Les abeilles d’Homère et VirginiePar Serge Labesque © 2012 (Extrait librement traduit par Lalibéla, article original en anglais ici ) Tout commença une soirée il y a plusieurs années. « Il y a un message téléphonique pour toi. » me dit Cheryl quand j’arrivai à la maison. « Des abeilles dans un arbre à Kenwood. » Sur notre répondeur, un homme qui se présenta Homère parlait d’une voix douce: « Les abeilles sont dans notre jardin depuis de nombreuses d'années, mais maintenant nous devons les faire enlever. » Ce n'était pas la meilleure époque pour extraire une colonie d'abeilles, car elles commençaient à se préparer pour l'hiver. Je rappelai Homer et lui demandai s'il pourrait au moins attendre jusqu'au printemps prochain. « J’aimerai vraiment laisser les abeilles dans l'arbre », m’expliqua-t-il, « mais notre fils se marie dans quelques semaines et nous ne voulons pas que quelqu’un soit piqué pendant la fête. » Je rencontrai Homère et son épouse Virginie dans leur sympathique jardin luxuriant et agencé avec goût. Les abeilles entraient et sortaient au pied d’un catalpa très grand planté juste à côté d'une antique fontaine d'eau. Elles montraient les signes d’une colonie vigoureuse. Homère appréciait la présence des abeilles et était vraiment attristé à l'idée de les perdre. Je lui assurai que je laisserai la cavité en bon état et qu'elle attirerait très probablement un autre essaim. Une ruchette et un chasse-abeille fabriqué à partir de grillage fin furent bientôt en place et la colonie quitta l'arbre à temps pour le mariage. Environ un an après, Homère rappela: « Pourriez vous encore venir enlever des abeilles du catalpa? » La famille s'était agrandie et Virginie s’inquiétait que les abeilles puissent nuire au bébé. J'ai retiré les abeilles et j’ai dit à Homer que sans combler la cavité de l'arbre, celle-ci inviterait très probablement un autre essaim. L'arbre creux était assurément apprécié des essaims de passage et deux ou trois ans plus tard, Homère m’offrit de relever un défi peu commun: La fontaine allait être transformée pendant l'été et pour protéger les ouvriers, il voulait réduire l'activité des abeilles autour de la zone de chantier, mais cette fois sans enlever la nouvelle colonie installée au pied du catalpa. Ce délicat exercice d'affaiblir la colonie sans la tuer a été réalisé en plaçant l’habituelle ruchette-piège munie de son chasse-abeille tout en laissant assez de failles pour permettre à une partie des butineuses de rapporter la nourriture dans le nid de la cavité, au moins de temps en temps. Le chasse-abeille a été orienté vers le haut afin d’éloigner les abeilles des ouvriers. Une fois par semaine, la ruchette et les abeilles qu'elle contenait étaient enlevées. Une autre ruchette était placée avec son entrée à côté des « failles » qui étaient colmatées avec de la paille de fer et une nouvelle ouverture était réalisée pour permettre à une partie des butineuses de retourner dans le nid. Cela dura quelques semaines, le temps du chantier et ensuite la colonie fût autorisée à se préparer librement pour l'hiver. Pendant toute cette période les pièges ont recueilli plusieurs cadres d’abeilles et ont produit quelques reines à partir du couvain que j'avais placé dans les ruchettes. Homère appela encore l'été dernier et cette fois-ci il me demanda d'enlever définitivement la colonie de l'arbre. La famille de son fils s'était agrandie et les abeilles présentaient trop de risque pour que ses quatre petits-enfants. J'ai enveloppé la base de l'arbre avec une bâche, j’ai bouchée toutes les ouvertures avec de la laine d’acier et j’ai placé une ruchette à côté de l’entrée munie d’un chasse-abeille. A peine quelques jours plus tard, quand je suis revenu pour vérifier l'installation, j'ai constaté que toute la colonie, reine incluse, était entrée dans la ruche piège, n’oubliant pas une seule abeille dans l'arbre. C’était comme si la colonie avait bienveillamment décidé de faciliter son transfert dans une nouvelle demeure ! J'ai ouvert le tronc d'arbre et enlevé les rayons et le miel qu'il contenait. Comme la cavité s’étendait de plusieurs pieds vers le haut depuis le sol, j'ai recommandé à Homère que l'arbre soit regardé de près par un arboriculteur. Bien qu'il ait sincèrement regretté de se séparer de la colonie d'abeille, Homère n'est plus inquiété par la pollinisation de ses framboisiers, puisque sa voisine Dorothée entretient maintenant quelques ruches tout près de là. Homère me fit savoir que le catalpa a dû être abattu à son grand regret, mais lui et Virginie peuvent dorénavant « se reposer tranquillement quand leurs petits-enfants jouent dans le jardin ».Et les abeilles? Et bien, elles ont récupéré tout leur miel. Elles se sont rapidement installées dans une de mes ruches et ont hiverné admirablement. Ce printemps, elles montrent les signes d’une grande vigueur et au moment où j'écris, elles se préparent à donner une nouvelle colonie! |