Léon Trotsky : Lettre à James P. Cannon (26 décembre 1939) [Source Léon Trotsky, Œuvres 22, septembre 1939 à décembre 1939. Institut Léon Trotsky, Paris 1985, pp. 229-230, titre : « Faut-il publier les discussions internes? », voir des annotations là-bas] Chers Amis, J’étais jusqu’à maintenant favorable à la publication des discussions dans Socialist Appeal et New International, mais je dois reconnaître que vos arguments sont très sérieux, surtout par rapport à ceux du camarade Burnham. New International et Socialist Appeal ne sont pas des instruments de discussion sous le contrôle d’un comité spécial pour la discussion ; ce sont plutôt les instruments du parti et de son comité central. L’opposition peut demander à bénéficier, dans le bulletin de discussion, des mêmes droits que la majorité, mais, jusqu’à ce qu’il ait été changé, les publications officielles du parti ont le devoir de défendre le point de vue du parti et de la IVe Internationale. C’est tellement évident qu’il n’est pas utile d’argumenter. L’idée de garanties juridiques permanentes pour la minorité n’a sûrement pas été empruntée à l’expérience bolchevique. Mais ce n’est pas non plus une invention de Burnham. Pendant longtemps, le parti socialiste français a assuré de telles garanties qui correspondent tout à fait à l’état d’esprit de rivalité de cliques littéraires et parlementaires, mais n’empêchent jamais que les ouvriers soient subjugués par la coalition de ces cliques. Les structures d’organisation de l’avant-garde prolétarienne doivent être subordonnées aux exigences positives du combat révolutionnaire, et non aux garanties négatives contre sa dégénérescence. Si le parti ne répond pas aux besoins de la révolution socialiste, il dégénérera, en dépit des clauses juridiques les plus sagaces. Dans le domaine de l’organisation, Burnham démontre qu’il manque totalement d’une conception révolutionnaire du parti, comme il l’a démontré sur le terrain politique à l’occasion de la petite mais significative question de la commission Dies. Dans les deux cas, il propose une attitude purement négative, de même que, dans la question de l’État soviétique, il n’a fourni qu’une définition purement négative. Il ne suffit pas de détester la société capitaliste — attitude négative —, il faut encore accepter toutes les conclusions pratiques d’une conception de la révolution sociale. Ce n’est malheureusement pas le cas du camarade Burnham. Mes conclusions pratiques ? D’abord, il faut condamner officiellement, devant tout le parti, la tentative d’annihiler sa ligne en plaçant son programme au même niveau que n’importe quelle innovation qu’il n’a pas acceptée. Deuxièmement, si le comité national juge nécessaire de consacrer à la discussion un numéro de New International — je ne le propose pas pour le moment — ce devrait être fait de façon telle que le lecteur puisse voir où se trouve la position du parti et où réside la tentative de révision, de façon telle aussi que le dernier mot revienne à la majorité et non à l’opposition. Troisièmement, si les bulletins intérieurs ne suffisaient pas, il serait possible de publier un recueil spécial des articles traitant des problèmes qui figurent à l’ordre du jour du congrès. La plus grande loyauté dans la discussion, mais pas la moindre concession à l’esprit petit-bourgeois, anarchiste. |
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