Géobiologie solairePar Serge Labesque © 2013
(Extrait librement traduit par Lalibéla, article original en anglais ici ) Un ruisseau coule à flanc de coteau à une centaine de mètre au nord de notre maison. À mesure qu’il rejoint le bas de la colline, il se fraie un tortueux passage à travers une haie dense de chênes et de lauriers. Au-dessus, les branches des cimes s’entremêlent et bloquent une grande partie de la lumière tandis que celles du bas forment des voûtes jusqu’au sol, constituant un enclos protégé qui reste magnifique et confortable toute l’année. Contrastant de façon saisissante, la majeure partie des abords n'offre à nos colonies d'abeille aucune protection contre le mauvais temps et les rayons du soleil. Le printemps dernier, quand une de nos ruches montra des signes de préparation à l’essaimage, j'ai décidé de la diviser et de placer une de ces divisions à l’abri de ces arbres pour voir comment elle s’en sortirait. Un essaim fort avec sa reine fut constitué à partir de cette colonie et placé dans la partie boisée. Les visites ultérieures indiquèrent que le remérage se passait de façon satisfaisante à l’emplacement ensoleillé initial. La ruche élevait des reines et recueillait du nectar tout à fait bien. D'autre part, la ruchette qui avait été installée sous les arbres ne montrait pas de signes encourageants. En trois semaines, une multitude de pupes grisâtres commençait à joncher le sol devant la ruche, ne laissant aucun doute au sujet de son état de santé : elle était victime du couvain plâtré! Le plateau de fond de ruche et le plancher de la ruche étaient également couverts de larves. Le nid à couvain, ou ce qui en restait, était propre malgré tout. La plupart des cellules étaient vides et propres et très peu de larves étaient encore dans les alvéoles. Apparemment, j'avais fait une terrible erreur. Cet emplacement était trop ombrageux pour les abeilles, trop froid et trop humide en ce début de printemps. La colonie qui avait remarquablement réméré à son emplacement initial, ne pouvait pas tolérer ces conditions. Quoique les abeilles aient évidemment essayé de contrôler la situation, je n’entrevoyais aucun espoir d’amélioration pour la colonie sans déplacer la ruche, parce qu'aucun couvain ne survivait assez longtemps pour atteindre à l'âge adulte. Pendant un instant, j'ai été tenté d’enlever les sources de cette contamination continue, les rayons et les pupes, mais j’en décidais autrement. J'ai voulu savoir si le simple déplacement des abeilles hors de cet endroit (c.-à-d. seulement en corrigeant mon piètre choix d’emplacement de ruche) donnerait à la colonie une chance de se rétablir. Ainsi, la ruche fut placée sur un chariot que je déplaçais d’un mètre chaque jour hors de la lisière des arbres, environ 10 mètres plus loin. Ensuite, j'ai laissé la colonie au calme. Pendant plusieurs semaines, la ruche garda du couvain plâtré. Néanmoins, ses abeilles sortaient pour butiner et rapportaient du pollen. Mais les abeilles gagneraient-elles la lutte contre le couvain calcifié? Ou cette sale mycose saperait-elle lentement la vie de la colonie ? Et bien, cela a pris l'été entier, mais la colonie a progressivement remonté la pente et a retrouvé assez de force pour se préparer à la saison froide. Il aurait pu en être autrement, cependant je n'aurais pas blâmé la maladie pour la perte de la colonie. Pendant que j'écris ceci, la colonie est en train de passer l'hiver, tout seule et a une réelle chance d’en sortir au printemps prochain. Si le choix se pose de placer une colonie d'abeilles entre le plein soleil et l’ombre totale, choisissez le la lumière. Je le savais. Mais, dans ce cas j'ai laissé mes préférences esthétiques personnelles dépasser les raisons biologiques des abeilles. Heureusement, les abeilles sont remarquablement résilientes. Elles doivent l’être, particulièrement quand ceux qui les soignent les placent dans des situations néfastes. |