2022-04 : Conférence
"
DACIA Toute une Histoire"

Pour cette première conférence de l'année 2022, RENAULT HISTOIRE a eu l’honneur de recevoir et d’écouter Denis Le Vot, Directeur Général des Marques Dacia et Lada sur un thème qui a déjà passionné les personnes présentes à la FARGR aussi bien que celles connectées via l’application de visio-conférence Zoom : "DACIA, Toute une Histoire".


Cette conférence a été l’occasion pour Denis Le Vot de nous expliquer les origines de la marque Dacia dès 1966 ainsi que la profonde mutation opérée dès la fin des années 90 avec l’acquisition de la marque par le groupe Renault sous la présidence de Louis Schweitzer.

Philippe Cornet, rappelle avant l’intervention du patron de Dacia les articles sur Dacia parus dans la revue Renault Histoire : notamment les N° 30, 39, et 15 ce dernier de Louis Costet décrit l’acte de naissance de Dacia en 1966. D’autre part Daniel Debrosse (directeur de projet dans l’équipe de départ en 1998) a brillamment soutenu une thèse de doctorat d’histoire sur le sujet en 2006.

Après avoir brossé son parcours Renault depuis son entrée dans le groupe, il se définit comme un « pur produit Renault », qui la conduit de la Russie aux États-Unis, pour devenir patron de la business unit Dacia/Lada en 2021, il introduit son exposé qui ne se veut pas chronologique, mais plutôt par thèmes en décrivant les enjeux de cette marque.

Il évoque le contrat de 1966 qui crée de toute pièce la marque Dacia dans une usine existante à Pitesti (UAP). La R 12 1300 y sera produite de 1968 à 1999 atteignant plus de 2 millions d’unités, dans ses différentes versions. En 1995 un nouveau produit apparaît, la Nova qui avec le suivant donnera la super Nova sur laquelle va s’appuyer Renault après sa reprise de Dacia en 1998.

Louis Schweitzer qui fut à l’origine de ce projet raconta qu’il eut l’intuition d’une voiture pas chère en visitant un concessionnaire russe à Moscou en découvrant un véhicule dépassé technologiquement, mais à 5000 $. Il partait du principe qu’il ne fallait pas « déplumer « un véhicule existant, mais créer une voiture à partir d’une feuille blanche, à 5000 €. C’est le projet L 90 qui deviendra la Logan. Le concept low cost était né. Ce véhicule tri corps familial était destiné à une zone géographique limitée : Roumanie Turquie, pays de l’Est européen (PECO).

Ce projet fut accueilli avec scepticisme par l’ingénierie de la grande maison, mais des hommes de conviction comme Jean Marie Hurtiger, Gérard Detourbet , et Manuel Roldan, ont permis de finaliser la Logan en juin 2004. L’odyssée commençait. En septembre 2004 le président annonce la voiture sur tous les marchés européens, excepté l’Angleterre, à 7500 € (prix HT de la Rep tchèque). Le volume de vente passe de 135,144 mille à plus de 700. 000 mille en 2019. La commercialisation suit le même principe que la conception, du juste coût, donc pas de rabais et rémunération réseau à 5 % et moyens commerciaux (publicité, distribution, etc. à 15 %).

Les ventes sont donc essentiellement à particuliers (retail). Dacia fait donc 8 à 10% de part de marché dans toute l’Europe, sur ce segment. Depuis le début de l’année, la Sandero est la voiture la plus vendue en Europe, elle était deuxième en 2021.

Cette petite marque est devenue presque une grande marque, mais avec Renault. Denis Levot emploie la métaphore du restaurant trois étoiles, que sont Renault et le bistrot gastronomique Dacia qui récupère les ingrédients du premier pour fabriquer les recettes du second.

À l’international, les résultats sont similaires sur deux grandes zones, la Russie où la marque passe de 1,5 % en 2005 à 8% du marché en 2016 ; et l’Amérique latine, au Brésil et en Argentine. Le succès en Russie avec le Duster est venu d’un positionnement prix imbattable sur le segment des crossovers (C, soit un million de voitures en 2012). L’offre haute était le Nissan Quasquai à 800.000 roubles, la basse avec la Lada Niva à 200.O00 roubles et Duster au milieu à 400.000 roubles. Au lancement la marque a fait plus de 6 mois de portefeuille !

La marque a changé de perception dans le public avec l’arrivée du Duster et de la Sandero. On est passé du low cost à l’achat malin. Et le prix de transaction des véhicules le démontre. On a toujours le client qui vient du véhicule d’occasion et qui s’achète un véhicule neuf aux alentours de 10.000 €, mais on touche de nouveaux clients qui apprécient le design original avec un contenu du strict nécessaire. Ces derniers sont moins contraints, mais plus rationnels.

Ainsi Dacia a beaucoup évolué depuis sa reprise par Renault. Aujourd’hui on peut caractériser la marque par trois fondamentaux : le "design to cost" qui définit les essentiels (exemple du bouton électrique qui fait déplacer les sièges : non essentiel). Le deuxième pilier ce sont des usines bien remplies à 90% de leurs capacités (Pitesti, Tanger, Casablanca). Ces unités sont toujours en tirage, ce qui explique en partie leur productivité. Enfin la troisième caractéristique est la commercialisation des voitures, dont le coût de distribution est inférieur à 12% (par comparaison, le marché allemand est à 36%).

Cela se fait notamment par la réduction de la diversité (moteurs, couleurs, options, etc.) et le zéro remise, et une marge réseau faible. Une Dacia Spring a 18 combinaisons possibles. Un Duster en a 326 ce qui est très peu. Enfin Dacia n’impose pas à son réseau des normes aussi strictes de représentation, ce qui ne pousse pas à la dépense.

Tout cela a pour conséquence, une grande fidélité dans la marque, les clients renouvellent à 75% avec une Dacia et la valeur résiduelle d’une voiture (décote en occasion) est supérieure de 10 % au marché. C’est une marque de conquête : à 60% les clients sont nouveaux. Le Jogger qui vient d’être lancé permet de montrer vers quoi Dacia s’oriente. La recherche de la réduction des émissions en CO2 fait la chasse au poids. Ainsi cette voiture a un poids de 1,2 t, ce qui est de 283 kg de moins que la plus légère des 7 Places. Elle est motorisée avec un moteur GPL de 1 litre, soit 119 gr de CO2. La même démonstration s’applique à la Dacia Spring, qui est légère et est équipée de petites batteries.

Le segment C est donc le champ d’attaque de Dacia ou la profitabilité est haute et où les contraintes réglementaires vont enchérir considérablement le prix des voitures (GSR2 et Euro7). La plateforme CMF-B permet ce développement futur sur ce segment, où la profitabilité était de 11 milliards d’euros en 2020 et qui atteindra 27 milliards, quand le Bigster arrivera sur le marché en 2025.

La conférence s’est terminée sur des questions-réponses qui ont amené des précisions sur des points particuliers de la marque.