : « Terre de sang et de larmes ».

Photothèque de Deshayes

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