Première à la Dibona

Première à la Dibona

Première hivernale

Peu de pics alpins présentent une silhouette aussi abrupte que celle de la Dibona dans le massif de l'Oisans. pour apprécier la performance accomplie par MM. Georges Livanos et Roger Loveyssière, il faut préciser que leur itinéraire se situait en retrait de la face est de la Dibona, telle qu'elle apparait sur notre document.

C'est une première d'une réelle envergure que viennent de réussir MM. Georges Livanos et Roger Laveyssière en gravissant la face est de la Dibona, au nord de l'itinéraire ouvert en 1933 par le parisien Lajoue, le dauphinois Plossu et Auguste Rodier. Ils ont débouché en effet dans l'arête nord des clochetons Gunneng.

M. Boell qui demeure le grand spécialiste de la Dibona après y avoir ouvert l'itinéraire devenu classique de la face sud, ne nous a pas caché son estime pour un tel exploit. "C'est incontestablement la première fois", nous a-t-il dit.

Quoi qu'il en soit, c'est lundi matin à 6 heures que M. Georges Livanos, 23 ans et M. Roger Laveyssière, 24 ans, étudiant à l'institut polytechnique de Grenoble, sont partis des Etages dans l'intention de gravir la face sud.

Tous deux font de l'alpinisme depuis cinq ou six ans. Livanos surtout a été formé à la rude école des "grimpeurs" des calanques et a à son actif plusieurs sommets des plus côtés. Il fut le leader.

Les hommes s'encordèrent vers 10 heures. Ils s'aperçurent alors que l'itinéraire sud dont le départ est à l'est, était trop enneigé et décidèrent de poursuivre par la face est qui leur paru plus sèche. Il n'en était rien. Ils trouvèrent la pente constamment verglacée et durent troquer leurs souliers contre les espadrilles dont les grimpeurs des calanques font un si large usage, et qui n'eurent prise que sur les passages dégagés au piolet.

La cordée rencontra de grandes difficultés. Elle dut tenir le roc sans arrêt de 11 heures du matin à 19 heures où d'un coup de tête triomphal, Georges Livanos creva la neige aux clochetons de Gumeng. Ce qui rendit la course particulièrement pénible et même parfois dramatique, nous dit M. Laveyssière, que nous avons pu joindre, c'est la nuit et la constance de la pente, l'absence de relais dont les plus larges ne dépassaient pas un demi-pied.

La cordée dut poser vingt-cinq pitons, que Laveyssière a pu tous récupérer. Quand la sortie fut trouvée, sur un dernier collet, il était temps, il ne restait plus aux grimpeurs en espadrilles qu'un piton. Ce n'est qu'à 1h30 du matin, mardi, qu'ils retrouvaient aux Etages, le bienfaisant vin chaud de l'arrivée. Il est bien évident pour les initiés que cette course qui peut varier en été des 4 supérieurs au 5 inférieur, présentait cette fois des difficultés sans proportion avec ces chiffres. La cordée a beaucoup souffert du froid et Laveyssière a eu le pied droit quelque peu éprouvé par le gel.

Voici donc l'alpinisme hivernal remis en honneur après une longue période de chômage qui tenait à bien des raisons. On s'en félicite hautement pour l'attrait touristique de notre région et le renom de nos grimpeurs à l'étranger.

André SEVERAC.