Le Phénomène Pressignien

« Le phénomème pressignien : quand la Touraine exportait ses grandes lames de silex, il y a 5000 ans ». Association des presses chauvignoises 892 p. 65€

Le concept de « phénomène pressignien » renvoie à l'énorme production de très longues lames de silex débitées sur les grands ateliers de la région du Grand-Pressigny, dans le sud de la Touraine, mais aussi à la vaste diffusion de ces lames géantes sous forme de poignards en Europe occidentale, pendant plus de 6 siècles, entre 3000 et 2450 avant J.-C. Cette production remarquable des derniers siècles du Néolithique constitue l'une des ultimes productions lithiques spécialisées, au moment où se développe ailleurs en Europe et dans le sud de la France la métallurgie du cuivre.

À partir des années 1990, ce phénomène a fait l'objet de plusieurs travaux universitaires. Grâce à une meilleure caractérisation pétrographique du silex très particulier du Turonien supérieur de la région du Grand-Pressigny, ces travaux ont attesté la présence de poignards, couteaux à moissonner, mais aussi d’éclats, dans l’est de la France, en Suisse occidentale, dans le Massif armoricain et le nord-ouest de l’Europe. Ces études se sont poursuivies sur l’ensemble de notre territoire et au-delà dans le cadre d’un Projet collectif de recherche relayé par une Prospection thématique programmée.

Désormais, avec une base de données couvrant l’Europe occidentale, les limites de cette diffusion sont bien établies. On peut ainsi mesurer son rayonnement géographique, qui atteint les rives de la Weser dans le nord de l'Allemagne, à 900 km de distance, mais ne franchit ni les Alpes, ni les Pyrénées et on perçoit l’apogée de la production des ateliers pressigniens vers 2600 avant J.-C.

De plus, une étude techno-typologique des produits exportés a permis d’établir une évolution chronologique du débitage de lames de plus en plus longues, et de leur aménagement en différents types de « poignards ».

Ainsi, on a pu ici commencer à apprécier l’ampleur de cette diffusion et sa diversification selon les régions et périodes, et y détecter différents mécanismes de diffusion.

Les produits pressigniens, essentiellement despoignards, sont des biens valorisés dont la valeur d’affichage est incontestable, même si une grande partie d’entre eux ont été utilisés -surtout comme outils à moissonner- et ravivés ou même recyclés en grattoirs ou briquets jusqu’à leur cassure et/ou rejet. En milieu sépulcral, ils accompagnent certains inhumés seulement, sans doute de rang social élevé au sein de cette société de la fin du Néolithique, dont la hiérarchisation s’affirme, avec le développement de « signes virils voire guerriers », comme les pointes de flèche et les poignards eux-mêmes.

Nicole MALLET, Jacques PELEGRIN, Christian VERJUX