Matériau Mozart

Auteur : Jean-Jacques Greneau

Mise en scène : Katy Grandi

Matériau Mozart a été créé au Festival d'Avignon 2006 au musée Angladon,  dans une mise en scène de Katy Grandi.

Interprétation de Katy Grandi (Mozart), Philippe Bianco (l'homme masqué)  Jean-Jacques Greneau (le régisseur).
Lumières de Bertrand Rascle
Reprise au Festival "L'Eure d'Été" - Tournées en France.

Photos de Bernard Mouette, Avignon 2006.

 Travailler sur ce matériau et porter au théâtre l'énergie de ce personnage sublime et récalcitrant, 

un peu comme un coquillage que l'on applique sur l'oreille pour entendre l'éternel océan. 

Eternel Mozart  laissé non pas sur le sable mais comme un point lumineux dans les années qui nous

 séparent de lui.

Propos de l'auteur ... 

"Je vous annonce que le 27 janvier, à 8 heures , ma femme a heureusement accouché d'un garçon. L'enfant s'appelle Johannes Chrysostomus Wolfgang Gottlieb Léopold Mozart".

C'est en recevant cette lettre, qui ne m'est parvenue que bien tard, que j'ai décidé d'écrire une pièce de théâtre dont le héros serait Mozart.
Mais quel Mozart ? Je devais commencer par le début.
Prendre l'enfant Mozart, le cacher dans un sac de toile et courir vers une salle de spectacle, n'importe quel théâtre faisant l'affaire.

Dès notre arrivée, je l'ai déposé directement sur la scène, face au public.
Il s'est assis en regardant autour de lui, et il a éclaté de rire. Comme si le théâtre était sa vraie maison, son lieu de respiration, le ventre familier qui constituait son univers, sa nourriture.

Des coulisses, où je restais dans l'ombre, je l'observais curieusement  et avec de plus en plus de tendresse tandis qu'il se déplaçait à quatre pattes. Extrêmement vif, il semblait prendre la mesure du plateau, flairer, analyser, comprendre à une vitesse surprenante le monde et les éléments qui l'entouraient. De sa main droite il pianotait sur un clavier invisible, de l'autre main, il traçait des signes dans l'air tout en claquant des talons.

Ses yeux, sa bouche, demandaient avidement des mots d'amour. Il semblait insatiable.

Tandis que je continuais ma surveillance, de ces mêmes coulisses, sont apparus des personnages masqués qui s'avançaient en chuchotant, en complotant. Ils ne me prêtaient aucune attention, mais je parvenais quand même à saisir quelques phrases et le sens de leurs discours. Le nom de Mozart revenait sans cesse sur leurs lèvres de carton. Mozart, l'enfant miracle, ses premières  oeuvres,      Mozart en pleine maturité, l'apothéose de ses opéras, La Clémence de Titus,  Cosi fan tutte,  Les Noces de Figaro, Don Giovanni...

Les ombres maintenant murmuraient :  voyages épuisants, cruauté dédaigneuse des puissants,              que voulez-vous qu'il fasse disait l'un, il n'aura jamais de situation, il aurait dû écouter mes conseils disait l'autre, son mariage est une erreur, il me doit encore 500 florins ajoutait un autre, le voilà dans la misère, on dit que Don Giovanni a triomphé à Prague, sa musique est trop difficile pour les viennois, trop de notes, l'Eglise devrait l'excommunier, la Flûte Enchantée est une oeuvre maçonnique, maçonnique vous dis-je, le théâtre est plein tous les soirs, c'est trop tard, trop tard pour lui...

Et tandis que les masques s'éloignaient dans le lointain, sous une fine poussière qui commençait à tomber des cintres, d'autres personnages prenaient possession du plateau. Régisseur, machinistes, techniciens, chacun allait et venait sans remarquer, sans soupçonner un instant, au centre de la scène, un petit homme endormi. Un petit homme qui allait vivre, revivre, le temps d'une représentation, son prodigieux parcours.

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