Léon
Trotsky : Appel dès déportés a l’Internationale Communiste
(13
janvier 1928)
[Source
Léon Trotsky, Œuvres 2e série, volume 1, janvier 1928 à juillet
1928. Institut Léon Trotsky, Paris 1988, pp. 68-77,
voir
des
annotations là-bas]
Nous
soussignés, exclus des rangs du parti communiste de l’Union
soviétique avant le 15e
congrès de ce parti ou par décision de ce congrès, avons estimé
nécessaire de faire appel en temps utile de cette exclusion auprès
de l’organe suprême du mouvement communiste international, à
savoir le 6e
congrès de l’Internationale communiste. Cependant, sur ordre du
G.P.U. (ou en partie sur résolution du comité central du parti),
nous, vieux-bolcheviks, sommes exilés dans les régions les plus
éloignées d’Union soviétique sans qu’aucune accusation soit
portée contre nous, dans le but unique d’empêcher notre liaison
avec Moscou et les autres centres ouvriers, et, par conséquent, avec
le 6e
congrès mondial. Nous estimons donc nécessaire, à la veille de
notre départ forcé vers des régions lointaines de l’Union,
d’adresser la déclaration présente au présidium du comité
exécutif de l’Internationale communiste, en le priant de le porter
à la connaissance des comités centraux de tous les partis
communistes.
1. Le
G.P.U. nous exile sur la base de l’article 58 du Code criminel,
c’est-à-dire pour « propagande ou agitation en faveur du
renversement, de la sape ou de l’affaiblissement du pouvoir
soviétique ou pour commettre des actes individuels
contre-révolutionnaires ».
Avec
un calme dédain, nous rejetons la tentative d’appliquer cet
article à des dizaines de bolcheviks-léninistes qui ont beaucoup
fait pour établir, défendre et consolider le pouvoir soviétique
dans le passé et, qui, à l’avenir aussi, consacreront toutes
leurs forces à défendre la dictature du prolétariat.
2. La
déportation administrative de vieux militants, sur ordre
administratif du G.P.U., est tout simplement un nouveau maillon de la
chaîne des événements qui ébranlent le P.C. soviétique. Ces
événements auront une importance historique immense pour une série
d’années. Les divergences de vues actuelles sont parmi les plus
importantes de celles que connut l’histoire du mouvement
révolutionnaire international. Il s’agit en substance de savoir
comment ne pas mener à sa perte la dictature du prolétariat qui fut
conquise en octobre 1917. La lutte dans le P.C. de l’U.R.S.S. se
déroule dans le dos de l’I.C. ; celle-ci n’y participe pas, elle
l’ignore même. Les documents principaux de l’Opposition
consacrés aux grandes questions de notre époque continuent à être
inconnus de l’Internationale communiste. Les partis communistes
sont toujours placés devant le fait accompli, et ne font qu’apposer
leur estampille sur des décisions adoptées d’avance. Nous
estimons qu’une telle situation est issue du régime absolument
faux en vigueur dans le P.C. de l’U.R.S.S. et dans l’I.C. tout
entière.
3. L’âpreté
exceptionnelle de la lutte au sein du parti, qui a amené notre
exclusion de celui-ci (et actuellement notre exil, sans qu’aucun
fait nouveau puisse être invoqué pour le motiver), trouve
précisément sa cause dans notre aspiration à faire connaître
notre point de vue au parti et à l’I.C. Tant que Lénine était
là, une telle activité était considérée comme normale et
logique. Les discussions se développaient à cette époque sur la
base de la publication et de l’examen intégral de tous les
documents concernant les questions litigieuses. Faute d’un tel
régime, l’I.C. ne peut devenir ce qu’elle doit être. La lutte
pour le pouvoir du prolétariat international contre la bourgeoisie,
extrêmement puissante, est encore entièrement devant lui. Cette
lutte présuppose, du côté des partis communistes, une direction
forte, jouissant d’une autorité morale, et capable d’agir par
elle-même. Une telle direction ne peut être créée qu’au cours
de nombreuses années, en sélectionnant les représentants les plus
fermes, les plus aptes à déterminer leur action d’une façon
autonome, les plus conséquents, les plus vaillants de l’avant-garde
du prolétariat. Dans l’exécution de leur tâche, des
fonctionnaires, même les plus consciencieux, ne peuvent remplacer
les guides de la Révolution. La victoire de la révolution
prolétarienne en Europe et dans le monde entier dépend, dans une
très large mesure, de la solution du problème de la direction
révolutionnaire. Le régime intérieur de l'I.C. empêche de choisir
et d’éduquer une pareille direction. Cela se manifeste surtout de
façon éclatante par l’attitude des partis communistes étrangers
en présence des procédures internes du P.C. de l’U.R.S.S. dont le
sort est intimement lié au destin de l’I.C.
4. Nous,
Oppositionnels, nous avons brisé les normes de la vie du parti.
Pourquoi? Parce que nous avons été dépouillés illégalement de la
possibilité d’exercer nos droits normaux de membres du parti. Pour
porter notre point de vue à la connaissance du congrès, nous avons
été contraints de prendre sur nous d’utiliser une imprimerie
d’État. Pour réfuter devant la classe ouvrière la falsification
de notre point de vue, et, en particulier, la vile calomnie relative
à notre prétendue liaison avec un officier de Wrangel et la
contre-révolution en général, nous avons arboré, à la
manifestation du 10e
anniversaire, des pancartes portant les inscriptions suivantes :
«
Feu à droite, contre les Koulaks, les Nepmen et les Bureaucrates ! »
«
Réalisons les dernières volontés de Lénine ! »
«
Pour une véritable démocratie dans le Parti ! »
Ces
mots d’ordre, incontestablement bolcheviques, furent déclarés non
seulement hostiles au parti, mais contre-révolutionnaires. De
nombreux signes montrent qu’il
faut s’attendre également, dans l’avenir, à des tentatives de
créer de toutes pièces de prétendus liens entre l’Opposition et
les organisations de gardes-blancs et de mencheviks
dont nous sommes plus éloignés que quiconque.
Pour
forger un tel amalgame, point n’est besoin de donner de motifs, pas
plus d’ailleurs que pour nous déporter.
5. Dans
la déclaration que nous avons adressée au 15e
congrès, signée des camarades Smilga, Mouralov, Rakovsky et Radek,
nous avons annoncé notre soumission aux décision du 15e
congrès et notre détermination à cesser le travail fractionnel.
Néanmoins, on nous a exclus et l’on nous déporte à cause de nos
opinions. Mais, par-dessus tout, nous avons déclaré, et nous
répétons ici, que nous ne pouvons pas renoncer aux opinions
exprimées dans nos thèses et dans notre plate-forme, car le cours
des événements confirme leur justesse.
6. La
théorie de la construction du socialisme dans un seul pays conduit
inéluctablement à séparer le sort de l’U.R.S.S. de celui de la
révolution prolétarienne internationale dans son ensemble. Poser
ainsi la question, c’est saper, dans le domaine théorique et
politique, les fondements même de l’internationalisme prolétarien.
La lutte contre cette nouvelle théorie foncièrement anti-marxiste,
inventée en 1925 – c’est-à-dire notre lutte pour les intérêts
fondamentaux de l’I.C. – c’est ce qui a amené notre exclusion
du parti et notre déportation administrative.
7. La
révision du marxisme et du léninisme, dans la question fondamentale
du caractère international de la révolution prolétarienne,
provient du fait que la période de 1923 à aujourd’hui a été
marquée par de dures défaites de la révolution prolétarienne
internationale (1923 en Bulgarie et en Allemagne, 1925 en Estonie,
1926 en Angleterre, 1927 en Chine et en Autriche). Ces défaites ont
créé à elles seules la possibilité de ce qu’on a nommé la
stabilisation du capitalisme, car elles ont consolidé provisoirement
la situation de la bourgeoisie mondiale; par la pression renforcée
de celle-ci sur l’U.R.S.S., ces défaites ont ralenti l’allure de
l’édification socialiste ; elles ont renforcé les positions de
notre bourgeoisie à l’intérieur; elles ont donné à celle-ci la
possibilité de se lier plus fortement à beaucoup d’éléments de
l’appareil d’État soviétique; elles ont accru la pression de
cet appareil sur celui du parti, et elles ont conduit à
l’affaiblissement de l’aile gauche de notre parti. Au cours de
ces mêmes années, il s’est produit en Europe une renaissance
provisoire de la social-démocratie, un affaiblissement provisoire
des partis communistes, et un renforcement de l’aile droite à
l’intérieur de ces derniers. L’Opposition dans le P.C.R., en
tant qu’aile gauche ouvrière, a subi des défaites en même temps
que s’affaiblissaient les positions de la révolution prolétarienne
mondiale.
8. Si
les partis de l’I.C. n’ont eu aucune possibilité d’apprécier
exactement la signification historique de l’Opposition, la
bourgeoisie mondiale, en revanche, a déjà émis son jugement sans
ambiguïté. Tous les journaux bourgeois plus ou moins sérieux, dans
tous les pays, considèrent l’Opposition du P.C.R. comme leur
mortelle ennemie et envisagent au contraire la politique de la
majorité actuellement dirigeante comme une transition nécessaire à
l’U.R.S.S. vers le monde « civilisé », c’est-à-dire
capitaliste.
Le
présidium de l'I.C. devrait, selon nous, rassembler les opinions
exprimées par les chefs politiques et par les organes principaux de
la bourgeoisie, en ce qui concerne la lutte intérieure du P.C.R.,
afin de permettre au 6e
congrès la possibilité de tirer les conclusions politiques
nécessaires sur cette question primordiale.
9. L’issue
et les leçons de la révolution chinoise, révolution qui constitue
un des plus grands événements de l’histoire mondiale, ont été
tenus dans l’obscurité, écartés de la discussion, et n’ont pas
été assimilés par l’opinion publique de l’avant-garde
prolétarienne. En réalité, le comité central du P.C.R. a interdit
la
discussion des questions relatives à la révolution chinoise. Mais,
sans l’étude des fautes commises, fautes classiques de
l’opportunisme, il est impossible de concevoir dans l’avenir la
préparation révolutionnaire des partis prolétariens d’Europe et
d’Asie !
Indépendamment
de la question de savoir sur qui retombe la responsabilité immédiate
de la direction des événements de décembre à Canton, ces
événements fournissent un exemple frappant de putschisme lors du
reflux de la vague révolutionnaire. Dans une période
révolutionnaire, une déviation vers l’opportunisme est souvent le
résultat de défaites dont la cause immédiate réside dans une
direction opportuniste. L’Internationale communiste ne peut faire
aucun nouveau pas en avant sans avoir tiré préalablement les leçons
de l’expérience de l’insurrection de Canton, en corrélation
avec la marche d’ensemble de la révolution chinoise. C’est là
une des tâches essentielles du VIe
congrès mondial. Les mesures de répression prises contre l’aile
gauche, non seulement ne répareront pas les fautes déjà commises,
mais, ce qui est plus grave, n’apprendront rien à personne.
10. La
contradiction la plus flagrante et la plus menaçante de la politique
du P.C.U.S. et de l’I.C. tout entière est constituée par le fait
suivant : après quatre années de processus de stabilisation
équivalant à un renforcement des tendances de droite dans le
mouvement ouvrier, le feu continue à être, comme auparavant,
surtout dirigé contre
la Gauche.
Dans la période qui vient de s’écouler, nous avons été témoins
de fautes et de déviations opportunistes monstrueuses dans les
partis communistes d’Allemagne, d’Angleterre, de France, de
Pologne, de Chine, etc. Entre-temps, l’aile gauche de l’I.C. a
été l’objet d’un travail d’anéantissement qui se poursuit
encore. Il est incontestable qu’actuellement les masses ouvrières
d’Europe s’orientent *
11 politiquement
vers la gauche, en raison des contradictions inhérentes au processus
de stabilisation. Il est difficile de prédire à quelle allure se
déroulera ce développement vers la gauche et quelle forme il
prendra dans le proche avenir. Mais la campagne permanente contre les
éléments de gauche prépare, pour le moment où s’aggravera la
situation révolutionnaire, une nouvelle crise de direction semblable
à celle que nous avons connue ces dernières années en Bulgarie, en
Allemagne, en Angleterre, en Pologne, en Chine, etc., etc. ! Peut-on
exiger que des révolutionnaires, des léninistes, des bolcheviks, se
taisent devant de telles perspectives ?
11. Nous
n’estimons pas nécessaire de réfuter à nouveau l’affirmation
absolument fausse que nous nierions le caractère prolétarien de
notre État, la possibilité de l’édification socialiste, ou même
la nécessité de la défense inconditionnelle de la dictature
prolétarienne contre ses ennemis de classe de l’intérieur et de
l’extérieur. Ce n’est pas là-dessus que porte la discussion ;
elle porte sur l’appréciation des dangers qui menacent la
dictature du prolétariat, sur les méthodes pour combattre ces
dangers, et comment distinguer entre les véritables et faux amis,
les véritables et faux ennemis.
Nous
affirmons qu’au cours des dernières années, sous l’influence de
causes intérieures et internationales, le rapport des forces s’est
modifié d’une manière défavorable pour le prolétariat; que la
place tenue par lui dans l’économie, dans la vie politique,
économique et culturelle du pays, s’est amoindrie au lieu de
grandir ; nous affirmons que, dans le pays, les forces de réaction
thermidorienne se sont consolidées, et qu’en sous-estimant les
dangers qui en découlent, ces dangers s’aggravent dans une
proportion extraordinaire. En chassant l’Opposition du parti,
l’appareil, inconsciemment, mais avec d’autant plus d’efficacité,
rend service aux classes non prolétariennes qui ont tendance à se
renforcer et à se consolider aux dépens de la classe ouvrière.
C’est de ce point de vue que nous nous plaçons pour juger notre
déportation, et nous ne doutons pas que dans un avenir prochain,
l’avant-garde du prolétariat mondial portera sur cette question le
même jugement que nous.
12. Les
représailles contre les Oppositionnels coïncident avec une nouvelle
aggravation des difficultés économiques sans précédent dans les
dernières années. La pénurie de produits industriels, la
perturbation de la collecte des grains après trois bonnes récoltes,
la menace grandissante contre le système monétaire – tout cela
ralentit le développement des forces productives, affaiblit
évidemment les éléments socialistes de l’économie et empêche
d’améliorer les conditions de vie du prolétariat et des paysans
pauvres.
Dans
les conditions d’une aggravation de la situation en ce qui concerne
les biens de consommation sur le marché, les ouvriers repoussent
inévitablement les tentatives de réviser les conventions
collectives dans le sens d’une baisse des salaires.
Le
G.P.U. assure que ces échecs colossaux du cours qui prévaut
actuellement relèvent de la responsabilité criminelle des
Oppositionnels exilés, dont le véritable crime a été de prédire
à plusieurs reprises, au cours des dernières années, que toutes
les difficultés actuelles seraient l’inévitable conséquence d’un
cours économique erroné, et d’avoir réclamé à temps un
changement de ce cours.
13. La
préparation du 15e
congrès du parti – convoqué après un intervalle d’un an et
demi, en violation des statuts du parti – a été elle-même une
manifestation éclatante et grave de la violence croissante de
l’appareil, s’appuyant de plus en plus sur des mesures de
répression gouvernementale. De son côté, sans délibération et en
brusquant les débats, le 15e
congrès a adopté une résolution selon laquelle les congrès se
réuniront dorénavant tous les deux ans.
Dans
un pays de dictature prolétarienne, dont le parti communiste est
l’expression, il est apparu nécessaire, dix ans après la
révolution d’Octobre, d’arracher au parti son droit élémentaire
de contrôler, au moins une fois par an, l’activité de ses organes
et avant tout de son comité central.
Même
dans les conditions les plus défavorables créées par la guerre
civile et par la famine, les congrès se réunissaient parfois deux
fois par an, mais jamais moins d’une fois. Alors le parti
délibérait et décidait réellement, sur toutes les questions, ne
cessant jamais d’être maître de son propre sort. Quelles forces
contraignent donc maintenant à considérer les congrès comme un mal
nécessaire qu’on cherche à réduire au minimum ?
Ces
forces ne sont pas celles du prolétariat. Elles sont la résultante
d’une pression étrangère à celui-ci, exercée par son
avant-garde. Cette pression a conduit à l’exclusion de
l’Opposition et à la déportation des Vieux-bolcheviks en Sibérie
et dans d’autres pays perdus.
14. Nous
repoussons l’accusation d’aspirer à créer un nouveau parti.
Nous disons par avance que les éléments d’un deuxième parti se
rassemblent en réalité à l’insu des masses du parti et avant
tout de leur noyau prolétarien, au point de rencontre des éléments
dégénérés de l’appareil du parti et de l’État et des
nouveaux propriétaires. Les pires représentants de la bureaucratie,
munis ou non de la carte du parti, n’ayant absolument rien de
commun avec la révolution prolétarienne internationale, se groupent
toujours davantage, créant ainsi des points d’appui pour un
deuxième parti qui commence à se dessiner et qui, au cours de son
développement, peut devenir l’aile gauche des forces
thermidoriennes.
L’accusation
selon laquelle, nous, les défenseurs de la ligne historique du
bolchevisme, aspirerions à créer un deuxième parti, sert en
réalité inconsciemment à couvrir le profond travail souterrain des
forces historiques hostiles au prolétariat. En face de ces
processus, nous mettons l’I.C. en garde ; tôt ou tard, un jour
viendra où ces processus seront évidents pour tous, mais chaque
jour perdu compromet incontestablement le succès de la résistance.
15. Il
faut préparer le 6e
congrès de l’I.C. selon les voies et moyens selon lesquels les
congrès étaient préparés du temps de Lénine : publier tous les
documents principaux se rapportant aux questions litigieuses, en
finir avec la persécution des communistes coupables seulement
d’avoir exercé leur droit de membres du parti ; dans la discussion
d’avant congrès, poser dans toute son ampleur la question du
rapport des forces à l’intérieur du P.C.R., ainsi que la question
de la ligne politique suivie par ce dernier.
Les
questions litigieuses ne seront pas réglées par de nouvelles
méthodes de répression. De telles mesures peuvent jouer un grand
rôle positif lorsqu’elles servent à soutenir une ligne politique
juste et à liquider plus facilement les groupements réactionnaires.
En tant que bolcheviks, nous connaissons la valeur des mesures de
répression révolutionnaires, et nous les avons appliquées à
plusieurs reprises contre la bourgeoisie et ses agents, les s.r. et
les mencheviks.
Aussi
ne pensons-nous pas un seul instant à renoncer à ces mesures contre
les ennemis du prolétariat. Mais nous nous souvenons avec fermeté
que la répression dirigée par les partis ennemis contre les
bolcheviks est demeurée impuissante. En fin de compte, c’est la
politique juste qui est décisive.
Pour
nous, soldats de la révolution, compagnons d’armes de Lénine,
notre déportation est l’expression la plus claire des changements
dans le rapport des forces de classes dans ce pays et de la dérive
opportuniste de la direction. En dépit de tout cela, nous demeurons
fermement convaincus que la base du pouvoir soviétique est encore le
prolétariat. Il est encore possible, au moyen d’un changement
décisif dans la ligne de la direction, en corrigeant les erreurs
déjà commises, par de profondes réformes, sans un nouveau
soulèvement révolutionnaire, de renforcer et de consolider le
système de la dictature prolétarienne. Cette possibilité peut
devenir réalité si l’Internationale communiste intervient de
façon décisive.
Nous
en appelons à tous les partis communistes et au VIe
congrès de l’Internationale, demandant avec instance l’examen de
toutes ces questions, ouvertement, et avec la participation de tous
les membres du parti. Le Testament de Lénine n’a jamais paru plus
prophétique qu’en ce moment. Personne ne sait combien de temps le
cours des événements historiques va nous laisser pour corriger les
erreurs qui ont été commises. Nous soumettant à la force, nous
quittons nos postes dans le parti et les soviets pour un exil absurde
et futile. Ce faisant, nous ne doutons cependant pas une minute que
chacun d’entre nous et nous tous serons encore nécessaires au
parti et qu’il aura besoin de nous, mais encore qu’à l’heure
des grandes batailles qui sont devant nous, nous retrouverons tous
nos places dans les rangs combattants du parti.
C’est
sur la base de tout ce qui vient d’être dit que nous demandons
instamment au VIe
congrès de l’Internationale communiste de nous réintégrer dans
le parti.
Signatures
:
M. Alsky – A. Beloborodov – A. Ichtchenko – L. Trotsky – K.
Radek – Kh. Rakovsky – E. A. Préobrajensky – I. N. Smirnov –
L. Sérébriakov – I. Smilga – L. Sosnovsky – N. I. Mouralov –
G. Valentinov – Nevelson-Man – V. Eltsine – V. Vaganian – V.
Maliouta – V. Kasparova – S. Kavtaradzé – Vilenskij
(Sibiriakov).