Terminologie de la folie (publication LeMonde.fr)

Terminologie de la folie (reprise d'une parution in LeMonde.fr).

Le terme de folie est souvent occulté au bénéfice de ce mot compliqué et bien énigmatique, de schizophrénie. La nomenclature de la psychiatrie recèle d’autres termes aussi, pour différents aspects, de cette d’abord littéraire Folie.

Pour comprendre ce qu’est exactement la schizophrénie, et commençons par elle, il est intéressant de se pencher sur le processus de la psychose hallucinatoire. Que s’y passe t’il ? En elle, alors et à la différence de tout processus dit normal, le fantasme n’est plus cantonné au monde de l’inconscient mais déborde sur le conscient, en quoi, il envisage le réel.

Il n’y a plus clivage entre l’Irrationnel et le Réel. A la légèreté de l’oubli, ou le contournement du refoulement, se substitue une douloureuse nécessité de métabolisation, qu’il n’est plus possible d’éviter.

La lecture du monde ou de l’histoire fantasmée - et hallucinatoire -, et notez : qui n’est en aucune manière pulsionnelle, …se dénoue enfin et finalement, même si difficilement, par l’incorporation dans la « construction » délirante (notez bien les guillemets). Celle-ci est envahissante, obnubilant. Là est le trait paranoïaque.

En fait de « construction », le délire en lui-même n’amène pas de régénération de l’histoire personnelle. A l’écart du délire est la construction intérieure, elle édification, car chargée du poids du Symbolique. C’est cette construction là qui est la vigueur de ce qui est une réparation, dans la psychose : réparation à une enfance sciée dans ses bases.

En première remarque, dans la psychose hallucinatoire - dite chronique -, la personne ne subit le plus souvent le mécanisme hallucinatoire que temporairement, même si de façon très et trop récurrente.

Il apparaît aussi que, et même sans s’attacher à recenser sa complexe dangerosité, …que la compulsion paranoïaque est un échafaudage qui n’a ni le caractère ni du coup la validité d’une quelconque construction intègre. Pour finir, la grande problématique de la psychose hallucinatoire, est qu’aucun parapet ne la tient à l’écart de la crise (ou moment psychotique, crise de schizophrénie).

Intéressons-nous maintenant au cas – particulier - de cette schizophrénie, dans la crise psychotique : l’Irrationnel en arrive à prendre totalitairement le pouvoir, et le sujet commence à agir et réagir dans ce grand jeu de l’Imaginaire ; pour la première fois, le Réel se plie à l’exigence de l’Imaginaire.

Le sujet a alors un rapport confus au temps : dilué dans l’instant, le plus souvent en hyperactivité mentale, et déphasé dans la durée, où le respect du moindre horaire devient impossible tant l’obnubilation accapare. Enfin ce difficile et conflictuel lien au temps va de pair avec de fréquentes et gravissimes dissociations mentales. Le caractère paranoïaque est toujours là dans la crise, autant qu’il commençait à paraître dans le schéma – incomplet - de la psychose hallucinatoire.

De ce caractère, on peut dire par ailleurs, qu’il allie autant le chérissement de l’hallucination (la « voix » qui obnubile), que la crainte du monde alentour, tel perçu comme inadapté, et à tort et fort gratuitement, dangereux. Ce deuxième pan, très connu, de la paranoïa, se fait dans un grand schéma global, pénible de cogitations compliquées, tel qui revendique les moins bonnes et les pires raisons.

Ainsi, la paranoïa, qui apparaît le plus souvent dans la crise schizophrène, n’a pas que le trait de la crainte face au monde, ou bien la peur de l’Autre. Elle est un mécanisme complexe. L’obnubilation narcissique (la voix qui aime ou est aimée) entretient l’hallucination ; la panique face au monde dégénère rapidement en violence, heureusement cantonnée le plus souvent aux paroles d’invectives.

Au paroxysme de la crise est malheureusement la désastreuse possibilité du passage à l’acte, à l’incidence plus ou moins déplorable ou grave. C’est cette possibilité ponctuelle de l’émergence de la pulsion qui fait la triste renommée du fou et de sa Folie. Et le cauchemar de son destin.

Au sens d’une phénoménologie, paranoïa, schizophrénie et psychose (dont hallucinatoire), ne sont que les différents versants d’un même tonneau : le contenant des limbes. A la psychanalyse comme au temps thérapeutique dans le suivi psychiatrique, d’agir à maintenir la personne dans la droiture, le temps de sa guérison. Dans un monde de Langage.

Car, autant si la folie déraille parfois dans l’incompréhensible, sa part de structure, la psychose, conserve et fonctionne dans un environnement probe de langage. Fin de l’histoire, ainsi qu’il apparaît, la schizophrénie n’est particulièrement maladie que cantonnée à une crise.

Th FD Bernier.