Apiculture durable
Par Serge Labesque © (Extrait librement traduit par Lalibéla, article original en anglais ici ) Depuis quelques années, les termes « développement durable » et « consommation local » font indéniablement le buzz (Pardonnez-moi le jeu de mot!). Bien que les concepts que recouvrent ces expressions semblent relever de l'effet de mode pour nous qui vivons dans des pays développés, ils sont en fait très importants pour les populations les moins avancées et pour le monde du vivant en général. Pour les abeilles, c’est en fait une question de vie ou de mort. En effet, les abeilles ne sont pas des animaux domestiques et ne devraient donc pas dépendre de notre assistance. Nous ne devrions pas l’oublier quand nous travaillons au rucher. Les abeilles mellifères sont largement répandues dans différentes régions du monde et se sont adaptées à divers climats. Elles ont survécu à cinquante millions d'années d'évolution environnementale, grâce à leur seules capacités innées. Véritables rescapées, elles se sont avérés être des organismes robustes et dotés de facultés d'adaptation. D'ailleurs, elles sont arrivées jusqu'à nous sans prédation vis à vis d'autres espèces, tout en contribuant à l'amélioration de leurs environnements (Ne devrions-nous pas, êtres humains, en faire autant ?). Il y a plusieurs millénaires, nos ancêtres dépendaient de la chasse, de la cueillette et puis de l'agriculture. Ils ont satisfait à leurs besoins seulement en comptant sur leurs propres capacités et sur ce qui était facilement disponible. Ils étaient auto-suffisants. Le Développement durable? Ce n'était pas leur souci, tant le monde semblait vaste. Si nécessaire, ils déménageaient. Tant qu'il y eu relativement peu d'êtres humains, ils n’affectaient pas significativement les ressources naturelles auxquelles ils avaient accès. Ainsi, la simple consommation des ressources naturelles sans préoccupation de leur renouvellement, était bien souvent la règle. Aujourd'hui, il est indéniable que les conditions de notre environnement ont profondément changé. Cependant, nos attitudes n'ont pas évolué alors que nous sommes beaucoup plus nombreux et que notre avidité prime sur le respect dû pour la planète. Notre quête de gains immédiats anéantie souvent les efforts de conservation à long terme. Tant que notre mode de vie n’affectait globalement pas leur habitat, les abeilles mellifères tiraient le meilleur parti de la nature et étaient en pleine forme. De nos jours, nos tentaculaires monocultures traitées aux pesticides et notre étalement urbain remplacent une végétation diversifiée. Et les populations de pollinisateurs s’effondrent. A l’échelle de l’évolution, cette modification environnementale s'est produite assez brutalement. Les apiculteurs remarquent souvent son impact sur les abeilles: colonies malades et sous-alimentées, fragilité des reines, pertes élevées de colonie… Naturellement, Ceux-ci veulent les aider de n’importe quelle façon et bon nombre d'entre eux se sentent obligés de traiter leurs ruches contre de plus en plus de parasites et de nouvelles maladies. Ils importent également de très loin des souches d’abeilles exotiques, pensant que ces dernières seront meilleures que celles peuplant actuellement leurs ruches, pour finalement constater les mêmes résultats accablants, voire plus mauvais. La raison de cet échec tient au fait que leurs tentatives ne font que masquer les symptômes et ne s’attaquent pas aux racines de cette dévastation environnementale. De cette manière, ils privent les abeilles et le vivant en général, de leur capacité à s'adapter naturellement aux modifications environnementales. Ces apiculteurs dépossèdent les abeilles de leur auto-dépendance, s'engageant sur une voie sans issue durable qui ne peut que les mener à l'échec. En effet, ils contribuent ainsi à l’effondrement des populations d’abeilles. Nous pouvons contribuer à sauvegarder les abeilles en acceptant qu'elles restent des animaux sauvages qui ne devraient pas dépendre d’assistance extérieure. Mais nous devons également nous assurer que notre environnement demeure un milieu sain et disposant de ressources suffisantes pour les pollinisateurs, en adoptant des pratiques agro-écologiques, en semant et en rétablissant des zones mellifères. C'est la base d’une bonne santé, pour les abeilles comme pour nous êtres humains. Que dire maintenant de la conduite des ruches et des soins aux abeilles? Tout d’abord, installons nos colonies dans des ruches bien adaptées. Ensuite, respectons simplement le caractère autonome des abeilles et admirons leurs capacités innées. Et quand bien même les colonies non viables disparaissent, acceptons-le comme le résultat du processus de sélection naturelle. Vous savez ce que cela signifie: aucun traitement contre les parasites et les maladies et aucun remplacement du matériel génétique de l'abeille. Nous en retirerons des abeilles robustes, auto-suffisantes et durablement pérennes ainsi qu’une pratique durable et gratifiante de l'apiculture. |