Brignolet

Pain pour les chiens, de ‘bren’, le ‘son’ [1] ; l'argot du "pain", vient de "bran" ou "bren" signifiant "morceau" ou "reste"

Etymologie de Brignolet.

Ce mot, "Brignolet", utilisé par Huysmans dans son roman, "Marthe [2]" daterait de 1876 [3], ou 1880 [4].

Dérivé de "brignon", le croûton ou "pain de chien fait avec du son"[5]

Venant du celtique "bren" et des racines germaniques et celtiques "brekan", "casser", rompre", "Bren" (ou bran [6]) signifie "le crouton".

Pour le dictionnaire du moyen âge Godefroy [7] le "Brignon" est une "croûte de pain".

"Le charton [8] doit avoir à desjeuner, rechiner et ung "brignon" pour les chevaulx"

Et pour le "Bernage":

"Huiet septiers d'advoyne de rente nommée bernage" [9]
(archives de l'Orne 11 juillet 1549)

Le vieux français "Bran", qui donne le Breton "Bren", viendrait du celtique bran (bois) ou "breen" et désigne le son restant du tamisage du blé ou de l'avoine ainsi que la sciure issue de la découpe du bois.

Le "bren" ou "bran" est le déchet, encore utilisable, des céréales ou du travail du bois à la scie.

En effet, la "Memoire de la langue Celtique" [10] définit le "bren" comme étant le son, et aussi la sciure du bois lorsque qu'on le scie.

Le Dictionnaire Gascon [11] nous signale "Bren", comme venant de la racine Celtique "Bran" et cite le dictionnaire Béarnais de Lespy :

"Qu'y a mé de bren que de hari" Plus de son que de farine, signifie "qui a
plus de mauvaises qualités que de bonnes".

Le "Bren" au moyen âge et dans le Béarn et la Bigorre

Ce dictionnaire Béarnais de Lespy [12] nous donne le "Bren" comme étant la partie la plus grossière du blé moulu

"Lou paa deu nobi qu'ey de bren, Lou de la nobi de roument"
Le pain du fiancé est de son, celui dela fiancée de froment.

En Provencal l'expression [13]

"Sarre bren é baréyé hari",
signifie "être économe de bran et prodigue de farine"
et décrit par là celui qui économise les bouts de chandelles.

Au moyen âge le "Brennagium" était une redevance dûe, avec laquelle on devait nourrir la meute.

En effet un édit promulga en l’an 1284, la loi institutant le devoir de garder les chiens du seigneur.

Et là, le "bren ad canes comitis" y désigne ainsi la "pâture pour les chiens du comte".

Cette loi conservée dans le chartophyllax de Comborn au registre 61 chapitre 24 [14] se nommait la loi " Arberegium Canum " obligeant le vassal à nourrir les chiens de son suzerain à l'aide du "brennagium" [15].

A cette fin, si la loi fut respectée, le vassal pour nourrir les chiens de son seigneur utilisait de la "brenade", une sorte de soupe de son dont on nourrissait également les porcs !

Notons le registre 49 du chartophyllax chapitre 191 de l'année 1313 de la ville de Gisors :

"Comme nostre Sire le Roy nous eust mandé par ses Lettres, que nous
enformissions de la valuë des terres gaagnables, des champars,
du Brenage, et des autres menuës rentes que il avoit en la ville de Gisors.

Cette même expression se retrouve dans le Cartulaire de Bigorre :

"Lo casal [16] del Puiol deu lo bren aiustar ad canes comitis [17]"

Rabelais utilise le mot "bren" dans Gargantua [18]:bren désigne le son, mais en le sens d'avoir ou de recevoir peu.

… "Faisoit de l'ane pour avoir du bren"
(Faisait l'âne pour avoir du son)

Le nom de brignolet viendrait-il en part de Brignole ? Rien n’est moins cerain. A l’instar de celui de la ville de Provence, (qui se nommait Bronio Lacum) [19], pays de la prune déssechée dite "brignole" (ou brunelle) [20], fruits aisés à conserver et dont les tables parisiennes furent longtemps fort friandes.

Le "Brignolet" outre Rhin et Breton: le pain que l'on casse

Enfin le "Brignolet" viendrait aussi du germanique "brekan", signifiant briser, que l'on retrouve dans "bricheton". La racine "brekan" étant commune dans le Celtique et le Germain [21], et désignant tant ce qui est brisé que la brisure.

Le pain , outre Manche

Nos cousins Anglais utilisent le mot "bren [22]" pour le son, mais le mot "bread [23]" (le pain) lui n'est pas isssu du coté celtique du "bren", mais de la souche nordique "brod", ou germanique "Brot", signifiant un morceau, une brisure. La phrase de Juvénal [24] "panem et cicences [25]" devient ainsi outre manche " "Bread and circuses".

En Américain "To bring in money is to make money [26]" alors que l'argent de ce coté ci de l'Atlantique est non le pain, mais le "blé".

Napoléon et Madame de Brignolet ; Henri IV et monsieur Brignolet

Sinon le nom, rien n’apporte, là, à l’étymologie de Brignolet :

A Vienne, la première dame de l'Impératrice Marie-Louise, après le départ de Madame de Montebello, Monsieur le comte de Bausset était à la tête de la maison et Mme de Brignolet devint sa dame d'honneur [27].

Sous Henri IV, qui n'accepta qu'avec fort peu de grâce la Paix de Lyon [28] qui laissait le comte de Saluce hors de son royaume, un certain "Brignolet" [29] participe activement en Savoie à la mise au pas de la ville.

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(12 sept. 2011, 11 janv. 2012, 27 nov. 2018, 01 juin 2020, 21 avr. 2021 ; 19 sept. 2022)
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[1] Grand dictionnaire Etymologique & historique du français. Larousse (2001) édition 2005. Page 132,
colonne I : 1876, Huysmans, ‘pain’ ; de brignon

[2] Joris-Karl Huysmans, "Marthe: histoire d’une fille", Bruxelles, septembre 1876 Jean Gray éditeur. Chapitre III.

[3] En 1876 Huysmans donne "brignolet" comme étant "pain" de brignon, pain pour les chines, de "bren" son.
Source "Dictionnaire Etymologique et Historique du Français", Jean Dubois, Henri Mitterand,
Albert Dauzay. Larousse, édition 2005. Page 132, colonne I.

[4] Dictionnaire érudit de la langue Française, Larousse (Le Lexis, Première édition 1979, direction de
Jean Dubois) édition 2009 (direction de Frédéric Haboury), page 231 colonne II

[5] Dictionnaire du patois de Flandre ou Wallonne . L Vermesse. Geneve 1969. Page 99

[6] Dictionnaire Dictionnaire gascon-français de l'abbé Vincent Foix réedité par Paule Bétérous,
Université de Bordeaux III., page 119 colonne I

[7] Dictionnaire Godefroy, Tome I page 733 colonne II : Brignon citation de "Cont de Saully, Nouv Cont gen 1, 407 b,

[8] Glossaire du Poitou, Fabre, page 80, du celtique Karr, une charrette, un "charton" est un "cocher".

[9] Dictionnaire Godefroy tome 1, page 727 colonne III.

[10] Mémoires sur la langue celtique par Monsieur Jean Baptiste Bullet. Besançon.1754. Volume I, page 207 colonne I.

[11] Dictionnaire gascon-français de l'abbé Vincent Foix ibid, page 119 colonne I.

[12] Dictionnaire Béarnais Lespy. Colonne II Page 127 : Bren

[13] Dictionnaire gascon-français, ibid, page 119

[14] Chartophyllax de Comborn année 1284 ("Combornio" ou Comborn en Corrèze) Source :
Glossarieum Domino du Cange. Louis Favre Niort 1883

[15] Le "brennagium" est la redevance que doit un vassal en son suzerain. Source Glossarium Domino du
Cange, chez Henschiel, Niort 1887.

[16] Lexique roman par M Raynouard. Paris chez Silvestre, 1836.Tome second, page 348, Casal : Maitairie

[17] Etudes Sur Les Idiomes Pyreneens de la Region Francaise. Page 290. Censier de Lourdes :
La casal del Puiol fournira en quantité suffisante le son (bren) des chiens du comte

[18] François Rabelais, Gargantua chapitre XI.

[19] Ville de "Brignoles" dans le Var. "Dans un titre de l'an 557 gardé aux archives de Notre-Dame de Paris,
la ville de Brignole est nommée Bronio-Lacum" (source Dictionnaire Etymologique J Menage, A F Jault,
Pierre Borel, volume I page 263 colonne I)

[20] Abrégé du dDictionnaire de l’académie Française. Paris 1862. Librairie Firmin Didot frères, fils et Cie,
36 rue Jacob.Première partie. Page 190, colonne II.

[21] Dictionnaire des racines celtiques de Pierre Malvezin. Paris 1903, au Siège de la société philologique Française.
Page 42.

[22] Dictionnaire etymologique Gilles Ménage avec les origines françoises de Mr de Caseneuve.
A Paris 1694 chez Jean Anisson. Page 125 colonne I : Bran (Bren) signifie le son. Les ecrivains modernes
ont dit "bracis" car bracis en cet endroit signifie du son et non pas de la bière. Les bretons appellent encore
à présent Vrank et Brank, du son, et les Anglois Bran.

[23] Source Merriem Webster's,1949, New collegiate dictionary based on New international dictionary
second édition 1945, page 782, page 103, colonne I

[24] Les satires de Juvénal. Satires X. Traduction Jean Dusaulx. Imprimerie du Crapelet Paris 1803.Tome II,
page 212-213.("Car ceux qui qui dispensaient autrefois la dictature, les faisceaux, enfin tous les honneurs,
engourdis maintenant dans un honteux repos, ne désirent avec anxiété que deux choses : du pain et des
spectacles. "Qui dabat olim Imperium, fasces, legiones, omnia, nunc se continet, atque duas tantum res
anxius optat, Panem et circenses").

[25] Du pain et des jeux

[26] "Rapporter (ou rendre) du pain signifie faire de l'argent" (Source UrbanDictionary)

[27] Anecdotes sur la cour et l'intérieur de la famille de Napoleon Bonaparte, Mme. Sophie Cohondet Durand,
et Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret. Paris Londres, Colburn 1818, page 140

[28] Paix de Lyon 17 janvier, 1601. Rattachement de la Bresse, pays de Gex (haut jura) à la France et laissant
Saluces à la maison de Savoie.

[29] Histoire de Savoie. Par Victor de Saint-Genis, Chambéry, Bonne, Conte-Grand et Cie, 1969.
tome deuxième. Les temps modernes (1516 à 1715). Page 237.