Esclave

Du haut moyen âge en Europe, dans les langues latino-occidentales, le mot "esclave" ou "slave" se substitue, entre autres, au latin « servus » et au grec « doulos » (δοῦλος) [1] pour désigner les prisonniers de guerre, les païens ou barbares, voire les citoyens privés de liberté.

La pratique de mise en asservissement de l'homme est mondiale et ancienne, telle -entre autres - citée dans l’Odyssée d’Homère : « Cet homme je pourrais l’enlever et ensuite je le conduirais sur un navire [2], il est de bonne vente » [3], le mot « esclave » désignera, ceux qui sont issus de ce trafic initié des pays slaves dès le haut moyen âge, par la vente des populations des Balkans et byzantines par la Champagne ou par Venise pour alimenter une traite fort lucrative.

Si ce monstrueux commerce s'amenuise vers le XIIe siècle il donnera son nom aux autres chemins de traites "mondiales" de la gent humaine, toutes pratiques aussi abjectes et ignominieuses, pour toujours ne pas cesser en ce monde [4] du XXIe siècle !.

Étymologie de esclave.

Ce mot nous vient du latin médiéval « slavus » et « sclavus ».

Pour Gilles ménage [5]:

« Esclave. Du latin barbare sclavus, d’où les italiens ont aussi fait « schiavo ». « Sclavus » a
été fait de l’allemand « slaef », ou « slave », qui signifie la même chose, & qui selon la pensée
de Vossius, a été dit en cette signification à cause des peuples d’Esclavonie »

Pour Michel de Montaigne le mot « esclaver » correspond à [6] asservir :

« …ne nous engageons en chose si émue et violente, qui nous esclave à autrui et
nous rende contemptibles à nous.
[7]»

L'esclavon : Des pays slaves [8] au quai des esclaves de Venise.

Issu du Roman de Flamenca :

Mais vos faria de socors [9] Vous donnererait plus de secours,
En Archimbautz, s'ops vos avia, le seigneur d'Archambaud, si besoin
vous était
Qu'el reis Esclaus ni'l reis d'Ongria. que le roi Esclavon et le roi de Hongrie.

Esclavitude et droit de l’esclavage :

« on appeloit droit d’esclavitude [10] le droit que le maître a sur son esclave ou son prisonnier ».

On note, néanmoins, dans les « observations de l’académie Française » (La Haye 1705)

« Monsieur de Malherbe difoit & efcrivoit tousjours efclavitude, et ne pouvait souffir esclavage.
Neantmoint efclavage, eft beaucoup plus ufité que l’autre, & si j’avois besoin de ce mot, je
le dirois pluftoft qu’esclavitude.
[11] »

Les esclavons : Hommes privés de la liberté :

Depuis le « doulos » des grecs au « servus » latin.

À Athènes, (vers –450) le maniement de l'argent est considéré comme indigne d'un homme libre. Les banquiers sont d'anciens esclaves affranchis ou des étrangers résidants employant des employés esclaves: les trapézistes (cfr Banque)

Le grec Euripide [12] dira dans la piède de théâtre « hécube »: "Vous les grecs, hommes libres ou esclaves, êtes sous l'égide des mêmes lois concernant les homicides".

En grec "andrapodon" ("ἀνδράποδον " [13]) est un prisonnier de guerre vendu comme esclave et un "oikétès" ("οἰκέτης ") est un esclave attaché à la maison, au sens de domestique [14].

En Grèce classique le « dmôs » (δμώς [15] , mot généralement utilisé au pluriel) désigne l’esclave, prisonnier de guerre ainsi privé de liberté, et désigne le serviteur au sens général. Le grec utilise, comme indiqué par Pierre Chantraine « dmôiai » (« δμῳαί » [16]) pour désigner (au pluriel) des femmes esclaves.

Le proto indo Européen [17] «*dom» donnerait le sankrit « dam » ,« dama » au sens de maison, et grec « domos » au sens de la maison ou habitat de briques, en découle « dmos » au sens de « esclave, serviteur »

En les faits à Athènes la personne privée de liberté est le « doulos » (« δοῦλος [18]») que l’on oppose ainsi à l’homme libre « éleuthéros » (ἐλεύθερος [19]).

Au moyen âge, le "serf", homme non libre, est un peu différent de l'esclave en ce qu'il est attaché à la terre qu’il sert et non à une personne, mot issu de l'impératif de servir [20] :

"serf e crei [21] le Rei omnipotente" [22]

[Adorer (sert) et confesse [23] le Roi tout puissant]
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(29 décembre 2014, 4 mai 2019, 9 sept 2020 ; 24 avril 2021 ; 20 sept. 2022)
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Notes et références :

[1] Le Lexicon Dictionnaire trilingue français Latin Grec. Presses universitaires de Rennes. UHB Rennes 2,
sept.2012. Page 93, colonne 1.

[2] Homère Odysée Chants VIII à XV. Les belles Lettres. Chant XV, page 316, vers n° 452.

[3] Émile Benveniste. Editions de Minuit 1969. Le vocabulaire des institutions indo Européennes tome 1.
Page 130 « Il s’agit d’un esclave qu’on enlève pour le vendre et alors il rapporterait un prix
« dix mille fois ce qu’il peut coûter » ».

[4] UNESCO. org : the « Slave route the road travelled 1994-2014 »

[5] Dictionnaire étymologique ou origines de la langue Françoise par Mr Ménage avec les origines
françoises de Mr Caseneuve, un discours sur la science des Etymologies, par le P. Besnier de la
Compagnie de Jesus, et une Liste des noms de Saints qui paroissent éloignez de leur origine, et qui
s’expriment diversement selon la diversité des lieux, par Mr L’Abbé Chastelain, Chanoine de
l’Eglise de Paris. Page 290, colonne I.

[6] Les essais de Montaigne, tomme III. Cité dans le dictionnaire Dictionnaire historique de l’ancien langage
François depuis son origine jusqu'à Louis XIV. Jean Baptiste de La Curne de Sainte Palaye .
Publié par Louis Favre et Léon Pajot. Imprimé à Niort chez Léopold Favre. Tome 6 : page 5 colonne I.

[7] Michel De Montaigne. Librairie Générale Française, Paris avril 2014. Page 1398. Livre III chapitre 5.

[8] Région de l’ancienne Yougoslavie du nord

[9] Lexique Roman ou dictionnaire de la langue des Troubadours. Par M Raynouard. Paris
Chez Sylvestre, 1838. Tome I, Le roman de Flamenca. Page 1.

[10] Dictionnaire historique de l’ancien langage François depuis son origine jusqu'à Louis XIV.
Jean Baptiste de La Curne de Sainte Palaye . Publié par Louis Favre et Léon Pajot. Imprimé
à Niort chez Léopold Favre. Tome 6. Page 5 colonne II.

[11] Observations de l’Académie Françoise sur les remarque de M Devaugelas, tome second, A La Haye 1705.
Page 183. Efclavage, efclavitude.

[12] Pièce de théâtre "Hécube" écrite vers -420 avant notre ère.

[13] Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly Hachette Edition 1963. Prisonnier de guerre.
Littéralement esclave à deux pattes par opposition aux animaux ou esclaves à quatre pattes.

[14] Traité élémentaire des synonymes Grecs. Méréric Dufour. Librairie Armand Colin 1910. Page 80.
Paragraphe 335-336

[15] Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly Hachette Edition 1963. Page 526 colonne III

[16] Dictionnaire Etymologique de la langue Grecque. Tome I, A - Δ . Editions Klincksieck, 1974.
Pierre Chantraine : page 289 colonne II.

[17] Leiden Indo-Européan Etymological Dictionary Series. Alexander Lubotsky, volume 7. Page 178.
Brill Leiden – Boston The Netherlands 2008.

[18] Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly Hachette Edition 1963. Page 535 colonne II : δοῦλος, (doulos):
Esclave de naissance.

[19] Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly. Ibidem. Page 644 colonne I : libre, sans entraves,
confère le latin « liber »

[20] Dictionnaire historique de l’ancien langage François depuis son origine jusqu'à Louis XIV.
Jean Baptiste de La Curne de Sainte Palaye . Publié par Louis Favre et Léon Pajot. Imprimé à Niort
chez Léopold Favre. Tome 9, page 400, colonne I

[21] La chanson de Roland, par Léon Gautier, seconde partie le glossaire et la table. Tours 1872, Alfred Mame,
éditeur, Page 308 colonne II : Crei du latin credere.

[22] La chanson de Roland, par Léon Gautier, ibidem page 445. Colonne I : Serf référence au vers 3599

[23] « Confesser » est là au sens de « reconnaître pour vrai ».