Compte rendu du 14ème salon du matériel & de l'équipement d'alpinisme

Compte rendu du 14ème salon du matériel & de l'équipement d'alpinisme

de notre envoyé spécial à Cortina d'Ampezzo - Octave Savetier

Le 14ème salon du matériel et de l'équipement d'alpinisme vient de fermer ses portes à Cortina d'Ampezzo. Il est inutile de rappeler la haute importance de cette manifestation et le succès qu'elle remporte chaque année.

Ce salon s'est tenu du 1er au 15 septembre dans les locaux de la patinoire olympique. En plus de la présentation d'un nouveau matériel, 32 stands permettaient un rapide récapitulation de l'histoire alpine et de ses techniques.

Ainsi, on pouvait contempler le plus haut fossile du monde considéré, à juste titre, comme l'ancêtre des alpinistes, puisqu'il a été porté à l'altitude où oil a été découvert par le plissement alpin lui-même.

Sautant à contre-cœur les pièces de moindre importance, citons quelques reliques particulièrement émouvantes.

    • Un morceau de jupon de Marie Paradis

    • La pièce de un penny de J.H. Wicks

    • La collection complète des orteils ayant appartenu aux membres de l'expédition de l'Annapurna

    • Le tube de lait concentré absorbé par Lionel Terray au sommet du Chacraraju

    • Enfin, le poil de mammouth ramené par l'expédition patagono-pakistanaise du pic de la Mirandole (23ème sommet du monde après le K5).

Ce n'est pas sans une vive émotion que nous avons revu le matériel des temps héroïques :

    • Chaînes de montre qui chantent les durs combats

    • Alpenstocks dont la pique acérée servait aussi à solliciter par le fondement le client réticent

    • Cordes qui attachent les alpinistes dans les montagnes et les vaches dans les étables.....

Mais ne nous attendrissons pas sur ces glorieux vestiges. Passons aux plus récentes acquisitions. Par ordre d'importance, nous citerons :

    • Les cordes : La grande firme JEMIPEN a mis au point une corde dont la rigidité variable peut atteindre celle d'une cornière. Voilà avantageusement remplacé le mat de perroquet lourd et encombrant.

    • Le piton à expansion : Divers procédés de forage ont été présentés, ainsi que plusieurs types de pitons. Leur forme générale tend vers celle du thermomètre médical.

    • Les étriers : Ils se font de plus en plus à un seul étage, mais un travail miniature permet le réglage à la hauteur voulue, par simple bouton.

    • Le casque : C'est devenu un organe très complexe. En plus de l'éclairage et de l'émetteur-récepteur radio, il comprend un dispositif cybernétique qui suggère au grimpeur diverses méthodes pour franchir un passage difficile. Mais ceci ne semble pas encore bien au point, car, parait-il, un alpiniste chevronné se fiant aux conseils de l'appareil, fut finalement contraint de terminer l'escalade de la fissure Knubel la tête en bas, les pieds en haut et un doigt dans le nez.

    • Enfin, il faut citer, en plus du piolet canif, le piolet pyrophore qui creuse les marches en faisant fondre la glace.

Tout ceci n'est évidemment qu'une bien faible partie des merveilles exposées au salon.

Voyons maintenant quelles sont les tendances de l'alpinisme à la suite de ces récentes acquisitions techniques. Pour cela, rappelons, parmi les "premières" effectuées grâce à elles, celles qui sont le plus significatives. D'abord l'ascension des diverses faces du Capucin du Tacul, par la cordée G. Descloud - A. Plantay. Les moyens mis en œuvre se sont avérés beaucoup moins importants que ceux qu'avait nécessité la première ascension. (cf. Guide Vallot Tome II P. 314). Ceci justifie pleinement les nouvelles méthodes.

Mais il faut surtout parler de la super-directissime réalisée à l'éperon Walker par la cordée Roger Troimaison - Paul Maillot. Le point d'attaque a été choisi par la commission d'arbitrage du Groupement des Huissiers de la montagne (G.H.M.) ; puis les alpinistes se sont élevés en ligne droite vers le sommet. Afin de garantir la rectitude de la voie, une équipe de géomètres effectuait sans arrêt des mesures au théodolite et indiquait par radio aux grimpeurs l'emplacement exact où devaient être placés les pitons. On estime dans les milieux alpins bien informés que l'écart entre la voie suivie et la ligne idéale joignant la prise de départ au sommet est inférieur à 3 mètres.

Au cours d'une interview accordée à notre correspondant à "Cha", Roger Troimaison devait déclarer : "La puissance des moyens mis en œuvre, ne doit pas faire oublier que l'alpinisme est avant tout un sport d’équilibre et de modération. Il ne se conçoit pas sans l'amour et le respect profond de la montagne. Trop d'entreprises criminelles ont été tentées contre elle pour que nous souhaitions la voir se muer en Luna-Park.... Il est inadmissible d'employer un procédé artificiel avant d'avoir épuisé totalement les ressources descalade naturelle, car il ne faut pas confondre difficulté et impuissance.

Illustrant ceci, il ajoutait :

"Pour une dénivelée de 1187,5 m nous avons utilisé 1098 pitons espacés de 1 m en moyenne. Nous avons gravi 89,5 m en escalade libre. Mais s'il s'avère qu'un passage est possible avec un piton à expansion en moins, nous souhaitons que ledit piton soit extrait et le trou bouché au ciment".

Ces phrases sont éminemment significatives. Si nous avons douté de la pureté des mobiles qui animent la jeune génération, voilà qui nous rassure. Les moyens évoluent, mais la flamme demeure et le flambeau est en de bonnes mains.

Ce sera notre conclusion.

André Tête