Research projects

Décortiquer les mécanismes évolutifs impliqués dans l’adaptation en lien avec des pressions de sélection hétérogènes dans l’espace ou le temps est l’une des questions centrales en biologie évolutive, pour comprendre l'origine et le maintien de la diversité. L’aspect temporel devient d’autant plus crucial dans le contexte actuel des changements climatiques. On parle d’évolvabilité pour quantifier la capacité d’une population à évoluer de façon adaptative. Selon les auteurs, l’accent est mis soit sur la propension d’une population à subir de nouvelles mutations dont certaines pourront se révéler adaptatives, soit sur la « standing variation » disponible et sa dynamique temporelle sous l’effet de la dérive et de la sélection. Dans les deux cas, l’évolvabilité peut être fortement influencée par les paramètres démographiques et le régime de reproduction de la population étudiée.

Mise en place et maintient de la diversité phénotypique

- Face aux flux de gènes

J’étudie cette question à travers des analyses fines de la dynamique de zones hybrides qui permettent de faire des inférences sur leur devenir – Les approches multi-locus sont fondamentales pour étudier les zones hybrides, en particulier pour évaluer l’intensité de l’isolement reproducteur en révélant les différences d’introgression entre locus

Modèles : oiseaux (collaborateurs Pierre-André Crochet, Stephan Bensch), amphibiens (Kathy Smith…)

- Influence du régime de reproduction ?

La majorité des espèces capables d’autofécondation maintiennent tout de même un petit taux d’allogamie résiduelle, qui produit des génotypes recombinants. Cette allogamie résiduelle chez les autogames est un paradoxe puisque si la dépression de consanguinité est faible, les modèles théoriques prédisent que l’autofécondation devrait se fixer. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer le paradoxe de l’allogamie résiduelle : un effet environnemental, dû à la plasticité de traits tel que l’ouverture des fleurs ou de la production de pollen, ou bien une adaptation permettant une réaction rapide face à des conditions environnementales changeantes. Dans ce cas, l’allogamie résiduelle permettrait de recombiner les génomes et de former de meilleurs génotypes en associant les allèles favorables, tout en recréant de la variance génotypique qui alimente la sélection. Un des objectifs de mes recherches est de comprendre le rôle de ce résidu d’allogamie dans le maintien d’un potentiel adaptatif au sein des populations.

Projet actuel :

L’objectif est de caractériser la diversité génétique neutre de populations naturelles de Medicago truncatula fortement autogames et leur évolution au cours du temps. Cette description de la diversité permet ensuite d’analyser le rôle de la migration, de la dérive génétique et des évènements d’allogamie résiduelle dans l’évolution de ces populations.

Divers modèles théoriques prédisent une perte de polymorphisme et une perte de variance génétique avec un taux d’auto-fécondation croissant, mais les données empiriques restent équivoques. L’objectif est à présent de finaliser cette analyse et de la coupler à un modèle pour comprendre le rôle de la taille de population et des effets de dominance et d’épistasie dans la régénération de la variance additive.

Dynamique de l'adaptation et régimes de reproduction

La dynamique d’adaptation dépend de l’intensité de la sélection et de son efficacité, elle-même étant conditionnée par la dérive et la variabilité génétique disponible.

- sous conflits sexuels

La reproduction peut favoriser un optimum différent chez mâles et femelles et générer des conflits sexuels. Grâce à l'évolution expérimentale, nous avons montré que les conflits sexuels influent l’évolution de traits mâles réduisant la valeur sélective des femelles et la coévolution entre sexes. Cette coévolution antagoniste mâles / femelles peut en parallèle favoriser la divergence des populations et ultimement la spéciation, modulée par la taille de population et la variabilité génétique.

Modèle : insectes (collaborateurs Tom Tregenza et David Hosken)

- sous autofécondation

La date de floraison chez Medicago truncatula est un caractère très variable à l’échelle de l’espèce, mais également à l’échelle des populations. Cette variabilité pourrait s’avérer avantageuse dans un contexte d’adaptation, en particulier pour une réponse adaptative de la phénologie des plantes aux changements climatiques. La recherche de traces de sélection sous-tendant cette adaptation est menée en collaboration avec J. Ronfort et J.-M. Prosperi dans le cadre du projet ARCAD (Sous projet 2-Crop adaptation to Climate Change: genetic and evolutionary processes involved in phenological responses).

Projet actuel :

Le suivi de l’évolution temporelle de populations permet de détecter une évolution phénotypique (ou une absence d’évolution) et de renseigner sur la démographie et la trajectoire sélective d’une population sous environnement hétérogène. De telles études nécessitent un échantillonnage répété sur le même site à des dates différentes (contraste temporel). Ces contractes temporels sont également utiles pour détecter des gènes candidats impliqués dans la réponse à la sélection. Au cours des 20-30 dernières années, le bassin méditerranéen a connu un léger réchauffement et une diminution des précipitations. L’objectif de cette partie est de tester si ce changement climatique s’est accompagné d’un décalage phénologique avec une floraison plus précoce.

Une analyse préliminaire sur des échantillons récoltés à 20 ans d’écart dans trois grandes régions (France continentale, Corse, Espagne) a montré que les individus de populations Corses sont devenus plus précoces et ont motivé une étude plus fine à l'échelle d'une population du cap Corse.

=> en développement dans le cadre du projet SELF-ADAPT


Quelques résultats marquants :


L’analyse de clines sur données phénotypiques et moléculaires sur la zone hybride des goélands Larus glaucescens et L. occidentalis a mis en évidence de forts flux de gènes freinés par la sélection disruptive sur la coloration du cercle orbital, impliqué dans le choix de partenaire.




La connaissance des apparentements entre individus permet d’estimer la variance et les corrélations génétiques de traits mesurés en milieu naturel et dans des populations génétiquement hétérogènes (modèle animal). Ainsi, quand la généalogie est inconnue, les apparentements entre individus pourraient être estimés à l’aide de marqueurs moléculaires. En reviewant les méthodes « pedigree-free » décrites et utilisées dans la littérature, on a mis en évidence des méthodes prometteuses : le modèle animal utilisant directement la matrice des coefficients d’apparentement estimés avec des marqueurs et la sélection génomique. Des simulations sont en cours pour tester ces méthodes.

Manuscrit en révision








Chez ces bruches, la polyandrie est coûteuse pour les femelles car les mâles portent de nombreux piquants à l’extrémité de leur organe reproducteur, qui vont perforer la paroi génitale femelle lors de la copulation, laissant des cicatrices.

Après 30 générations de conflits sexuels restaurés dans des populations préalablement maintenues monogames, j’ai mis en évidence que les mâles infligent davantage de blessures aux femelles, en particulier dans les grandes populations. Ceci confirme que la sélection sexuelle peut créer des conditions où les blessures sont bénéfiques pour les mâles et que la sélection est plus intense et plus efficace dans de grandes populations.

En parallèle, l’isolement reproducteur a évolué plus rapidement dans les grandes populations, ce qui suggère un rôle majeur des interactions entre sexes dans la spéciation.



Décalage de floraison dans une population du cap Corse sous l'effet des changements climatiques (+ 1°C et avancement de 2 degré-jours en 25 ans). Date de floraison moyenne des deux années de collecte (x 50 familles) estimée sous serre