L'avortement

DIRECTIVES PASTORALES

A PROPOS DE L’AVORTEMENT

Novembre 1969

Chers confrères,

Je vous communique par la présente circulaire quelques directives pastorales sur :

  1. L’avortement ;

  2. Le ‘’nkasa’’ (poison d’épreuve) ;

  3. La célébration du Dimanche dès le Samedi soir ;

  4. Le ministre extraordinaire de la communion.


I. L’AVORTEMENT:

J’attire votre attention sur ce crime de plus en plus fréquent dans notre société. Les grandes personnes, les époux, aussi bien que les jeunes gens (garçons et filles), attentent sans hésitation à la vie du fœtus. Sous l’influence des théories modernes sur la conception matérialiste de la vie, nombreux sont ceux qui déclarent la licéité de l’avortement. Certains médecins croient qu’il est de leur devoir d’aider les avortements, soit pour des raisons ‘’thérapeutiques’’, quand la vie de la mère est en danger, soit pour des motifs indignes, par exemple : sauvegarder l’honneur de la jeune fille, encore étudiante, ou de la femme qui a violé ses engagements d’épouse, etc.

Devant ces crimes qui se multiplient d’une manière effroyable, votre conscience de pasteur d’âmes éprouve une grande inquiétude. Vous vous demandez alors, avec raison, quelle attitude pastorale adopter à l’égard de ceux et celles qui, délibérément, se sont rendus coupables de ces délits.

a) Pasteurs avant tout:

Nous sommes des Pasteurs avant tout et uniquement des Pasteurs, et non des bourreaux. Notre rôle n’est pas de dominer ceux qui nous sont confiés, mais de les aimer comme des frères et des sœurs. Aussi, dans l’exercice de notre ministère pastoral, devons-nous travailler à les détourner du mal.

Considérons comme adressé à chacun de nous cet avertissement du Concile de Trente aux Evêques et aux Ordinaires :

« Si cependant la faiblesse humaine occasionnait des fautes, ils (les Evêques) observeraient l’enseignement de Saint Paul en pressant les coupables, en les suppliant, en les reprenant avec une bonté et une patience extrêmes, car souvent, pour corriger, la bienveillance est plus efficace que l’austérité, l’exhortation plus que la menace, la charité plus que l’autorité. Lorsque la gravité du délit exige l’emploi de la verge, on unira la rigueur à la mansuétude, la justice à la miséricorde, la sérénité à la douceur, si bien que la discipline, salutaire aux peuples et nécessaire, soit bien maintenue sans rudesse et que les coupables s’amendent par la correction ou, s’ils ne reviennent pas à résipiscence, que les autres soient détournés du vice par l’exemple salutaire du châtiment » Can. 2214, § 2.

b) Le droit de coercition de l’Eglise:

Si nous sommes pasteurs ‘’ad aedificationem, non ad destructionem’’, nous devons reconnaître néanmoins que l’Eglise possède le droit de punir.

Le crime de l’avortement a toujours été puni par l’Eglise qui l’assimile à l’homicide. Récemment, dans son Encyclique ‘’Humanae Vitae’’, le Pape Paul VI a déclaré : « qu’est absolument à exclure, comme moyen licite de régulation des naissances, l’interruption directe du processus de génération déjà engagé, et surtout l’avortement directement voulu et procuré, même pour des raisons thérapeutiques » (H.V. 14).

Commentant la déclaration papale sur l’avortement, un théologien écrit :

« Quant à l’avortement, la position de l’Eglise est assez claire pour que l’on n’ait pas à insister : on ne peut actuellement spéculer sur ‘’l’animation’’, sur le délai entre la fécondation de l’œuf et la ‘’venue’’ de l’âme, comme ont pu le faire les anciens : au contraire tout porte à penser, du moins dans l’état actuel de la science, que, à partir du moment où les chromosomes mâles et femelles se sont unis, le partage des cellules initiales s’opère et le patrimoine héréditaire est déjà fixé : toute la personnalité d’un nouvel être humain, différent de tous les autres, avec sa vocation propre, est là, en germe : nous nous trouvons déjà devant le mystère d’une personne humaine. »

D’après un rapport du Haut Comité consultatif de la Population et de la Famille, « Il est aujourd’hui indiscutablement reconnu que l’avortement est l’interruption d’une vie humaine autonome » et non « d’une phase de vie parasitaire. »

c) Une peine d’excommunication: Can. 2350, § 1.

A ceux qui procurent un avortement, sans excepter la mère, l’Eglise inflige la peine de l’excommunication latae sententiae réservée à l’Ordinaire.

Aussi, comme vous n’avez pas de pouvoir sur ce cas, vous demanderai-je de recourir à la juridiction supérieure de l’Evêque, auquel vous adresserez une supplique écrite. Pour absoudre Titius, Ciaus ou Caia, coupables du délit de l’avortement, une juridiction spécialement déléguée par l’Evêque est nécessaire.

d) Qui sont coupables de ce délit?

De peur de porter un jugement erroné et préjudiciable au prochain et à votre conscience, vous devez savoir, pour encourir cette :

  • que l’auteur ou les auteurs aient voulu directement l’avortement et pris, pour le réaliser, des moyens efficaces en eux-mêmes, de nature physique (poison, coup…) ou morale (terreur inspirée). Il n’y aurait donc pas de délit là où l’on n’aurait pas en vue l’avortement, tout en le prévoyant, par exemple, en frappant une femme enceinte dans un accès de haine ou de colère. Mais, il y a délit chaque fois que l’on veut l’avortement, même comme moyen de guérison ;

  • que non seulement celui qui a ordonné l’avortement ou qui l’a exécuté, même aussi, sont frappés de cette peine tous ceux sans la complicité desquels le délit n’aurait pas été commis : vg. Médecins, sages-femmes, pharmaciens, le nganga, etc… Can. 2231 ;

  • que la censure est encourue au moment où l’avortement est effectivement réalisé. Si les moyens, même les plus efficaces, n’aboutissent pas au résultat, il n’y aurait pas de censure ; les coupables seraient à l’abri de l’excommunication, mais non du péché.

Si le coupable s’est confessé avant la réalisation de l’avortement, tout confesseur peut l’absoudre, puisque alors il n’est pas censuré ; si l’effet se réalise ensuite (effet qu’il n’était pas en son pouvoir d’empêcher), il n’encourt pas la censure, puisqu’il est réconcilié avec Dieu et avec l’Eglise.

Pasteurs, ayez par-dessus tout, le souci d’assurer l’amendement du coupable. Rappelez-vous que tant qu’il garde un souffle, l’homme, si déchu soit-il, est susceptible de réparation et de relèvement. Nous sommes pasteurs ‘’ad aedificationem ; non ad destructionem’’.


II. LE NKASA :

Le nkasa est un arbre dont l’écorce triturée sert à fabriquer une potion empoisonnée. Nos pères s’en servaient comme poison d’épreuve pour dépister les jeteurs de mauvais sort (les ndoki) responsables de la mort, de la maladie, de la malédiction qui accable un individu ou tout le clan familial. D’après l’opinion fortement ancrée, le ndoki est à proscrire de la société. Aussi est-il soumis à l’épreuve du nkasa. Son innocence n’est prouvée que si son organisme résiste à l’effet maléfique de ce poison. S’il y succombe, c’est qu’il est coupable du mal dont on l’accuse.

Le nkasa a fait du mal à notre société. Que de gens y ont succombé ! plus particulièrement les vieillards dont la constitution déjà affaiblie par le poids de l’âge et minée par les maladies ne pouvait résister à la forte dose du nkasa dont on les ingurgitait.

Il m’a été signalé, à plusieurs reprises, la résurgence de cette abominable coutume. Vous savez bien que cette manière de faire n’est pas chrétienne. Elle porte atteinte à la vie humaine qui est sacrée. Elle constitue, de ce fait, un délit contre la vie, au même titre que l’avortement. Il nous appartient à nous qu’est confiée la garde du troupeau du Seigneur, d’être vigilants. Aussi, pour que les coupables prennent conscience de la gravité de cet acte et pour que progressivement ils en viennent à manifester leur regret, vous demandé-je, chaque fois que se réalise le délit du nkasa, de recourir, toujours par écrit, à la compétence de l’Evêque. Lui seul vous déléguera le pouvoir nécessaire d’absoudre les délinquants.

Sont coupables de ce délit, les coopérateurs, les agents principaux qui, s’unissant physiquement, s’entendent pour le commettre et le réaliser.

III. LA CELEBRATION DU DIMANCHE DES LE SAMEDI SOIR

En date du 20 Mai 1969, j’ai adressé au Saint Père une demande d’Indult pour la célébration du dimanche dès le samedi soir. La raison de cette démarche auprès du Saint-Siège est d’ordre pastoral. C’est dans le souci de ne point priver de leurs messes dominicales nombre de nos fidèles, tant Africains qu’Européens, qui voyagent le dimanche ou sont retenus par leur profession le dimanche.

J’ai pensé aussi à nos fidèles de campagne qui, parce qu’éloignés de plusieurs kilomètres de l’église, ne peuvent bénéficier de l’assistance à la messe du dimanche.

J’ai pensé également à nos confrères prêtres de campagne auxquels il arrive souvent de biner, voire triner, à des endroits différents et fort distants les uns des autres. Ces déplacements sont très éreintants.

J’ai le plaisir de vous communiquer ici que la réponse de Rome à ma requête est favorable. Je suis sûr que cet Indult nous rendra service. Pour en user, vous devriez rédiger une supplique avec mention des raisons de votre requête. Adressez la demande à l’Evêque.

Rome exige que cette célébration, comme celle du dimanche, comporte une homélie avec prière universelle.

IV. LE MINISTRE EXTRAORDINAIRE DE LA COMMUNION

Devant l’afflux toujours croissant de fidèles à la Sainte Communion, plusieurs d’entre vous m’ont exprimé le désir de leur adjoindre des ministres extraordinaires pour la distribution de la Communion.

Conscient des difficultés avancées, j’ai attendu que Rome nous donne des directives à ce sujet. L’Instruction Fidei Custos du 30 Avril 1969, relative à la Sainte Communion sacerdote vel diacono absentibus, prescrit des normes à suivre. C’est cette Instruction que j’ai le plaisir de porter à votre connaissance.

Brazzaville, le 7 Novembre 1969

+ Théophile MBEMBA

Archevêque de Brazzaville