The Monthly Extractor vol 33 issue 4

De la mise en hivernage

Par Serge Labesque © 2011

(Extrait librement traduit par Lalibéla, article original en anglais ici )



L’automne dernier, une multitude d’imprévus m’ont empêché de faire l’hivernage de mes ruches, comme je l’aurai fait habituellement. Je décidai donc de mettre à profit cette situation pour tirer les leçons de cette expérience involontaire où les abeilles furent laissées à leur sort. Le temps du bilan fut arrivé pour comprendre ce qui c’est passé cette hiver.

Comme chaque année, mon programme était de réduire le nombre de colonies en hivernage dans mes ruchers à une quarantaine environ, voire un peu moins. La réalisation aurait du conduire à la réunion des ruches les plus faibles, que je pratiquais principalement ces dernières années en formant des colonies à 2 reines. Mon programme de travail était donc prêt depuis que j’avais évalué l’état des colonies à la fin de l’été mais je n’ai pas eu le temps de le faire.

Comme aucune réunion ne pu être faite, mon rucher comprenait 53 colonies à l’arrivée de novembre. A l’entrée du printemps, 41 colonies étaient encore en vie, établissant ainsi les pertes à 23% du cheptel. Bien qu’elles ne soient pas catastrophiques, ce sont néanmoins les plus mauvais résultats d’hivernage que j’ai eu ces huit dernières années, dont la moyenne des sept dernières ne dépassait pas 5%. Ces résultats pourrait plutôt être indicatif de combien s’élèveraient les pertes naturelles d’hivernage, dans l’environnement de mon rucher de nos jours. Soit probablement dans une fourchette de 20 à 25%.

Globalement, ce printemps, mes ruchers ne semblent pas aller plus mal que les années passées et comme la plupart des colonies que j’aurai maintenues à l’automne aurait passé l’hiver, l’importance que j’accorde à la mise en hivernage pourrait être remise en cause. Cependant, d’avantage d’investigation est nécessaire, toutes les colonies ne se valant pas.

Mais premièrement, que furent les causes de mortalité des colonies perdues ? Il apparaît que 3 ruches perdirent leurs reines à l’automne, au moment de la ponte des abeilles d’hiver et 2 entre le milieu et la fin de l’hiver, à la reprise de la ponte. Ces cinq reines étaient âgées. Trois colonies étaient intrinsèquement faibles à la fin de l'été. Et enfin, quatre petites colonies périrent de faim. Trois d'entre elles avaient suffisamment de nourriture, mais leurs ruches étaient trop volumineuses, leurs nids de couvain et les réserves étaient mal organisés. La dernière, une colonie très jeune, n’a tout simplement pas eu assez de réserves pour redémarrer. Selon mes notes, il apparaît que les colonies qui sont mortes pour l'une des raisons mentionnées ci-dessus semblent avoir été incapables de consolider leurs réserves au dessus des nids couvain à la fin Août et Septembre.

Il convient de mentionner que je ne peux attribuer aucune de ces pertes à des ravageurs ou des maladies, même si je n'exclus pas la possibilité que des agents pathogènes puissent avoir été des facteurs contribuant à la chute de ces colonies. Ainsi, il apparaît que les principales causes de la disparition de ces colonies ont été le vieillissement des reines, la faiblesse de la colonie, la famine et la mauvaise organisation de la ruche à la fin de l'été.

Il est également intéressant de regarder les colonies qui ont survécu. À l'exception de la seule colonie à deux reines qui a hiverné, toutes celles qui étaient dans des ruches relativement volumineuses à l'automne sont sorties de l'hiver, soit en retard, soit affaiblis. Les ruches compactes, au contraire, sont restées actives et se sont développées plus tôt, indépendamment de leur taille. En fait, elles ont eu besoin d'une hausse dès le début de Février.

Là où cela devient intrigant c'est que Neuf des douze colonies qui n'ont pas survécu, appartenaient à une branche particulière issue de ce que je considère être ma meilleure reine et qui est la plus représentée dans mes ruchers. Seules deux ruches de cette descendance ont passé l'hiver, mais sont sorties très affaiblies. Par comparaison, les autres colonies de cette descendance maternelle sont en excellente forme. Ce fait est trop marquant pour le considérer comme une pure coïncidence. Pourquoi les colonies qui ont périclité n’ont pas préparé leurs ruches pour l'hiver, alors que les autres ruches dans mes ruchers l’ont spontanément fait sensiblement au début de l'automne dernier? Serait-ce que, à l'origine de la branche concernée de cette lignée maternelle, un faux-bourdon introduisit certains gènes mal adaptés qui se sont manifestés par l'inaptitude des colonies à répondre aux signaux saisonniers de cette région? Sans doute, ces questions nécessitent un complément d'enquête et des observations supplémentaires.

L'automne dernier, il était très facile de voir quelles colonies avaient les meilleures chances de survivre à l'hiver, et celles qui étaient susceptibles de mourir. Donc, je suis assez sûr que la forte proportion de pertes que j'ai eue aurait pu être évitée avec une préparation à l’hivernage minime. Mais compte tenu de ce qui c'est passé, aurait-ce été la bonne chose à faire pour les abeilles?

En ce moment même, je considère toujours la préparation des ruches pour l'hiver comme une phase très importante de l'année apicole. Cependant, à partir de maintenant je vais particulièrement favoriser les abeilles qui spontanément font leur part du travail. En règle générale, je les laisse faire et je fais attention à ne pas perturber l'organisation des chambres à couvain et des réserves de mes ruches à partir du milieu de l’été, parce que les abeilles les préparent bien (tout du moins, la plupart des colonies d'abeilles!). L'hiver dernier, m’a conforté sur l'importance de ce point. En effet, faire en sorte que les colonies dans les ruches soient plutôt compactes à la fin de l'automne semble être un point clé. Être conscient du risque élevé que présente les reines âgées est un autre aspect de la mise en hivernage.

Une autre leçon que je tire de l'hiver dernier est de m'assurer que mes ruchers restent génétiquement diversifiés. Imaginez ce qui serait arrivé si je n'avais retenu que la souche qui a fini par péricliter en grande partie! Ceci aura une application directe durant des deux prochains mois, lors de la multiplication des colonies.

Certes, le temps apportera une perspective plus claire sur l'hiver dernier. Espérons que ce sera avant la fin de cet été.