2021-06 : Conférence de Jean-Jacques His
"
Une vie de motoriste entre Renault et Ferrari"

Jeudi 24 juin 2021 à 16h30


RENAULT HISTOIRE a le plaisir de reprendre son cycle annuel de conférences après une année 2020 où la crise sanitaire n’a pas permis d’organiser ces événements.

Celle-ci n’étant pas totalement derrière nous et afin de pouvoir toucher le maximum d’entre vous, cette première édition 2021 a été organisée en distanciel via la plateforme web Livestorm jeudi 24 juin à 16h30. Vous avez été nombreux à avoir suivi cette conférence depuis votre ordinateur ou votre téléphone portable / tablette.


Pour cette première de l’année, nous avons eu le plaisir et l’honneur de recevoir Jean-Jacques His, immense motoriste qui a partagé sa vie entre Renault et Ferrari.

Ce passionné de mécanique s’est toujours défini comme un homme des moteurs et pas un homme de la course, se sentant plus à l’aise dans son bureau d’études, ses bancs d’essais ou lors de séances d’essais privés que sur un circuit les WE de Grand Prix.

Jean-Jacques His a partagé avec nous son enthousiasme aussi bien pour les moteurs de série que pour les pur-sang de course. Car oui, Jean-Jacques His a conçu et développé des moteurs de série, Diesel notamment avant de se tourner vers la compétition, expression suprême de l’automobile avec un parcours exceptionnel entre Renault et Ferrari.


Après un diplôme d’ingénieur de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris obtenu en 1971 et une spécialisation de motoriste à l’Ecole Nationale Supérieure du Pétrole et Moteurs obtenue en 1972, JJ HIS entre en 1973 au bureau d’études moteurs de Renault.

Pendant 10 ans, JJ HIS conduira différentes études. Notamment, à partir de 1976, avec moins de 3 ans d’expérience, il sera nommé responsable du projet de développement du premier moteur diesel J8S qui sera mis en production en 1976 puis du moteur F8M qui entrera en production en 1981.

Depuis 1979 Renault a déjà gagné en formule 1 avec un moteur turbo mais en 1983, Renault perd le titre de champion du monde au dernier grand prix de la saison à Kyalami. Le mois suivant, JJ HIS est nommé responsable du développement des moteurs de Renault Sport. Il découvre alors le monde de Renault sport, devra convaincre ses nouveaux collègues de sa légitimité. Il découvre aussi l’impressionnante réactivité et la motivation de l’équipe. Un changement de réglementation interdisant les ravitaillements en essence rend 1984 très difficile. En 1985, le moteur consomme beaucoup moins mais les résultats en course ne sont pas bons. En aout, Renault restreint son rôle en F1 à celui de motoriste. En 2 ans, seront développés l’allumage statique et la distribution pneumatique qui 35 ans plus tard est devenu un standard.

Mais en novembre 1985, soit 2 ans seulement après son arrivée en F1, JJ HIS vit son rêve ; il est recruté par Ferrari comme responsable des développements moteurs et transmission de compétition. Son intégration est finalement plus facile qu’à Viry Chatillon ; la réactivité de l’équipe est prodigieuse et le fonctionnement complètement intégré. De nombreux projets sont menés malgré une équipe de 50 personnes seulement. L’activité est bouillonnante et la créativité libérée génère une extrême motivation. L’ing Ferrari malgré ses 90 ans est très présent. Mais en juillet 1988, Fiat prend les commandes. Bien que reconduit dans ses fonctions, JJ HIS démissionnera rapidement.

1988 est justement le moment où Renault décide de devenir le motoriste de Williams et JJ HIS revient à Viry Chatillon avec les mêmes fonctions. Il y retrouve une équipe qui avait heureusement été préservée. C’est le moment de revenir au moteur atmosphérique après les » années turbo ». Entre la puissance des V12 Ferrari et la compacité du V8 Ford, Renault choisit de développer un V10. De nouveaux outils comme la CAO, les logiciels de calculs, des bancs d’essais modernisent en profondeur le processus de développement. De nombreuses technologies très innovantes seront développées tout en respectant un principe d’interchangeabilité. De 1992 à 1997 le moteur Renault sera 6 fois consécutives champion du monde avec 5 pilotes différents (Mansell, Prost, Schumacher, Hill, Villeneuve). En 1996, L. Schweitzer annonce aux équipes que 1997 sera la dernière année. Un moteur complètement nouveau est développé ; le succès sera une nouvelle fois au rendez-vous. La saison se termine sur le grand prix mémorable de Jerez qui voit J. Villeneuve finalement sacré champion du monde après un duel épique avec M. Schumacher et sa Ferrari.

En cette fin 1997, JJ HIS prend alors en charge la direction de la stratégie et des avant projets de la direction de la mécanique. Ce retour dans le monde de l’industrie n’est pas si simple car l’activité est très diversifiée et pour un passionné comme JJ HIS, tout bien suivre génère une charge de travail énorme. Mais en 2000, Renault rachète l’écurie Benetton et repart en F1.

En 2000, JJ HIS est nommé directeur technique de Renault F1 puis en 2002, directeur général. Sous l’impulsion des ingénieurs châssis qui calculent un gain potentiel de 0,6 sec au tour, le nouveau moteur aura un V très ouvert (102 °) afin d’abaisser le barycentre au maximum. Mais ce choix génèrera de fortes sollicitations vibratoires qui vont générer plusieurs problèmes de fiabilité et mobiliser beaucoup énergie au dépens du développement des performances. Pour la saison 2003, le moteur est redessiné mais toujours pas de 0,6 sec de gain. Par contre, des tensions fortes apparaissent dans l’équipe. En mai 2003, JJ HIS démissionne.

En juin 2003 , il repart à Maranello chez Ferrari comme directeur du développement des moteurs et transmissions de route. Ironie de l’histoire, en aout 2003, Alonso gagne le grand prix de Budapest sur sa Benetton et son moteur RS3 tandis que JJ HIS traverse le tunnel du mont Blanc vers l’Italie.

JJ HIS restera chez Ferrari pendant 15 ans. Durant cette période, il devra rationnaliser les gammes moteurs, améliorer la consommation (dont les clients se moquent mais exigée par le législateur), satisfaire les normes antipollution du monde entier (car Ferrari vend partout). Il aura aussi le plaisir d’aller plusieurs fois à Stuttgart pour y recevoir la distinction de moteur de l’année décernée par un jury de 85 pays. En 2014, il fait valoir ses droits à la retraite mais intervient encore pendant 4 ans chez Ferrari comme consultant moteur.

Cette belle carrière de motoriste lui vaudra d’être fait chevalier de la légion d’honneur en 2002 et d’être nommé membre de l’académie des technologies en 2004.