Nom scientifique: Conium macuatum L. Famille : Apiaceae Noms vernaculaires: • (A) Choukran, Hartami (fruit), Sikran, Ziata, Harmel d'za"ir (fruit) • (8) Sellata • (E) Hemlock • (F) Cigue, Cigue tachetee Plante herbacee, bisannuelle, de grande taille (1 m a 2 m), a tige droite, creuse, cannelee, vert clair, dont la base est maculee de taches violacees 13 Les feuilles engainantes peuvent atteindre 20 cm de longueur sur autant de largeur; de forme generale triangulaire, elles sont tres decoupees en segments, eux-memes, divises. Les petites fleurs blanches, epanouies des Ie debut de l' ete, sont groupees en ombelles composees14 qui comportent involucre et involucelles. Chaque ombelle comporte de lOa 20 rayons de taille inegale. Le fruit ou mericarpe est petit, ovoyde, grisatre, pedoncule. Sa face bombee presente cinq cotes longitudinales ondulees. Les mericarpes sont souvent par deux, accoles par leur face plane. La plante froissee degage une odeur faible mais desagreable et nauseeuse, caracteristique, habituellement appelee odeur de souris. Biotope et distribution geographique Commune en Europe, dans les decombres et au bord des chemins, la Cigue pousse aussi dans les regions temperees d'Amerique, d'Asie et d'Afrique. En Algerie, elle existe dans Ie Tell, mais elle est assez rare [1]. D'ou Ie nom de Cigue tachetee. 14. l' appellation ancienne - Ombelliferes - faisait reference a cette disposition particuliere des fleurs: ombelle simple ou composee d' ombellules. Pres de 3 000 especes forment cette famille homo gene bien representee dans la region mediterraneenne, Ie Moyen-Orient, l'Iran, etc. Elle est egalement caracterisee par son fruit - double akene - et ses canaux secreteurs d' essence et de resine, presents dans toutes les parties de la plante qui, par simple froissement, liberent leur huile essentielle d' odeur forte, caracteristique de I' espece: anis, carvi, coriandre, cumin, fenouil, sont les plus connues. Leurs principes actifs sont varies; certaines sont toxiques. Usages Usages traditionnels Certains usages se maintiennent au Maghreb. La medecine traditionnelle algerie nne emploie les feuilles, bouillies dans l'huile, en cataplasmes pour calmer la toux des tuberculeux et les fruits, en infusion, comme sedatif, rhumatismal et contre les calculs renaux. Utilisations therapeutiques En raison de sa toxicite, elle n' est plus employee par la medecine qui, pendant deux mille ans, l'a utilisee contre les nevralgies et les douleurs diverses. Elle entrait aussi, avec l'opium et la jusquiame, dans des melanges anesthesiants. En France, elle reste utilisee pour des preparations homeopathiques. Vne association, The Hemlock Society, envisage son usage dans les cas de « suicide assiste » [2]. Toxicite Parties et principes toxiques La plante est toxique, surtout a l' etat frais. Les alcaloides piperidiniques se forment par transamination de l'alanine et du 5-cetooctanal avec cyclisation, conduisant a la synthese de la gamma-coniceine, precurseur des autres alcalo"ides qui sont: la coniine (2-propylpiperidine), N-methylconiine, conhydrine, pseudo conhydrine, conhydrinone, N -methyl-pseudoconhydrine et 2-methylpiperidine [3,4]' ainsi que la conmaculatine (2-pentylpiperidine), recemment identifiee [5]. La coniine et la gamma-coniceine sont les alcalo"ides predominants (figure ci-dessous) [4]. La gamma-coniceine est abondante dans la plante jeune, alors que la coniine predomine dans la plante it maturite et dans les graines. La coniine est volatile et ne se retrouve qu'it l' etat de traces dans la plante seche. Les fruits murs sont plus riches en alcalo'ides totaux - jusqu'it 1,5 % - que les feuilles [6]. Les alcalo'ides piperidiniques sont teratogenes, et la fcetotoxicite a ete etudiee chez l' animal; des malformations du squelette et des fentes palatines sont observees chez les veaux, porcs et moutons [7,8]. La gamma coniceine, majoritaire dans la plante verte, se differencie de la conniine par la presence d'une double liaison entre 1'azote et Ie carbone alpha. Cette disposition serait responsable de la toxicite et du potentiel teratogene nettement accrus de la gamma-coniceine [9]. Ces alcaloïdes passent dans Ie lait et pourraient atteindre la chaine alimentaire [4] ; la coniine a, par ailleurs, ete caracterisee dans les produits volatils emis par une plante carnivore Sarracenia flava [10]. Doses toxiques La dose letale de coniine est estimee, per as, it 150-300 mg chez l'homme, la DLso it 100 mg/kg chez la souris [11]. La gamma-coniceine est huit fois plus toxique; elle a ete identifiee dans Ie sang et dans Ie contenu gastrique de trois personnes decedees en Australie [12]. La conmaculatine presente une dose letale superieure it 20 mg/kg, chez la souris [5]. Circonstances de l'intoxication Le CAP d' Alger relate deux cas cliniques [13] : - un homme de 75 ans soigne ses calculs renaux par un melange qui associe aux fruits de cigue, la sabline - Arenaria rubra - et la lavande stoechas. Le patient decede au treizieme jour de la cure dans un tableau d'insuffisance renale; - une femme de 64 ans, traitee pour rhumatismes, est hospitalisee pour tremblements, troubles respiratoires de type dyspnee et suffocation apres avoir consomme de la cigue en salade. Apres un lavage gastrique et un traitement symptomatique, l' evolution est favorable. La plupart des intoxications sont dues it des confusions. En effet, les fruits, parfois designes par Ie nom de« harmel d'za'ir» (harmel d'AIger), so nt, it cause de 1'ambigulte de la terminologie, utilises it la place des graines de Peganum harmala « harmel » ; ils ont ete responsables d'intoxications [14]. Malgre leur saveur amere et repoussante et leur odeur desagreable, on peut les confondre, par leur aspect et leurs dimensions (3 mm), avec ceux de 1'anis vert, qui sont herisses de poils rudes et courts, ou ceux du persil, qui sont de teinte vert bleuatre [15]. Symptomatologie Toxicite humaine Bien que la litterature rapportant la mort de Socrate1S precise qu'il etait lucide jusqu'a la fin, gagne par une paralysie ascendante, l'intoxication appelee coturnisme se traduit, en general, par les signes suivants: - salivation importante et so if intense, difficultes a avaler et a parler, nausees, vomissements et douleurs intestinales, mydriase avec troubles de l' accommodation; - puis s'installe un etat« lethargique »parfois reversible [16]. On note une diminution de la mobilite et de la sensibilite avec paralysie ascendante progressive et refroidissement des extremites tan dis que la respiration diminue. A ce stade, peut survenir la paralysie du diaphragme qui conduit a la mort par asphyxie. D'autres signes sont decrits: vertiges et cephalees, eblouissements, tremblements musculaires, convulsions, lethargie, sensation de froid, paleur de la face. l' equipe, qui a enregistre trois deces, decrit des douleurs musculaires, des atteintes hepatiques et renales graves [17]. Toxicite animale Les effets toxiques de la cigue ont ete rapportes par de nombreux auteurs chez Ie betail: vaches, moutons, chevres, chevaux, volailles, mais aussi chez Ie lapin et les insectes [18]. Le coturnisme peut toucher tous les animaux mais leur sensibilite varie selon les especes. Les intoxications du betail sont dues a la contamination des fourrages. La chair des oiseaux16, ayant consomme des fruits, aurait ete responsable d'issues fatales chez l'homme [17]. Traitement 1'hospitalisation rap ide est necessaire. Le traitement est d'abord eliminatoire - vomissements provoques ou, s'ille faut, lavage gastrique. Les vomissements et les tetes de lavage seront conserves pour l'identification ulterieure des fruits. Un traitement symptomatique et une ventilation assistee sont mis en route avec rehydratation, anticonvulsivants, surveillance de la fonction renale [19]. l' evolution est tres variable; la litterature rapporte plusieurs cas mortels. 15. La symptomatologie a ete en partie decrite par Platon qui rapporte la mort de Socrate: Platon, Phedon, LXV, Traduction de Chambry E., (1965) p. 180, Garnier-Flammarion, Paris. 16. Les cailles sont particulierement sensibles; Ie coturnisme derive de leur nom de genre: « coturnix ». Identification botanique De nombreux caracteres permettent l'identification de la plante. • Tige: robuste, creuse, cannelt?e dont la base est caracterisee par des taches rouge violace (photo 12). • Feuille: vert sombre, luisante, grande, plusieurs fois divisees comme celle du cerfeuil. L' odeur speciale, qui s' en degage lorsqu' elles sont froissees, se communique a l'urine et au contenu stomacal des intoxiques. • Fruit: petit, aussi long que large (environ 3 mm), glabre, grisatre, pedoncule; les fruits sont souvent par deux, accoles par leur face plane. Leur dos, tres bombe, presente cinq cotes longitudinales ondulees se detach ant en blanc jaunatre sur fond brun verdatre. Une coupe transversale du fruit, maintenu par une pince a epiler, est facile a realiser au cutter; a l' ~il nu, on peut observer une partie interne, claire, dont la forme, rappelant celle de la lettre grecque « omega », permet la diagnose. Identification chimique Les alcaloYdes piperidiniques, particulierement la coniine, sont volatiles et entrain abIes par la vapeur d'eau; il faut en tenir compte lorsqu'on effectue leur recherche et leur dosage par les procedes habituels. Plus classiquement, on les determine dans la plante ou les milieux biologiques par CPG [6]. Des techniques plus simples telles que la CCM, permettent de detecter et de quantifier les deux alcaloYdes principaux, coniine et gamma-coniceine dans la plante: extraits acides ajustes a pH9, extraction par Ie chloroforme et revelation par un reactif de Draggendorf (la limite de detection est de l'ordre du flg/mL) [20]. Une methode par CPG-SM a ete decrite pour Ie dosage de la coniine dans les plantes, Ie foie, les urines et l'estomac des ruminants apres une triple extraction liquide-liquide [21]. D'autres methodes par CPG avec detecteur azote phosphore, ou par CCM amelioree [22] ou utilisant la DESI (desorption electro spray ionisation) avec la SM [23] permettent la detection des alcaloYdes avec une haute sensibilite. La caracterisation dans Ie sang et Ie contenu gastrique de la gamma-coniceine a ete realisee en CPG-SM [12]. References 1. Quezel P, Santa S (1962-1963) Nouvelle flare de l'Algerie et des regions desertiques meridionales. CNRS, Paris 2. 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