Au nom du père (publication LeMonde.fr).

Tu es le père

par th fd bernier, écrivain.

13.02.12

Je me demande toujours d'où vient cette haine arbitraire, qui embringue bon nombre de nos concitoyens, lorsque l'on évoque le nom de psychanalyse.

J'en arrive à me dire, de fait, que ce sont les points cruciaux mêmes de la technique, osons l'appeler ainsi, qui se meurent à l'entendement du profane. À force de dévoiement, peut-être. Et du fait, sans doute, de celle qui se désire être consanguine (mais est-ce le cas, vraiment ?) : ainsi nommée la branche de la Psychologie.

La Psychanalyse ne cède à se targuer de psychologie ; seul le plus néophyte y voit une identique famille.

Mais, passons, et venons-en à considérer un des mythes fondateurs de cette Psychanalyse. Le mythe d’Œdipe. J'y viens parce que, récemment, j'advenais à laisser un commentaire sur un blog du Monde.fr, au sujet d'un texte que je découvrais : tel parlant du père, en dictateur ; plus précisément, du dictateur, comme guide du peuple, alors qu'assassiné (puisque le peuple alors libéré).

C'est une manie que nous devons sans doute à la puissance d'investigation de l'astrophysique : mais l'on voudrait, et trop souvent, que la "lacune" d'un vide en hypothèse, serve de nœud central à une rhétorique.

Un peu l'hypothèse du "trou noir", et tel dans tel texte que je mentionnais ici, la suppression physique du dictateur (dans son assassinat), pour certes libérer le peuple, mais lui donner un guide. Appelons-le alors, décemment, un anthé-guide ?

Ceci tant, examinons maintenant le mythe d’Œdipe. Et plus loin son rapport à son père, puisque c'est ce qui guide la psychanalyse.

.../... Le mythe interpelle à énoncer : que celui qui fut tué est le père d'Œdipe, que celle qui fut possédée est sa mère, et que l'oracle est accompli.

Découvrant la terrible vérité, Œdipe se crève les yeux. Il n’y a pas là une justice (ou une justice du peuple), mais sa propre volonté, dans une (atroce) culpabilité. Ou du moins, le sentiment, le ressenti d’une (telle) culpabilité. Œdipe, dans la narration, est victime du destin, et non de son désir.

Et la distinction est d'importance. Alors, revenons au peuple, au dictateur (puisqu'il en a un). Et plus loin, au père. Un dictateur, établi de fait dans la violence, est l’antithèse du père d’Œdipe. Le dictateur ne peut être père (du peuple), tout bonnement. Car tout père est bien autre chose. Nous allons voir ces points ici. Car dans la filiation, heureuse ou moins (heureuse), le rapport du père au fils montre force et non-violence.

Il se fait, pragmatiquement, dans le jeu. Seul l’enfant, en grandissant, ressent une confrontation. Mais cela ne devrait pas être, c’est le jeu, avec le père si grand, si fort (pour les yeux de l’enfant, pour sa mère bien sûr, se dit l’enfant)…

Le mythe grec est une détonation, dans un réel assassinat, et lequel ! Il évoque aussi directement la pulsion (jusqu'à l'acte) de l'inceste. Pour l'enfant qui grandit, la Psychanalyse lit la "résolution du stade de l'Œdipe".

Nous nous construisons (à tous âges) dans le registre de ce que Lacan établit comme Symbolique. Quel grand Ensemble !

Passé le "stade de l’Œdipe", où de fait un temps le père se laisse "tuer" (au symbolique !!), cela s’oublie bien vite, à l'enfant, que ce heurt à l'intime. À la joie des certitudes (celles du père, venu à l’enfant, et mêlées celles construites par l’enfant lui-même).

Certitudes qui permettent la fin de la grande enfance, puis l’assurance sans failles de la préadolescence. Un devenir. Et fait, l’Œdipe, au sens de la psychanalyse. En espérant vous avoir été utile, très cordialement, voilà ces quelques points pour démystifier cet arrangement (royal, je crois), de la Psychanalyse avec le mythe grec.

Voyez que la technique use de nuance, et qu'il convient d'amender le terme étriqué de quelques médias : "faire (il-elle fait) son Œdipe". Je reste, écrivain, ou plutôt simple rédacteur, je reste à être presque ébahi de m'avoir trouvé chemin dans ce propos, moi qui ne connut antécédemment que les affres de la psychose.

Me reste à préciser : que les guerres (des individus dans les peuples) se font au nom du père. En l'absence de l’Œdipe. Et à l'encontre du Père ; j'ai nommé là Dieu.

Tu es le père (le devenir de l’Œdipe), n'est pas tuer.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/chronique/2012/02/15/tu-es-le-pere_1642941_3232.html#1ufzk1wHQWdSvM5z.99