En ont-elles assez ou trop?Par Serge Labesque © 2012
(librement traduit par Lalibéla, article original en anglais ici ) Se déroulant devant mon camion, la route de montagne de Sonoma semblait s’agiter dans tous les sens comme pour fuir la lumière des phares. Tout à coup, les mouvements chaotiques s’apaisèrent, la route se redressa sur une centaine de mètres, pour nous montrer la lune sous son plus beau jour. Magnifique! Simplement magnifique. Ce fut un merveilleux instant pour mettre fin à une splendide journée. À côté de moi sur le siège passager, se tenait la dernière des ruchettes que j'avais extirpées d'un vieux hangar sur le point d’être démoli. Les abeilles bourdonnaient doucement, la reine etait là. Pas une abeille ne fut perdue durant l’opération. En fait, la seule qui n'est pas entrée dans la boîte etait dans ma main gauche. Je la sentais bouger, comme pour se réchauffer. En quelques minutes, à la lueur de cette lune bleue, toutes les abeilles de la colonie seraient réunies. J'ai de grands espoirs pour cette ruche, parce qu'elle a tout ce dont les abeilles auront besoins pour passer l'hiver. Tout ce que je dois faire est de lui donner un bon logis. Plus tôt dans la journée, quand j'ai démonté les planches de séquoia qui protégeaient la colonie, j'ai découvert un des plus petits essaims que je n’avais jamais vu. Oui, la colonie était réduite, limitée dans son développement par les dimensions de la cavité qui ne permettait d’accueillir que 2 rayons parallèlement au mur. Mais le nid était soigneusement organisé, convenablement proportionné et bien avancé dans ses préparations pour l'hiver. Le contenu de la ruche formait un agencement très précis et compacte de couvain, de pollen et de miel, densément recouvert d’abeilles très calmes. Le motif du couvain était parfait, certainement le travail d'une jeune reine. Ça méritait la photo ! Toutes les ruches ne sont pas aussi bien préparées au début de l'hiver et les apiculteurs se demandent bien souvent: Quelle quantité de miel est-il nécessaire pour hiverner une ruche? Point trop n’en faut? Et pour le pollen? Que dire du couvain et des abeilles, leur répartition en âge, leur santé et leur nutrition? Tous ces facteurs et bien d’autres peuvent conditionner l'avenir des colonies d'abeilles. Parfois, une insuffisance de n'importe lequel d'entre eux peut être fatale. En réalité, ces considérations sont pertinentes toute l’année. Pour y répondre, nous recourons fréquemment à des règles empiriques. Par exemple, nous pouvons dire qu'une ruche a besoin de 15 kg de miel pour hiverner sans risque dans notre région. Oui, c’est peut être exact pour quelques colonies, dans certains types de ruches et à des emplacements particulier. Mais pas toujours. Prenez une colonie de la taille d’une ruchette, par exemple. Elle ne peut simplement pas consommer tout ce miel durant l'hiver. En réalité, elle risque de souffrir de la déperdition thermique excessive d’une telle masse. Plus que la quantité de miel, ce qui importe à l’automne c’est l’adéquation entre les réserves et la taille des grappes d’abeilles. Cette dernière est déterminée dans une large mesure par la quantité de couvain élevé en octobre. Un autre exemple de déséquilibre d’une colonie peut provenir de reines prolifiques à la tête de petites populations à la fin de l'hiver. En pareil cas, les nourrices deviennent rapidement submergées et s’en suivent fréquemment des maladies du couvain. C’est désolant mais les colonies qui sont très hygiéniques peuvent réellement s'autodétruire en éliminant trop de larves. Oui, trop d'une bonne chose est rarement bon. On ne devrait pas en déduire qu'hiverner de très petites colonies avec peu de réserves est une bonne option. Il y a une masse critique en-dessous de laquelle une grappe ne peut simplement pas maintenir assez de chaleur et entretenir du couvain, la colonie ne pourra alors pas se développer. La taille minimale de la population est également difficile à évaluer tant elle dépend, là aussi, de l'emplacement de la ruche, de la qualité du couvain (Du point de vu des abeilles, pas de l'apiculteur !) et des abeilles elles-mêmes. Outre un bon emplacement, une bonne ruche et une bonne reine, un nombre minimal d'abeilles de divers âges, des quantités adaptées de couvain, de pollen, de miel et un volume de rayons proportionné sont nécessaires pour qu’une colonie fonctionne bien. Apprendre à évaluer ces facteurs vient en observant nos abeilles: Elles nous font savoir ce qui est bon pour elles, et ce qui ne l'est pas. Comme j'écrivais ceci, la colonie de la lune bleue avait fixé ses rayons aux cadres et certaines des abeilles évacuaient les élastiques hors de la ruche. À l'intérieur, tout est parfaitement organisé, avec un nid à couvain resserré et juste ce qu'il faut de réserves. Bonnes filles ! Oui, j'ai des grandes espérances pour leur avenir, mais je garderai les doigts croisés pour elles de toute façon, car il n'y a aucune garantie en apiculture. |