Léon
Trotsky : Jouhaux et Toledano
(30
janvier 1939)
[Source
Léon Trotsky, Œuvres 20, janvier
1939 à mars 1939.
Institut Léon Trotsky, Paris 1985, pp. 92-93, voir des
annotations
là-bas]
L’inimitable
Léon Jouhaux
a
envoyé un télégramme à l’inimitable Lombardo Toledano. Sa
dépêche pose une question menaçante : est-il vrai que le
gouvernement du Mexique se prépare à céder des concessions
pétrolières au Japon et à d’autres pays fascistes? Ce serait un
renforcement de la puissance militaire des fascistes et mènerait à
des catastrophes internationales; cela signifierait des villes
pacifiques en flammes, un grand nombre de victimes, etc. Sur le ton
d’un écolier pris en faute, [Lombardo] Toledano a répondu : «
Non, non, le Mexique ne cédera jamais de telles concessions. » Très
récemment, [Lombardo] Toledano s’écriait : « Non, le Mexique ne
donnera jamais
son pétrole aux fascistes. L’Angleterre ne
peut pas
survivre sans le pétrole mexicain, etc. » Ces messieurs croient
qu’ils peuvent résoudre des problèmes économiques vitaux avec
des déclarations creuses ! Si [Lombardo] Toledano avait juste un
petit peu, disons, pas de sentiment révolutionnaire, mais de
sentiment de dignité nationale (et les citoyens d’un pays opprimé
devraient avoir une certaine dignité nationale), il aurait répondu
à Jouhaux par la pointe de sa botte.
Jouhaux
est un agent direct de l’impérialisme français et britannique. La
France, à la suite de la Grande-Bretagne, boycotte le pétrole
mexicain pour soutenir les actionnaires impérialistes contre un pays
semi-colonial. La France et l’Angleterre utilisent leurs forces
aériennes pour réprimer les mouvements de libération dans leurs
colonies. Comment, dans ces conditions, Jouhaux ose-t-il ouvrir la
bouche?
La
lutte contre les atrocités fascistes et impérialistes en général,
surtout la lutte contre le bombardement de villes pacifiques, ne peut
être et ne sera conduite que par des ouvriers et paysans honorables
qui n’ont pris aucune part à des actes criminels, directement ou
indirectement. Mais Jouhaux — un chien au bout de la laisse
impérialiste — comment ose-t-il se présenter en mentor du Mexique
et en gardien de la morale ? C’est parce qu’il sait à qui il a
affaire. Il ne traite pas [Lombardo] Toledano en représentant des
masses ouvrières d’un pays opprimé, mais en agent du « Front
populaire » français (hélas, décédé), c’est-à-dire en agent
à disposition de l’impérialisme « démocratique ». Et Jouhaux
ne se trompe pas.