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Léon Trotsky 19280723 Lettre au congrès de l'I.C.

Léon Trotsky : Lettre au congrès de l'I.C.

(23 juillet 1928)

[Source Léon Trotsky, Œuvres 2e série, volume 2, juillet 1928 à février 1929. Institut Léon Trotsky, Paris 1989, pp. 128-137, titre : « Le Plénum de juillet et le Danger de Droite », voir des annotations là-bas]

Le rapport présenté par Rykov le 13 juillet à la réunion des militants de Moscou sur le bilan du plénum de juillet du comité central constitue un événement d’une importance politique capitale. C’est là une intervention qui expose un programme et émane du représentant le plus autorisé de l’aile droite, portant son drapeau, sinon entièrement déployé, du moins à moitié déroulé. Rykov, dans son rapport, ne s’est pas arrêté un instant sur le programme de l’I.C. ; il ne l’a même pas mentionné. Il a consacré son exposé uniquement à la question du stockage du blé. Aussi n’est-ce pas sans raisons que son rapport est celui d’un triomphateur. La droite sort totalement victorieuse de la première escarmouche avec le centre, après quatre ou cinq mois de politique « de gauche ». Le plénum de juillet du comité central marque la première victoire visible de Rykov sur Staline, remportée, il est vrai, avec le consentement de ce dernier. L’idée essentielle du rapport de Rykov est que le déplacement qui s’est produit en février vers la gauche n’était qu’un épisode, dû à des circonstances extraordinaires, que cet épisode doit être enterré, qu’il faut classer dans les archives non seulement l’article 107 mais également celui de la Pravda de février qu’il faut abandonner l’ancien cours, en tournant, non pas à gauche, mais à droite, et que plus ce virage sera brutal, meilleur il sera. Pour se frayer la route, Rykov avoue (impossible de faire autrement, devant des faits accusateurs) trois de ses petites erreurs : « Premièrement, au moment où la crise a surgi, je l’ai estimée moins profonde qu’elle n’était en réalité ; mais, deuxièmement, je pensais que, grâce aux mesures extraordinaires, nous parviendrions à triompher complètement de cette crise du ravitaillement en blé. Nous n’y sommes pas parvenus. Troisièmement, j’espérais que toute la campagne du stockage des céréales se déroulerait en prenant appui sur le paysan pauvre et en maintenant de façon très stable la liaison avec la masse des paysans moyens. Sur ce point également, je me suis trompé. »

Et pourtant, cette crise du stockage, avec tous les phénomènes politiques qui l’accompagnent, l’Opposition l’avait prévue dans ses contre-thèses qui montraient très exactement à Rykov ce qu’il ne comprenait ni ne prévoyait. C’était précisément pour éviter des mesures administratives tardives et excessives, prises à la hâte et sans coordination, que l’Opposition a proposé à temps de faire aux éléments riches des villages un emprunt forcé en blé. La mesure avait certes elle aussi un caractère exceptionnel. Toute la politique précédente l’avait rendue inévitable; si l’emprunt avait été lancé à temps et méthodiquement, il aurait réduit au minimum les excès administratifs qui constituent un prix trop élevé pour de bien modestes succès matériels. Les mesures de violence administrative n’ont en elles-mêmes rien de commun avec un cours juste. Elles sont la rançon d’une orientation erronée. La tentative de Rykov d’attribuer à l’Opposition une tendance à éterniser les procédés à la Rykov, puisés dans l’arsenal du communisme de guerre, est tout simplement absurde. Dès les premiers jours, l’Opposition a considéré les perquisitions dans les fermes, le rétablissement des détachements de barrage, etc., non comme le début d’un cours nouveau, mais bien comme la faillite de l’ancien. L’article 107 pour le stockage n’est pas l’instrument du cours léniniste, c’est une des béquilles de la politique de Rykov. En essayant de présenter comme le programme de l’Opposition les mesures administratives de désorganisation de l’économie dont il est lui-même entièrement responsable, Rykov agit comme tous les politiciens petits-bourgeois qui, en pareil cas, excitent toujours le paysan contre le communiste en le présentant comme un bandit et un expropriateur. Que signifiait le revirement de février? C’était l’aveu du retard subi par l’industrie, de la différenciation menaçant dans les campagnes, et du terrible danger koulak. Que fallait-il en déduire pour fixer la nouvelle ligne de conduite ? Un changement dans la répartition du revenu national, faisant passer vers l’industrie une partie de ce dernier qui allait jusqu’alors au koulak, en la déplaçant du capitalisme vers le socialisme, en accélérant le développement de l’industrie, aussi bien légère que lourde. Contrairement à l’article de février de la Pravda (laquelle ne faisait que répéter les arguments de l’Opposition sur cette question), Rykov voit la cause de la crise du stockage non dans le retard du développement industriel, mais bien dans celui de l’agriculture. Fournir explication semblable, c’est se moquer du parti et de la classe ouvrière, c’est se tromper pour justifier un tournant à droite. C’est la vieille façon de poser le problème à la manière des professeurs oustrialovistes. Il est évidemment incontestable que notre agriculture est émiettée, éparpillée, arriérée, qu’elle a un caractère barbare, que ce retard est la cause fondamentale de toutes les difficultés. Mais exiger, en se basant là-dessus, comme le fait Rykov, un transfert des ressources financières destinées à l’industrie vers l’économie paysanne individuelle, c’est choisir, non pas simplement le chemin de la bourgeoisie, mais bien celui de la bourgeoisie agraire, de la bourgeoisie réactionnaire, c’est se présenter comme une caricature soviétique des « amis du peuple » des zemstvos de 1880. L’agriculture ne peut être relevée qu’avec l’aide de l’industrie. Il n’existe pas d’autre levier. Pourtant notre industrie a un effroyable retard sur l’économie paysanne qui est devant nous, émiettée, arriérée, barbare ; le retard de l’industrie se constate non seulement par rapport aux aspirations historiques générales de l’économie paysanne, mais aussi par comparaison à la capacité d’achat de celle-ci. Confondre deux questions, l’une ayant trait au retard historique général des campagnes sur les villes et l’autre sur le retard des villes par rapport aux besoins en marchandises qui se manifestent aujourd’hui dans les villages, c’est capituler et renoncer à l’hégémonie des villes sur les campagnes.

Notre agriculture, dans sa forme actuelle, est infiniment arriérée, même en comparaison de l’industrie elle-même très retardataire. Mais conclure que cette conséquence du jeu, pendant des siècles, de la loi du développement inégal des diverses parties de l’économie, peut être vaincue ou, tout au moins, atténuée par la réduction des fonds déjà insuffisants destinés à l’industrialisation, équivaudrait à combattre l’analphabétisme en fermant les établissements d’enseignement supérieur. Ce serait entamer la charpente même du progrès de l’Histoire. Bien que l’industrie ait un type de production et de technique infiniment supérieur à celui de l’agriculture, non seulement elle n’est pas de taille à jouer un rôle de direction et de transformation — rôle vraiment socialiste — en face des campagnes, mais elle n’est même pas capable de satisfaire aux besoins courants du marché du village, et elle en retarde ainsi le développement.

C’est précisément sur cette base que s’est aggravée la crise de stockage des blés : elle n’a nullement été causée ni par le caractère historique général retardataire des campagnes, ni par un prétendu progrès trop rapide de l’industrie. Le 15 février, la Pravda nous apprenait que trois années « n’avaient pas passé sans laisser de traces », que les campagnes, c’est-à-dire essentiellement les koulaks, s’étaient enrichies; devant le retard du développement de l’industrie cela devait amener inévitablement la crise du stockage des blés. Contredisant complètement cette interprétation, Rykov estime que l’erreur commise au cours des dernières années par la direction du parti a été, au contraire, d’avoir forcé exagérément l’industrialisation, pense qu’il faut en ralentir l’allure, diminuer sa part du revenu national, que les fonds ainsi libérés doivent être utilisés comme subsides pour l’économie rurale, particulièrement sa forme individuelle qui prédomine. C’est avec de tels procédés que Rykov espère, dans un bref délai, faire doubler la récolte par hectare. Mais il se tait sur les moyens qui permettront de réaliser sur le marché cette récolte ainsi doublée, c’est-à-dire de l’échanger contre les produits de l’industrie dont l’allure de développement aurait encore ralenti. Il est impossible que Rykov ne se pose pas cette question. Une récolte doublée correspondrait à une capacité quintuplée ou décuplée d’absorption de marchandises par l’économie rurale ; le manque de produits industriels serait ainsi plusieurs fois multiplié. Rykov ne peut pas ne pas comprendre cette corrélation toute simple. Pourquoi ne nous révèle-t-il pas alors le secret qui lui permettra à l’avenir de surmonter cette disproportion qui grandira de façon monstrueuse? Parce que son heure n’est pas encore venue. Pour les politiciens de la droite, la parole est l’argent, mais Je silence est d’or. Rykov a d’ailleurs déjà dépensé trop d’argent dans son rapport. Mais il n’est pas difficile de deviner ce que vaut son or. L’augmentation de la capacité d’absorption de marchandises par l’économie rurale, en face d’un développement ralenti de l’industrie, équivaut tout simplement à un accroissement de l’importation de produits fabriqués à l’étranger, destinés aussi bien aux villes qu’aux campagnes. Il n’existe pas et ne peut exister d’autre voie. En revanche, la nécessité de s’engager dans cette unique voie deviendra si pressante, la pression de la disproportion grandissante deviendra si menaçante que Rykov se décidera à monnayer sa réserve d’or et exigera bien haut l’abolition — ou une réduction équivalant à l’abolition — du monopole du commerce extérieur.

C’est précisément là le plan de la droite que prévoyait notre plate-forme. Dès maintenant, il est porté ouvertement à la tribune, sinon intégralement, du moins dans une de ses parties essentielles. Ainsi qu’il appert de tout le discours de Rykov, le relèvement des prix du blé est une hypothèque sur ce plan. C’est avant tout une prime au koulak. Elle lui permet d’entraîner avec lui avec plus d’assurance encore le paysan moyen : « Tu vois, je me suis fait largement payer les dommages causés par l’article 107. C’est en luttant que nous conquerrons notre droit, comme le disent nos maîtres les socialistes révolutionnaires. » Il faut supposer que les fonctionnaires au courant des affaires consolent les politiciens en leur assurant qu’il sera possible de récupérer sur d’autres matières premières fournies par les paysans ce qui aura été payé en trop sur le blé. Mais de telles considérations ont un caractère nettement charlatanesque. Premièrement l’ouvrier consomme du pain et non des matières premières utilisées par la technique : le relèvement du prix du blé frappera donc immédiatement le budget de l’ouvrier. Deuxièmement, on ne réussira pas mieux à se rattraper sur les autres produits fournis par le paysan, si on prend la décision de faire oublier à coup de roubles les conséquences du zigzag de gauche. En général, les manœuvres de recherche sont réalisées avec plus de pertes que de gains. C’est plus vrai encore d’une retraite aussi désordonnée que celle qui reçut l’empreinte des décisions de juillet et des résolutions de février.

La hausse du prix du grain, même conçue comme une mesure exceptionnelle et extraordinaire, comme une sorte d’article 107 à l’envers, recèle un danger énorme : elle ne fait qu’accentuer les contradictions qui ont donné naissance à la crise de la collecte. Cette hausse des prix ne frappe pas seulement les consommateurs, c’est-à-dire les ouvriers et les paysans pauvres, dont la récolte ne suffit pas à leur consommation personnelle. Elle est non seulement un surplus pour le koulak et le paysan moyen aisé mais une nouvelle augmentation de la disproportion. Si les produits industriels manquaient déjà avec le vieux prix du grain, cette pénurie s’aggravera encore après la hausse des prix et celle de la quantité de grain récolté. Cela signifiera une nouvelle aggravation de la famine de biens et la croissance continue de la différenciation sociale à la campagne. Combattre la crise du grain en augmentant son prix est entrer de façon décisive dans la voie de la dévaluation du tchervonets — en d’autres termes, c’est étancher sa soif avec de l’eau salée. Il en serait ainsi même si cette mesure était une mesure isolée et exceptionnelle. Mais, dans l’esprit de Rykov cette hausse des prix n’est nullement une mesure extraordinaire. Elle est l’une des parties essentielles de la politique de Rykov de glissement vers le retour au capitalisme. Sur cette route, l’inflation monétaire n’est qu’un détail technique.

Au sujet du danger d’inflation, Rykov dit avec un air plein de sous-entendus : « Pour le moment, le pouvoir d’achat du rouble demeure ferme. » Que signifie «pour le moment»? Cela signifie : jusqu’à la vente de la nouvelle récolte à des prix plus élevés face à la pénurie de produits industriels. Mais quand l’inflation suivra, Rykov dira aux ouvriers dont les salaires baisseront alors inévitablement dans cette situation : « Vous vous rappelez que j’avais dit “ pour le moment ”. » Et il commencera alors à développer la partie de son programme au sujet de laquelle il est actuellement muet. Il est impossible de résoudre la crise en s’engageant sur la voie d’une néo-Nep sans frapper le monopole du commerce extérieur.

Dans le même temps où Rykov célébrait son triomphe, Staline, le vaincu, prenait la parole à Leningrad. Dans ce discours de réelle impuissance (il est vraiment pénible à lire), Staline dépeint le bonus d’inflation maintenant accordé aux éléments supérieurs dans les villages au dépens des ouvriers et des paysans pauvres, comme une nouvelle consolidation de la smytchka qui unit la ville et la campagne (combien en avons-nous vues jusqu’à présent?). Staline n’essaie même pas de montrer comment il entend échapper aux contradictions qui se referment sur lui. II vient juste d’émerger des difficultés provoquées par l’article 107 et se prépare à s’embrouiller dans celles de la hausse des prix. Staline répète simplement les mêmes phrases générales sur la smytchka qu’on a déjà répétées ad nauseam. Comme si on pouvait résoudre le problème de la smytchka par une phrase, une formule, une promesse, comme si on pouvait croire (c’est-à-dire tout le monde sauf les fonctionnaires dociles de Staline) que, si la prochaine récolte est bonne, elle pourra miraculeusement surmonter la disproportion qui a seulement été aggravée par les trois précédentes récoltes. Staline a peur de la solution rykovienne, de droite, mais il a plus peur encore de la solution léniniste. Il attend. Il a tourné le dos et manipule l’appareil. Staline perd du temps avec l’impression d’en gagner. Après la fiévreuse secousse de février, nous sommes de nouveau en présence d’une politique suiviste avec toute sa pitoyable impuissance.

Le discours de Rykov est d’un ton totalement différent. Tandis que Staline élude la question, parce qu’il n’a rien à dire, Rykov s’abstient de mentionner certaines choses, parce qu’il ne veut pas trop en dire. La politique de hausse du prix du grain (surtout accompagnée, comme ce fut le cas, de l’explication de Rykov pour l’abandon du zigzag à gauche du printemps) constitue et ne peut constituer que le début d’un tournant profond et peut-être décisif à droite. Les barrières légales le long de la route vers la droite, comme les restrictions sur la location des terres et l’embauche de main-d’œuvre rurale, seront abolies d’un seul coup de plume bureaucratique, avec le monopole du commerce extérieur — à moins que les droitiers ne se heurtent au mur de fer de la résistance de l’avant-garde prolétarienne. La logique d’un cours droitier peut paraître rapidement plus forte que tout. Toutes les illusions et faux espoirs quant à la « loyauté envers le parti » des droitiers, toute confiance en la chance en général, toute perte de temps, toute minimisation des contradictions, échec à présenter les choses en entier, ou le jeu diplomatique, ne ferait qu’inciter les travailleurs à s’endormir, à aider directement l’ennemi, à promouvoir, consciemment ou inconsciemment, Thermidor. Avec le discours de Rykov commentant les résolutions du plénum de juillet, la droite a jeté le gant à la révolution d’Octobre. Nous devons le comprendre. Nous devons relever le gant. Nous devons tout de suite et de toute notre force porter le premier coup à la droite.

La droite, en faisant connaître sa méfiance, a indiqué d’avance sa stratégie. Elle n’a pas eu besoin pour cela de beaucoup d’ingénuité. Rykov affirme qu’à la base des efforts centristes de gauche de Staline, il y a « une absence trotskyste de confiance dans la possibilité de construire le socialisme sur la base de la Nep et une panique désespérée devant le paysan ». La lutte contre « le trotskysme » est le dernier rouble non dépensé de tous ses partisans. Mais si ce genre d’arguments était tout à fait stupide dans la bouche de Staline, ils ne sont plus qu’une pitoyable caricature dans celle de Rykov. Il est exact qu’ici il a dû se souvenir que le silence était d’or.

Ce sont ceux qui n’avaient pas confiance dans la conquête du pouvoir par le prolétariat dans la Russie paysanne qui sont réellement pris de panique devant le paysan. Ces héros de la panique étaient de l’autre côté des barricades en octobre 1917. Rykov était l’un d’eux. Quant à nous, nous étions avec Lénine et le prolétariat, car nous n’avons pas douté un instant de la capacité du prolétariat à prendre la tête de la paysannerie.

La politique de Rykov en 1917 n’était qu’une anticipation concentrée de l’actuelle tactique économique. A présent, il propose de rendre, l’un après l’autre, les leviers de commande de la dictature que le prolétariat contrôle déjà, aux éléments de l’accumulation capitaliste primitive. C’est seulement du fait de la falsification de l’histoire, qui est devenue une pratique si courante, au cours des dernières années, que Rykov ose décrire comme une panique la lutte irréconciliable de l’Opposition en défense de la dictature socialiste. Il essaie en même temps de faire passer pour du courage politique sa disposition à capituler les yeux grand ouverts devant le capitalisme.

A présent, Rykov dirige sa démagogie réactionnaire — parfaitement adaptée à la psychologie du propriétaire sur la voie de la fortune — moins contre l’Opposition que contre Staline et les centristes qui penchent à droite. De même qu’en son temps, Staline a dirigé contre Zinoviev toutes les attaques que Zinoviev avait dirigées contre le « trotskysme », de même Rykov apprend aujourd’hui à répéter la même opération contre Staline. Qui sème le vent récolte la tempête. On ne peut jouer avec les idées politiques. Elles sont plus dangereuses que le feu. Les mythes, légendes, mots d’ordre, d’un trotskysme imaginaire, sont maintenant devenus des attributs de l’Opposition, mais certaines classes s’en sont emparées et ainsi ces conclusions ont commencé à mener une vie propre. Pour pouvoir usurper le pouvoir de façon plus large et plus profonde, Staline a dû faire une agitation cent fois plus brutale que ne l’avait fait Zinoviev. C’est maintenant le tour de Rykov. On peut imaginer les persécutions que la droite se prépare à déchaîner quand elle s’appuiera ouvertement sur l’instinct de propriété du koulak. Il ne nous faut pas oublier que, si les rykovistes constituent la queue des centristes, ils ont pour leur part une autre queue, beaucoup plus lourde.

Immédiatement derrière Rykov, arrivent ceux qui, comme la Pravda l’a déjà reconnu, veulent vivre en paix avec toutes les classes — c’est-à-dire veulent une fois de plus obliger l’ouvrier, le travailleur agricole et le paysan pauvre à se soumettre pacifiquement au maître. Derrière eux surgit déjà le petit employeur, cupide, impatient, vindicatif, les manches retroussées et le couteau au sommet de sa botte. Et derrière le petit employeur, de l’autre côté de la frontière, attend le vrai patron avec cuirassés, avions et gaz asphyxiants. « Nous ne devons pas nous laisser gagner par la panique. Continuons à construire comme nous l’avons fait dans le passé ». C’est ce que prêchent les Ydouchka Golovljev de la droite, incitant les ouvriers à dormir, mobilisant les propriétaires, préparant Thermidor. Telle est la position présente des pièces sur l’échiquier. Ce sont les vrais mécanismes de classe de la situation actuelle.

Rykov, nous l’avons dit, trompe le parti quand il affirme que l’Opposition aimerait perpétuer les mesures extraordinaires auxquelles nous sommes réduits, à notre honte, dans l’An VI de la dictature prolétarienne, par la politique suivie depuis la mort de Lénine. L’Opposition a dit clairement que ses buts sont dans ses documents adressés au VIe congrès. Mais Rykov avait tout à fait raison quand il disait : « La principale tâche des trotskystes est d’empêcher la victoire de la droite ». Précisément, c’est juste. La victoire de la droite serait le dernier pas vers Thermidor. Après une victoire de la droite, il ne serait plus possible de s’élever à nouveau à la dictature par la seule méthode de la réforme interne du parti. La droite est la poignée que tournent les classes ennemies. Le succès de la droite ne serait qu’une victoire, temporairement déguisée, de la bourgeoisie sur le prolétariat. Rykov a raison. Notre principale tâche maintenant est d’empêcher la victoire de la droite. Pour obtenir ce résultat, il ne faut pas endormir le parti, comme le font les Zinoviev, Piatakov et autres, mais sonner l’alarme là-dessus dix fois plus fort.

Nous disons à notre parti et à l’Internationale communiste :

Rykov commence ouvertement à livrer la Révolution d’Octobre aux classes ennemies. Staline danse d’un pied sur l’autre. Il sonne la retraite devant Rykov et tire sur la gauche. Boukharine obscurcit l’esprit du parti par les toiles d’araignée de sa scolastique réactionnaire. Le parti doit élever la voix. L’avant-garde prolétarienne doit prendre en mains sa destinée. Le parti doit discuter largement des trois lignes principales, droite, centriste, et léniniste. Le parti a besoin de la réintégration de l’Opposition dans ses rangs. Le parti a besoin d’un congrès honnêtement préparé et choisi.

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