Des divisions et autres manipulations
Par Serge Labesque © (Extrait librement traduit par Lalibéla, article original en anglais ici )
[ Suite de la chronique de novembre 2011. (Ndlr: en attente de mise à disposition par la SCBA) ] Je suis venu à cette "réunion apicole", comme ils l'appellent, avec une question en tête: "Que dois-je faire pour déplacer une ruche de la propriété de mon voisin à la mienne?" J'y ai reçu toutes sortes de conseils plus ou moins pertinents, comme cette suggestion de "diviser la ruche". Bien que de nombreuses années soient passées depuis que j'ai étudié les mathématiques, la division d'une ruche ne m'apportait pas vraiment une réponse claire à mon problème! "Tout ce que vous aurez besoin est un plancher et un toit supplémentaire. Vous placez la moitié de la ruche sur le plancher, installer le toit, et bingo! Vous aurez deux ruches! " Conclut fièrement l'apiculteur. (*). Waouh! Si ce n'était pas un truc de magicien, cela me semblait vraiment très simple comme procédure. En plus de faire deux ruches avec une, je saisis immédiatement l'intéret principal de l'opération, n'ayant qu'à soulever et transporter des demi-ruches plutôt qu’une ruche entière. Mais à bien y réfléchir, ne serait-ce pas une multiplication plutôt qu'une division? Mais arrêtons-là les mathématiques. N'ayant toujours pas de réponse à ma question, j'insitai. "Alors, comment déplacez-vous une ruche?". "Eh bien, ça dépend." Répondit enfin l'un des apiculteurs (j'apprendrai bientôt que ces quelques mots sont la réponse par défaut à la plupart des questions d'apiculture.). Après une courte pause, il ajouta: «Si la distance n'est pas trop grande, vous pouvez bouger une ruche de 30 à 60 cm chaque jour. Si cela n'est pas possible, vous devez déplacer la ruche d'au moins 5 Km et l'y laisser pendant au moins trois semaines avant de l'amener à son emplacement final. Sinon, les abeilles retourneront à emplacement d'origine de leur ruche. "(**) Ces gars-là doivent me faire marcher avec leurs divisions et autres consignes bizarres. Cela me rappelle les facétieuses histoires de chasses aux Dahus dans nos montagnes Pyrénéennes, farces d'adolescents que l'on avait l'habitude de faire aux nouveaux arrivants. Donc, soit c'est maintenant mon tour de subir une blague, soit l'apiculture est une activité très étrange. Privilégiant cette dernière hypothèse, j'examinais la situation: Sachant que je devais déménager les abeilles d’environ 200 mètres et traverser une route à deux voies, la première solution était donc exclue. D'autre part, trouver un emplacement temporaire suffisamment éloigné pour les abeilles était plus facile à dire qu'à faire. Je n’avais pas de solution. "Apportez vos ruches à ma ferme, à Petaluma!" Me proposa Ettamarie sans hésiter. Je ne la remercierai jamais assez. De retour à la maison, je dis à Cheryl: "La réunion a été génial! Et ces gens sont les plus sympathiques que j'ai rencontrés. " Sécateur en mains, j'ai soigneusement coupé le dense réseau de sumac grimpant (Ndlr :Le Toxicodendron radicans ou sumac vénéneux est une liane de la famille des Anacardiaceae très allergisante) qui couvrait la ruche de notre voisin. Non seulement je dû manipuler les lianes enchevêtrées avec précaution, mais aussi faire face à pas mal d’abeilles qui volaient au travers! Cependant, il ne me fallut pas longtemps pour découvrir une pile de quatre hausses dont les abeilles semblaient totalement ignorer ma présence, estompant ainsi rapidement mon appréhension initiale. La décennie passée près du ruisseau avait fait son oeuvre sur les caisses en bois de la ruche. Des écailles moisies de peinture grisâtre encore accrochées ici et là sur le bois pourri lui donnaient un style camouflage assez tendance. L'entrée de la ruche, bouchée par une accumulation de débris végétaux en décomposition, n’empêchaient même plus les entrées et sorties des abeilles qui empruntaient avantageusement les nombreuses brèches visibles le long des bords des hausses en décomposition. Il était évident que le contenu de la ruche, quel qu'il soit, devrait être transféré dans de nouvelles hausses. Il y a des moments où l'ignorance peut être une bénédiction, et c'était le cas. L’état de délabrement de la ruche ne me décourageait pas de ramener ces abeilles chez moi. Il me vint donc une idée: Comme les deux hausses supérieurs n’étaient pas aussi hautes que celles du bas, j’allais "diviser" l’ensemble en deux ruches égales plus petites, chacune composée d’une grande et d’une petite hausse. Tout ce qui me restait à faire était de mettre en application mon idée, mais j’avais bien évidemment besoin de nouvelles hausses, en plus des planchers et des toits pour les deux ruches. Une liste de courses soigneusement rédigées en main, je prenais la direction du magasin de fournitures agricoles, excité comme un enfant sur le chemin du magasin de jouets.
[A suivre…]
(*) Notez qu’il s’agit d’une simplification extrême de la procédure de division d’une ruche
(**) Une autre façon bonne à savoir pour déplacer une ruche sur une courte distance consiste à la déplacer directement à sa position définitive et laisser à son emplacement d’origine une hausse vide pour recueillir les butineuses. Ces dernières seront réunies à leur colonie chaque soir, jusqu’à ce qu’aucune ne retourne à la position d’origine. Ces vieilles abeilles mourront ou arrêteront de revenir, une fois leur souvenir du précédent endroit effacé. Quant aux plus jeunes abeilles qui commenceront à sortir de la ruche, elles mémoriseront directement son nouvel emplacement.

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