Histoire de Yanna


C’est par un article dans la revue Le Yachtsman en mai 1908 qui relate son lancement au chantier Lagorce à Bordeaux que nous découvrons le yawl Yanna. Le terme de « voilier mixte » est employé pour désigner ce yacht de 14 mètres équipé d’un moteur, un trois cylindres Fairbanks, grande nouveauté à l’époque. Yanna a été dessiné par Ernest Lhonoré, architecte bordelais.


L’année suivante, la même revue nous en donne les plans, dont celui de l’aménagement intérieur, un « salon », un poste avant avec deux bannettes-cadres destiné aux marins professionnels embarqués et une chambre moteur démesurée. Avec son étrave arrondie, sa voûte très allongée, son faible franc-bord, ses porte-haubans, l’élégance de cette coque à la tonture marquée est de celles que l’on remarque.


Ses premières sorties, à la journée, le conduisent au départ de Bordeaux vers Arcachon et Royan. En juillet 1914 son nouveau propriétaire embarque pour une croisière en Manche. Sa mobilisation pour le front le contraint à abandonner Yanna au Havre où le yacht devra attendre l’armistice avant de reprendre la mer. Un nouveau propriétaire, en 1920, membre du Yacht Club de France, le base à Royan. Yanna porte alors le guidon de ce sélect club. Il participe à de nombreuses régates, de Royan à La Trinité. La revue Le Yacht cite régulièrement ses mouvements dans les ports atlantiques et relate les régates auxquelles il prend part. Yanna s’y classe très honorablement. Cette coque, tracée assez large pour bénéficier d’un volume agréable en croisière, révèle une rapidité certaine. Après sa première vie de croiseur c’est le début d’une période de courses croisières.


Le propriétaire suivant lui donne Lorient pour port d’attache. Egalement membre du Yacht Club de France, il continue à naviguer avec le guidon du club. Croisières familiales en Bretagne, à plusieurs reprises à l’île de Wight, participation assidue aux courses croisières. En 1939 Talma Bertrand trace les plans d’un gréement de yawl marconi qui met fin à trente années de voilure aurique, la modernité… Les saisons de navigation se suivent, toujours chargées. Yanna pendant la seconde guerre, mis à la disposition d’un marin-pêcheur pour remplacer son bateau détruit par fait de guerre, aborde une courte vie de bateau de travail. A la Libération le yawl est prêté pour un camp de scouts marins au cours duquel il aura l’honneur de recevoir à son bord Louis Bernicot de retour d’un tour du monde en solitaire à bord d’Anahita. Au décès du propriétaire en 1952, Yanna est sur la Seine. Revendu, il reste basé quelques années à Triel où demeure son nouvel acquéreur qui l’équipe d’une motorisation diesel en 1960. En 1968 le nouveau propriétaire entreprend de le gréer en ketch et de redistribuer son volume intérieur, la place libérée par le nouveau moteur autorisant l’aménagement de nouvelles cabines. Le plan de pont de Yanna est fortement modifié avec une cabine arrière surmontée d’un petit roof. Nouvelle vente en 1972 alors que le bateau est à Toulouse, première navigation en Méditerranée à l’issue de laquelle Yanna est regréé en goélette américaine. Pendant toute cette période le propriétaire navigue en Méditerranée, jusqu’aux Baléares, avec un équipage familial et chaque fin de saison remonte le canal du Midi pour hiverner à Toulouse et réaliser des travaux importants sur Yanna.


A nouveau revendu en 1979 (dixième propriétaire), Yanna est attaché à Toulon. Trois années plus tard un nouvel acquéreur en prend possession et le remonte par le Rhône, puis les canaux, à Saint Valéry sur Somme. Suit une période durant laquelle se succèdent des études pour restaurer une coque qui accuse ses 3 quarts de siècle. Le dernier dossier constitué permet l’homologation d’un fonds de dotation publiée au Journal Officiel du 25 juin 2011. Ses fondateurs n’engagent cependant pas la restauration.


Depuis, un nouveau propriétaire s’est lancé dans une procédure concrète de remise en état. 2019 voit la création de l'Association du Navire Yanna .


En 111 ans, Yanna aura eu treize propriétaires, six moteurs, cinq gréements différents. Dessiné par un architecte français, construit en France, il a toujours été immatriculé en France, ses différents ports d’attache lui ont fait faire un tour complet de l’hexagone : Atlantique puis Manche, Méditerranée et enfin retour en Manche, à la limite de la mer du Nord. Cette coque de croiseur a également un bon palmarès de course croisière.

références : revues Le Yacht et Yachting Gazette, Lloyd’s Register of Yachts, archives du Yacht Club de France, registres de l’Inscription Maritime, actes de vente, rencontres avec plusieurs propriétaires.

Chantier Yanna

Les principales dates :

30 Mai 1908: Mise à l’eau de Yanna

Le lancement matinal de Yanna a lieu au chantier Lagorce à Bordeaux. La revue Le Yachtsman lui fait l’honneur de publier dans un de ses numéros de l’année, un compte rendu de son lancement. Elle salue ses « lignes infiniment gracieuses » et précise qu’il est doté d’une « bonne et grande caisse à moteur ». Yawl de 14,2 mètres, il est équipé d’un moteur Fairbanks 3 cylindres de 20 chevaux avec une hélice réversible. La voilure a été réalisée par Ruzé.

1908-1914: Premier propriétaire - Inscription au Lloyd’s register of Yacht en 1912

1914–1920: Deuxième et troisième propriétaires

1920–1935: Quatrième propriétaire - Inscrit au Lloyd’s register of Yacht en 1924 et 1925

Inscrit au Yacht Club de France en 1920 et 1929. Entre 1923 et 1939 engagé sur une quinzaine de régates.

1935-1960: Cinquième propriétaire - Président du Yacht Club de Lorient

Grand Rallye Nautique de Brest en 1939: arrivé 3ième

Au début de la guerre le bateau a été prêté par son propriétaire qui ne pouvait pas s’en servir pour la plaisance, à un patron pêcheur nommé LeRoy Quéret, connu pour avoir vu ses quatre fils fusillés par les allemands pour faits de résistance. Il avait perdu son bateau de pêche du fait de la guerre et s’est servi de Yanna pour pêcher, puis le bateau a séjourné dans une vasière de la rade en attendant la fin de la guerre. Il a vu les bombardements de la base sous-marine, "plus grande forteresse d’Europe", à un ou deux milles en face, et la ville en feu, détruite à 90%. À Larmor-Plage, dès 1946, la rue par laquelle on accède au bourg a reçu le nom de « Rue des quatre frères Le Roy-Quéret ».

La troupe des scouts d’Angers a eu le plaisir de disposer de Yanna pour son camp de l’été 1947. La IIIieme Angers avait été engagée dans la résistance par Pierre Yves Labbe et avait notamment fourni à Londres les plans de la faculté catholique d’Angers, siège de la Kriegsmarine, et, en dirigeant les troupes alliées pour la traversée de la Maine, avait permis que la libération d’Angers se fasse sans qu’un seul coup de fusil ne soit tiré. La IIIème Angers a reçu la croix de la Libération.

1960-1968 : Sixième propriétaire

1968- 1972: Septième, huitième propriétaires

1972-1979: neuvième propriétaire

1979-1982: dixième propriétaire

1982-2012: onzième, douzième propriétaire

2012: treizième propriétaire - Début de la restauration

2019: Création de l'ANY pour partager le projet et permettre d'accueillir des équipiers à bord en définissant un programme de remise à l'eau

2021 - 14 octobre : YANNA est présenté au jury de la Commission du Patrimoine Maritime et Fluviale présidé par Gérard d’Aboville parmi 150 autres candidats pour être labellisé Bateau d'Intérêt Patrimonial. Le jury décide de labelliser BIP YANNA pour 5 Ans. Hourras ! Hourras!

Le certificat BIP