Léon
Trotsky : L’Ignorance n’est pas une arme révolutionnaire
Sur
des Déclarations scandaleuses de Trinchera
Aprista
(30
janvier 1939)
[Source
Léon Trotsky, Œuvres 20, janvier
1939 à mars 1939.
Institut Léon Trotsky, Paris 1985, pp. 74-83, voir des
annotations
là-bas]
Nous
avons publié dans le n° 3 de notre revue un article de Diego Rivera
qui était consacré à une lettre programmatique de Haya de la
Torre.
L’article du camarade Rivera, comme tous nos lecteurs ont pu s’en
rendre compte, traitait des problèmes d’une grande importance et,
en outre, était écrit sur un ton extrêmement serein. Cependant
l’un des journalistes de l’A.P.R.A., un certain Guillermo Vegas
Leon, a répondu par un article qu’on ne peut qualifier autrement
que d’impudent et vil. M. Vegas Leon, sous couvert de réponse aux
questions principales qui avaient été exposées, utilise
l’insinuation personnelle et croit possible d’attaquer Diego
Rivera en tant qu’homme et en tant qu’artiste.
Est-il
nécessaire de défendre Rivera contre des attaques stupides et
sales? Vegas Leon, avec un mépris comique à chaque ligne, appelle
le camarade Rivera « le peintre », comme si ce mot comportait en
lui-même une effroyable condamnation. M. Vegas Leon, pour ajouter au
poids de son ironie l’ironie d’un philistin impuissant aurait dû
parler d’un « grand peintre » : si c’est mal d’être un
peintre, c’est incomparablement pire d’être un maître de
talent. A l’instar de Lombardo Toledano et autres « socialistes »
bourgeois, Vegas Leon accuse Rivera de vendre ses peintures à la
bourgeoisie. Mais qui, dans la société capitaliste, peut acheter
des peintures, sinon la bourgeoisie ? L’écrasante majorité des
artistes, dépendants de la bourgeoisie du fait des conditions
sociales, sont unis à elle idéologiquement. Rivera constitue un cas
exceptionnel parce qu’il maintient une indépendance morale totale
vis-à-vis de la bourgeoisie. C’est précisément pour cette raison
qu’il a droit au respect de tout ouvrier socialiste et de tout
démocrate sincère. Mais Vegas Leon n’appartient à aucune de ces
deux catégories.
Vegas
Leon s’indigne parce que Rivera traite Haya de la Torre comme un
démocrate. Vegas León voit là insulte et calomnie. Haya de la
Torre « n’est pas un démocrate mais un révolutionnaire »,
s’exclame-t-il. Il est tout à fait impossible de comprendre ce que
signifie cette opposition. D’un côté, le démocrate peut être
opposé au partisan de la monarchie ou à la dictature fasciste ; de
l’autre, et de façon différente, il peut l’être au socialiste.
Mais opposer le démocrate au socialiste a presque la même
signification que d’opposer un rouquin à un avocat. Le démocrate,
en France ou aux États-Unis, ne peut naturellement pas être un
révolutionnaire ; il est pour le maintien du système existant, il
est conservateur. Mais le démocrate d’un pays arriéré, qui se
trouve sous la double oppression de l’impérialisme et de la
dictature policière, comme c’est le cas au Pérou, ne peut être
qu’un révolutionnaire s’il est un démocrate sérieux et
conséquent. C’est précisément l’idée que développe Rivera.
Diego Rivera fait des critiques à Haya de la Torre pour sa position
en tant que défenseur de la démocratie, pas parce qu’il
n’apparaît pas comme un socialiste dans sa lettre programmatique.
Rivera prend cette position conditionnellement et tente, avec succès,
selon nous, de démontrer que Haya de la Torre apparaît comme un
démocrate inconséquent.
C’est à quoi [Vegas] León aurait dû répondre.
Haya
de la Torre appelle les États-Unis « le gardien de notre liberté »
et promet de s’adresser lui-même au gardien en cas de danger
fasciste (Benavides n’est pas un danger?) « pour demander son aide
». Le camarade Rivera condamne à juste titre l’idéalisation de
l’impérialisme nord-américain. Quelle est la réponse de Vegas
Leon? Il répond par des injures, invoque des citations de Lénine,
cite d’autres déclarations de de la Torre… et plus d’insultes.
Mais il n’explique pas de cette façon pourquoi le dirigeant
apriste, au lieu de dénoncer le rôle véritable de ce pays, a cru
possible, à la veille de la conférence de Lima, de présenter les
États-Unis — comme l’a fait [Lombardo] Toledano dans Futuro —
comme une poule philanthrope qui protège les poulets
latino-américains (y compris le tendre petit poulet Benavides) du
vautour de l’autre côté de l’océan. Une telle entorse à la
réalité est doublement inadmissible quand elle se trouve sous la
plume du démocrate d’un pays opprimé.
Les
marxistes révolutionnaires peuvent conclure des accords pratiques
avec des démocrates, mais précisément avec ceux qui sont
révolutionnaires,
c’est-à-dire avec ceux qui s’appuient sur les masses et pas sur
la poule protectrice. L’A.P.R.A. n’est pas, aux yeux du
marxiste, une organisation socialiste, parce qu’elle n’est pas
une organisation de classe du prolétariat révolutionnaire.
L’A.P.R.A. est une organisation de la démocratie bourgeoise dans
un pays arriéré semi-colonial. Du fait de son type social, de ses
objectifs historiques et, dans une large mesure, de son idéologie,
elle entre dans la même catégorie que les populistes russes
(social-révolutionnaires) et le Guomindang chinois. Les populistes
russes étaient beaucoup plus riches en doctrine et en phraséologie
« socialiste » que l’A.P.R.A. Cela ne les a pas empêchés
cependant de jouer le rôle de démocrates petits-bourgeois, pire
encore, de démocrates petits-bourgeois arriérés
qui n’ont pas la force de réaliser des tâches purement
démocratiques en dépit de l’esprit de sacrifice et de l’héroïsme
de leurs meilleurs combattants. Les « social-révolutionnaires »
avaient publié un programme agraire révolutionnaire, mais, comme
les partis petits-bourgeois, ils étaient prisonniers de la
bourgeoisie libérale — cette bonne poule qui protège les petits —
et ils ont trahi les paysans au moment décisif pendant la révolution
de 1917. Il est impossible d’oublier cet exemple historique. Un
démocrate qui répand la confiance dans les « gardiens »
impérialistes ne peut que créer d’amères désillusions aux
peuples opprimés.
Le
camarade Rivera affirme dans ses thèses, comme dans son article, que
les peuples opprimés ne peuvent obtenir leur émancipation complète
et définitive que par le renversement révolutionnaire de
l’impérialisme, et que cette tâche ne peut être réalisée que
par le prolétariat mondial en alliance avec les peuples coloniaux.
M. Vegas Leon déverse un torrent d’objections injurieuses et
quelques arguments du même ordre contre cette idée. Laissant les
injures de côté, nous allons essayer de déterminer la base de son
argumentation. Le prolétariat des pays impérialistes, dit-il, n’a
pas le moindre intérêt pour la lutte des pays coloniaux, et par
conséquent ces derniers doivent mener leur propre politique.
Considérer que le sort des pays arriérés dépend de la lutte du
prolétariat des pays avancés, aussi peu que ce soit, c’est… du
« défaitisme ». Nous n’allons pas examiner l’absurdité de
cette idée : Vegas Leon donne un exemple pour prouver la validité
de ses idées. Le Mexique a exproprié les entreprises pétrolières.
N’est-ce pas un pas vers l’émancipation de ce pays de sa
dépendance impérialiste ? Cette mesure a néanmoins été adoptée
sans la moindre participation du prolétariat américain ou anglais.
Cet exemple récent démontre, selon Vegas Leon, que les peuples
semi-coloniaux et coloniaux peuvent atteindre leur émancipation
complète indépendamment de l’attitude du prolétariat
international.
Tout
ce raisonnement démontre que le journaliste de l’A.P.R.A. ne
comprend pas l’A B C de cette question qui est d’une importance
fondamentale pour son parti, à savoir la relation réciproque entre
les pays impérialistes et semi-coloniaux. Il est absolument vrai que
le Mexique a effectué un pas vers l’émancipation économique en
expropriant les intérêts pétroliers. Mais Vegas Leon ferme les
yeux sur le fait que le Mexique, en tant que vendeur de produits
pétroliers, est maintenant tombé — et c’était inévitable —
dans la dépendance des autres pays impérialistes. Quelle forme
cette nouvelle dépendance assumera-t-elle ou peut-elle assumer?
L’histoire, sur ce point, n’a pas dit son dernier mot.
D’un
autre côté, peut-on affirmer que l’action concrète —
l’expropriation des entreprises pétrolières — est assurée de
façon définitive? Malheureusement, il est impossible de le dire.
Une pression militaire ou même purement économique de l’étranger,
avec un rapport de forces international défavorable pour le Mexique,
c’est-à-dire des défaites et des reculs du
prolétariat
mondial, peuvent
obliger ce pays à faire un pas en arrière. Ce serait pure
fanfaronnade creuse que de nier une telle possibilité. Seuls de
lamentables utopistes peuvent dépeindre l’avenir du Mexique et
celui de tout autre pays colonial ou semi-colonial comme un avenir
d’accumulation constante de réformes et d’acquis jusqu’à ce
qu’arrive l’émancipation complète et définitive. De la même
façon, les social-démocrates, ces opportunistes classiques, ont
longtemps espéré qu’ils allaient réussir à transformer la
société capitaliste au moyen de séries continues de réformes
sociales et arriver ainsi à l’émancipation complète du
prolétariat tout entier. En réalité, la voie des réformes
sociales n’était possible que jusqu’à un moment donné, quand
les classes dominantes, effrayées par le danger, déclenchaient une
contre-offensive. La lutte ne peut être tranchée que par la
révolution ou la contre-révolution. L’accumulation de réformes
démocratiques dans de nombreux pays n’a pas abouti au socialisme
mais au fascisme, qui a liquidé tous les acquis sociaux et
politiques du passé. La même loi dialectique s’applique à la
lutte de libération des peuples opprimés. Des acquis précis, qui
vont aider à leur lutte ultérieure pour leur indépendance, peuvent
être arrachés de façon relativement pacifique dans certaines
conditions favorables. Mais cela ne signifie nullement que de
semblables conquêtes partielles vont se poursuivre sans interruption
jusqu’à la réalisation de l’indépendance complète. Après
avoir fait un certain nombre de concessions secondaires en Inde,
l’impérialisme britannique est décidé non seulement à mettre un
point final aux réformes, mais à faire tourner la roue dans l’autre
sens. L’Inde ne peut être libérée que par la lutte commune et
ouvertement révolutionnaire des ouvriers, des paysans, et du
prolétariat anglais.
C’est
là l’un des aspects de la question. Mais il y en a également un
autre. Pourquoi le gouvernement mexicain a-t-il réussi à mener à
bien l’expropriation, au moins pour le moment? Grâce, avant tout,
à l’antagonisme entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. Il
n’y avait pas à craindre d’intervention active, immédiate, de
la Grande-Bretagne. Mais c’est une question mineure. Le
gouvernement mexicain a également considéré comme peu
vraisemblable une intervention militaire de son voisin du Nord au
moment où il a décrété l’expropriation. Sur quelle base ces
calculs reposaient-ils? Sur l’orientation actuelle de la Maison
Blanche : le « New Deal » dans les affaires nationales était
accompagné de la politique du « bon voisinage » dans les relations
extérieures.
Vegas
Leon ne comprend de toute évidence pas que la politique actuelle de
la Maison Blanche est déterminée par la crise profonde du
capitalisme nord-américain et la
croissance de tendances radicales dans la classe ouvrière.
Ces tendances nouvelles ont jusqu’à présent trouvé leur
expression la plus claire sous la forme du C.I.O. M. Vegas Leon se
plaint que le C.I.O. se désintéresse du sort du Pérou. Cela veut
probablement dire que la trésorerie du C.I.O. a refusé de financer
l’A.P.R.A. Pour notre part, nous n’avons pas la moindre
inclination à nous fermer les yeux sur le fait que la conscience
politique des dirigeants du C.I.O. n’est pas supérieure à celle
de la gauche du parti conservateur de Roosevelt et, on peut ajouter,
qu’elle est à certains égards inférieure à ce misérable
niveau. Néanmoins l’existence du C.I.O. reflète un bond énorme
dans les pensées et les sentiments des ouvriers nord-américains.
La
fraction influente de la bourgeoisie américaine dont Roosevelt est
le représentant dit (ou disait hier) : « Il est impossible de
gouverner par les vieilles méthodes : il faut arriver à un accord.
Il faut faire des concessions partielles pour préserver l’essentiel,
à savoir la propriété privée des moyens de production. » Telle
est précisément la signification du New Deal. Roosevelt étend
cette politique aux relations internationales et avant tout à
l’Amérique latine : céder sur les questions secondaires afin de
ne pas perdre sur les questions importantes.
Ce
sont précisément ces rapports politiques internationaux qui ont
rendu possible l’expropriation du pétrole au Mexique sans
intervention militaire ou blocus économique. En d’autres termes,
un pas pacifique sur la route de l’émancipation économique a été
possible grâce à une politique plus active et plus offensive de la
part de vastes couches du prolétariat nord-américain. Ainsi qu’on
peut s’en rendre compte, la question n’est pas de savoir si Lewis
et compagnie « sympathisent » ou non avec l’A.P.R.A. et le peuple
péruvien. Ces messieurs ne voient pas plus loin que le bout de leur
nez et ne sympathisent avec personne sauf eux-mêmes.
En
outre, la question n’est pas de savoir dans quelle mesure les
ouvriers américains comprennent aujourd’hui que leur lutte pour
leur émancipation doit être liée à celle des peuples opprimés.
Bien que la situation, vue sous cet angle, puisse être tout à fait
lamentable, il reste indiscutable et surtout très important, que
l’intensification de la lutte de classes aux États-Unis a
extraordinairement facilité l’expropriation des entreprises
pétrolières par le gouvernement mexicain. M. Vegas Leon, comme un
typique petit bourgeois qu’il est, ne peut le moins du monde
comprendre cette logique interne de la lutte de classes, la relation
mutuelle des facteurs intérieur et extérieur.
Il
serait radicalement faux de tirer de ce qui a été dit la conclusion
que la politique des États-Unis va continuer à se développer à
l’avenir dans la même direction, sans interruption, ouvrant ainsi
des possibilités toujours plus grandes pour l’émancipation
pacifique des peuples latino-américains. Au contraire, on peut
prédire en toute certitude que la politique du « New Deal » et du
« Bon voisinage », qui n’ont résolu aucune question ni satisfait
personne, ne vont que soulever les besoins et l’esprit combatif du
prolétariat nord-américain et des peuples latino-américains.
L’intensification de la lutte de classes a engendré le New Deal,
faisant naître et dominer dans les rangs de la bourgeoisie les
tendances les plus réactionnaires, les plus agressives et fascistes.
La politique de « bon voisinage » sera inévitablement remplacée,
et probablement dans un avenir proche, par celle du « poing menaçant
» qui pourrait bien être tendu d’abord contre le Mexique. Seuls
les phraseurs du genre Lombardo Toledano ou Vegas Leon peuvent se
fermer les yeux devant ces perspectives. Une année plus tôt ou plus
tard, cette question se posera sous une forme très aiguë : qui sera
maître de ce continent? Les impérialistes des États-Unis ou les
masses laborieuses qui peuplent toutes les nations d’Amérique?
Cette
question ne peut, par son essence même, être résolue que par un
conflit de forces ouvert, c’est-à-dire par la révolution, ou,
plus exactement, une série de révolutions. A ces luttes contre
l’impérialisme participeront, d’un côté, le prolétariat
américain, dans l’intérêt de sa propre défense et, de l’autre,
les peuples latino-américains qui luttent pour leur émancipation et
qui, précisément
pour cette raison,
soutiendront la lutte du prolétariat américain.
On
peut nettement déduire de ce qui vient d’être dit que nous sommes
loin de recommander au peuple latino-américain d’attendre
passivement la révolution aux États-Unis ou aux ouvriers
nord-américains de se croiser les bras jusqu’au moment où
arrivera le moment de la victoire. Qui attend passivement n’obtient
rien. Il faut continuer à lutter sans relâche, à étendre et
approfondir la lutte en harmonie avec les conditions historiques
réellement existantes. Mais, en même temps, on doit comprendre les
relations réciproques entre les deux principaux courants de la lutte
contemporaine contre l’impérialisme. C’est leur fusion à une
étape donnée qui assurera définitivement la victoire.
Naturellement,
cela ne veut pas dire que Lewis et Green vont devenir d’éminents
avocats de la fédération socialiste du continent américain. Non,
ils resteront jusqu’au bout dans le camp de l’impérialisme. Cela
ne veut pas dire non plus que tout
le
prolétariat va apprendre à voir que sa propre émancipation dépend
de la lutte des peuples latino-américains. Ni que tout le peuple
latino-américain va comprendre qu’il existe une communauté
d’intérêts entre lui et la classe ouvrière américaine. Mais le
fait même que se poursuive une lutte parallèle signifiera qu’il
existe entre eux une alliance objective ; peut-être pas une alliance
formelle, mais, en vérité, une alliance très active. Plus vite
l’avant-garde prolétarienne américaine, en Amérique du Nord, du
Centre et du Sud, comprendra la nécessité d’une collaboration
révolutionnaire plus étroite dans la lutte contre l’ennemi
commun, plus tangible et fructueuse sera cette alliance. Clarifier,
illustrer, organiser cette lutte — c’est en cela que consiste
l’une des tâches les plus importantes de la IVe
Internationale.
L’exemple
que nous avons développé démontre suffisamment le niveau général
théorique et politique de M. Vegas Leon. Cela vaut-il la peine,
après cela de s’attarder à toutes ses affirmations? Nous ne
considérerons que deux des plus importantes.
Leon
nous attribue l’idée que l’U.R.S.S. est un pays impérialiste.
Naturellement, on ne peut rien trouver de pareil dans l’article de
Rivera. Nous avons seulement dit que la bureaucratie soviétique,
dans sa lutte pour garder le pouvoir, s’est transformée au cours
de quelques dernières années en un agent de l’impérialisme «
démocratique ». Afin de gagner les sympathies de ce dernier, elle
est prête à toutes les trahisons aux dépens de la classe ouvrière
et des peuples opprimés. L’attitude des staliniens au congrès
pacifiste de Mexico en septembre 1938 a totalement révélé leur
trahison des peuples coloniaux et semi-coloniaux. C’est précisément
pour cette raison que les apristes de
gauche
se sont vivement opposés à la majorité stalinienne de ce congrès.
Vegas Leon est-il, oui ou non, d’accord? Quand ce monsieur, prenant
l’air important, déclare (autrement que nous?) qu’il n’est pas
« un ennemi de l’U.R.S.S. », nous ne pouvons que hausser les
épaules avec mépris. Que signifie l’U.R.S.S. pour Leon? Une
notion géographique ou un phénomène social ? S’il veut étudier
la société « soviétique », il doit comprendre que cette société
est profondément contradictoire. Il est impossible d’être un ami
du peuple
de l’U.R.S.S. sans être un ennemi de la bureaucratie
« soviétique ». Tous les pseudo-« amis » du Kremlin, comme L. D.
Trotsky l’a plus d’une fois démontré, sont des
ennemis perfides de la lutte pour l'émancipation menée par les
ouvriers et les paysans de la Russie soviétique.
Vegas
León nous accuse de « diviser les forces de l’Espagne
républicaine » en lutte contre le fascisme, il manifeste une fois
de plus sa stupidité réactionnaire. Les marxistes révolutionnaires
ont démontré depuis le début même de la révolution espagnole et,
avant tout, après le début de la guerre civile, que la victoire
n’est possible que sur un programme socialiste : remise immédiate
de la terre aux paysans, expropriation des banques et des trusts,
possibilité pour les travailleurs de se libérer de l’exploitation
capitaliste. La révolution espagnole aurait été invincible dans
ces conditions. Mais les avocats et les laquais des propriétaires
fonciers, des banquiers, des capitalistes et du clergé répondent :
« Non, vous brisez l’unité ! » Tout mouvement révolutionnaire
des ouvriers et des paysans a été implacablement écrasé au nom de
l’« unité » des exploités avec les exploiteurs. Tous les
socialistes révolutionnaires et anarchistes véritables ont été
calomniés, emprisonnés, exterminés. Plus encore, le rôle
principal est joué par le G.P.U. stalinien. « Non, vous brisez
l’unité » — entre les victimes et les bourreaux ! On voit
maintenant les résultats de cette politique traître. Les ouvriers
et les paysans, déçus, ont tourné le dos aux républicains et ont
sombré dans le désespoir, l’apathie et l’indifférence. C’est
précisément
ce qui a assuré la victoire de Franco. Ceux qui répètent
maintenant, après la chute de Barcelone, que les « trotskystes »
prêchent la division de l’Espagne républicaine, démontrent par
cela seul qu’ils sont des agents des propriétaires fonciers, des
banquiers, des capitalistes et du clergé. Cela suffit pour nous
contraindre à dire ouvertement aux travailleurs péruviens : ne
croyez pas des individus du type de Vegas León ; ce sont des
petits-bourgeois conservateurs qui ne comprennent pas la logique de
la lutte de classes et sont par conséquent totalement incapables de
vous diriger dans votre lutte pour l’émancipation nationale et
sociale, ils ne peuvent vous apporter que des défaites !
Nous
pensons en avoir assez dit. Les insultes et les insinuations de Vegas
León ne sont pas des arguments. L’absence de vergogne n’excuse
pas l’ignorance. Et l’ignorance n’est pas un instrument de la
révolution.