Livanos Le Grec : Même pas peur


Livanos Le Grec : Même pas peur

article de Charlie Buffet

Livanos le Grec : même pas peur !

les souvenirs du grand alpiniste marseillais sont touchants de superlatifs.

Une légende raconte qu'avant d'arriver dans un refuge Georges Livanos prenait toujours soin d'arborer au coin des lèvres une Gitane et un petit sourire dégagé, histoire d'impressionner un éventuel public par son aisance. Georges Livanos, dit le grec, monument de l'alpinisme des années 50 et 60, ne manque pas d'air.

Cigarette, frime et superlatif. Cet homme-là est sans doute le plus extraordinaire mélange de forfanterie et d'autodérision jamais vu dans lesAlpes. On pourrait dire que Georges Livanos, qui écrit volontiers à la troisième personne (exemple : "le Grec, le grimpeur le plus modeste des Calanques") a légué à la postérité l'alpinisme superlatif. Il a planté plus de pitons, ouvert plus de voies d'escalade dans les calanques de Marseille (500), effectué plus de bivouacs (100), fumé plus de Gitanes (un paquet même dans la paroi la plus....), impressionné plus de rivaux que quiconque. Il a osé se mettre en scène en Tartarin dans les Alpes sans aucune, mais alors aucune crainte du ridicule, au chapitre XV de ses mémoires, Au-delà de la vericale (ne pas chercher dans le titre une quelconque quête mystique). C'est ce livre, paru en 1958 dans la fameuse collection "Semper vivum" d'Arthaud, que l'éditeur chamoniard Michel Guérin (1) ressort dans une belle édition illustrée. Extraits.

"La modestie est le sommet de la technique du poseur parfait." Ou : "Vos bons amis ne diront jamais que vous êtes fort ? Dites-le, on finira par le croire." On le croit sur parole.

"Donc un beau matin, LUI et madame, le couple le plus sestogrado du monde, débarquent au village de San Cassiano {.....} . Fortunato, porteur aspirant guide, conserve un garde-à-vous respedtueux devant le Maître, s'attirant ainsi sa sympathie." La moitié du "couple le plus sestogrado" est Sonia, redoutable grimpeuse, que Livanos, 74 ans mais toujours poseur, regarde avec l'oeuil humide dans un bar de Chamonix. Et le "sestogrado" , c'est, en italien des Dolomites, le sixième degré, soit jusqu'au début des années 70, ce qui se fait non pas de plus alcoolisé mais de plus difficile en escalade.

George Livanos, petit-fils d'immigrant grec et pur Marseillais, écrit avec l'accent. Quand, à Chamonix, il raconte qu'il a "toujours eu horreur du sport", il en rit encore, à s'en étouffer dans sa maïs à moitié éteinte,avachi goguenard dans un fauteuil. Ne renie rien : "Si j'avais grmpé à mon maximum, j'en aurais étonné plus d'un." Ne résiste pas à une pique pour son vieux compagnon de cordée, Robert gabriel ("Il était nul, mais il s'est bonifié à mon contact"). Mais il le cite lorsqu'il explique avec courage, dans un épilogue écrit pour cette réedition, pourquoi il a abandonné l'escalade, même facile : "Si je me tuais dans du facile, je n'oserais plus sortir".

Au delà de la verticale est une jolie balade dans l'univers de l'escalade artificielle, revenue à la mode au début des années 90. Ce jeu, qui fit fureur dans les années 50 et 60, consistait à s'attaquer aux parois les plus surplombantes possible avec une débauche de pitons, d'étriers, bref de technologie à une époque où elle triomphait. C'était un temps où les grands noms de l'alpinisme (car le Grec fut vraiment un très fort grimpeur) avaient le bonheur de ne pas se prendre complètement au sérieux; Enfin, presque tous : lire ci-dessous.

Charlie Buffet (1998)

(1) A-delà de la verticale est disponible dans leslibrairies spcialisées ou auprès des éditions Michel Guérin, BP 153, 74404 Chamonix Cedex.