L’apiculture c’est aussi acquérir une « api » culture, c'est-à-dire un peu plus que les quelques savoirs et connaissances certes bien utiles pour domestiquer ces insectes, mais pas tout à fait suffisant pour en comprendre la vie et les mœurs (par domestique, puisque c’est ainsi qu’on appelle notre abeille mellifère, entendez son sens premier : qui vivent dans notre demeure). Ainsi, faudra-t-il bien souvent commencer par lire et relire les quelques ouvrages essentiels à l’apiculture pour pouvoir en comprendre un autre: La ruche et ses rayons de cire tels les pages jauni par le temps d’un carnet où les abeilles écrivent et réécrivent la petite histoire de leur vie. Alors que l’apiculture mobiliste et sa ruche à cadres mobiles, l’effeuille littéralement (la ruche à feuillets en est le concept le plus aboutis), nous utiliserons d’autres artifices pour en comprendre ses mystères. Ainsi, au chapitre premier des aventures apicoles de nos agriculteurs biologiques, nous avons profité du premier jour de printemps (mais pas celui du calendrier, un peu plus tard cette année) pour rencontrer quelques ruches au sortir d’un hiver qui ne veut décidément pas céder sa place. Après une lointaine observation des ruches et comme pour dissiper l’impatience et l’anxiété d’un premier rendez-vous pour certains et de retrouvailles pour d’autres, la hulotte nous a remémoré l’essentiel de la vie de nos avettes autour de quelques douceurs au miel. Après cette petite mise en bouche, nous sommes passés à une autre lecture, un peu moins triviale celle-là : le plateau de la ruche, qui permit de découvrir le tristement célèbre varroa ainsi que quelques déchets caractéristiques, témoignant des mystères de l’obscurité du nid. Puis nous sommes passés derrière les ruches pour mettre en lumière la bouillonnante activité des nourrices sur leurs rayons grâce aux vitres munissant chaque hausse Warré. Ce fut aussi l’occasion d’observer le trou de vol des ruches en vis-à-vis, avec les fameuses lunettes Storch (rappelez-vous les yaourts au machindus : ce qui ce passe à l’intérieur, se voit à l’extérieur). A l’instar des travaux de Karl Von Frisch qui démontra la capacité de ces insectes à communiquer avec un langage perceptible par nos sens, il n’y a qu’un pas à faire pour comprendre qu’elles ont probablement des choses à nous dire, tout du moins que l’interaction entre l’homme et l’animal qui caractérise la domestication ne s’applique pas qu’aux bovins laitiers. Mais là, nos ouvrages naturalistes, manuels d’apiculture et autres études entomologiques auront atteint leurs limites et seule notre expérience et notre intuition pourra peut-être nous permettre de comprendre les abeilles. Une météo et des températures idéalement conformes aux conditions de visites prescrites dans la littérature et une configuration astrale plus que propice (jour racine et lune dans la constellation du Taureau) nous ont conduit à une interprétation un peu trop rapide de l’exceptionnelle rentrée de pollen des ruches ce jour-là. La visite fut donc agrémentée d’une séance d’apipuncture progressive qui confirma l’erreur et mis fin à notre entêtement : Les abeilles nous parlent mais nous sommes un peu dur de la feuille ! Fallait-il comprendre que cette première journée réellement printanière leur était nécessaire après des mois de claustration? Probablement. En tout cas ce fut l’occasion d’une expérience de pédagogie participative pour les uns et d’une petite leçon d'humilité pour les autres. |