Au delà de la verticale

le livre

Le Grec au relai avec sa légendaire Gitane maïs dont on trouvait de nombreux mégots dans des trous aux relais de ses premières.

"Toute communauté possède sa bible. Ce livre, à l'évidence, en est une pour tous les alpinistes et grimpeurs. Régénérant, drôle, astucieux, c'est un monument". Vertical Livanos, quand à lui, résume sa carrière de grimpeur en quelques chiffres : 25000 pitons, 300 premières, 700 rappels... Il aura porté l'humour et l'auto dérision au-delà de la verticale."



Editions Guérin

Livanos a écrit deux livres considérés comme des monuments de la littérature alpine et qui encore aujourd'hui font référence chez les grimpeurs de toute génération.

"Pour moi l'idéal, c'est de partir d'en bas, d'arriver en haut et de revenir en bas. Et pas trop vite... "

Voilà comment Livanos définit sa passion de l'escalade mais ne vous trompez pas, c'est de l'alpinisme pur, un nectar de "sestogrado", de surplombs et de verticalité!

600 premières, 12000 pitons, 700 rappels, d'innombrables bivouacs dans les Calanques, les Dolomites, le Vercors... la routine, pour ce "Tartarin". Et derrière le tintement des pitons et le cliquetis des mousquetons, pointe le chant des cigales.

À tous les coins de phrase remonte l'accent marseillais, l'odeur du pastis et l'humour comme pour faire oublier que ce livre est un grand classique et Livanos un très grand alpiniste.

Au-delà de la verticale : un livre à lire page par page, du début à la fin. Et pas trop vite...

(Présentation Editions GUERIN)



Le Grec inventeur du

7ème Degré ?




Revue La Montagne et Alpinisme - No 20, 1958)

Si l'une des formes classiques de l'humour consiste à se rallier soi même avec l'apparence du sérieux, l'art de se glorifier soi même sans trop se prendre au sérieux constitue une variante, un " négatif " en quelque sorte de la première formule, qui exige de l'humoriste un sens aigu de la mesure.

Georges Livanos, le « Grec » pour les amis et la postérité, combine l'humour positif et l'humour négatif avec un talent rare, qui ne parait pouvoir naitre qu'à Marseille chez un de ces hardis et surtout adroits navigateurs, descendance des héros d'Aristophane, frottés depuis vingt cinq siècles au bon sens celtique et à la pudeur nordique. Songez combien la barque doit être gouvernée avec précision : à bâbord, la neurasthénie, le mépris de soi même, et bientôt le mépris de son prochain ; à tribord, l'emphase, l'exacerbation à la d'Annunzio, et encore le mépris de son prochain.

Pour réussir, il faut, bien sûr, beaucoup d'amour de soi même. Il faut aussi de la modestie, mais une modestie cachée, celle qui vous monte à la gorge en vous étouffant chaque fois qu'on y pense, et qui ne reprend sa place qu'après avoir donné naissance à deux on trois chants du coq. Admirez du reste comme ce diable d'homme exécute cette vertu embarrassante. « On ne s'improvise pas modeste. Science du geste faussement innocent, du mot choisi avec soin et placé au moment opportun, la modestie est le sommet de la technique du poseur parfait ».

L'humour raillerie émaille le récit à chaque chapitre. Sancho Pansa est l'un de ses héros ; l'inconfort, la douleur, l'effort, le froid lui répugnent. « L'audace n'est pas son fort, monsieur tient démesurément à son existence, pour continuer à nous ressasser ses exploits » . Et l'on ne lit pas sans émotion le passage « Pauvre marionnette, c'est cela ton alpinisme… ».

A l'opposé, l'humour glorification est son instrument préféré. Tartarin, son deuxième modèle, est battu haut la main : c'est « la tartarinade portée à l'échelle cosmique ». Cela commence par l'aimable manie de la notoriété, chère à tant d'alpinistes. « En matière de publicité, aime-t-il dire, on n'est jamais si bien servi que par soi même » et, parlant de sa terrifiante course à la Punta di Rocca, le jour où il a « manqué d'humilité » vis à vis de la montagne, il conclut : « Si cette course, supérieurement exécutée par un Vinatzer inconnu, était jusque là restée dans l'ombre, de l'instant où je l'avais faite, on pouvait s'apprêter à en entendre parler. Si bien que, dans quelques années on ne saurait plus très exactement qui en avait réussi la première… ».

II ne nous laisse même pas le soin de lui élever une statue. Voici «l'apothéose du Grec » : "s'il n'est pas mort ce soir-là, loué, admiré, distribuant les autographes au son des bouchons de spumante qui sautaient c'est qu'il est immortel."

Mais sous cet habit d'Arlequin, notre homme dissimule une vraie nature d'autant plus attachante qu'il cherche à la rendre plus loufoque.

Attendez pour lire son livre d'avoir écarté toute préoccupation de votre esprit, et abandonnez-vous à son flot rocambolesque. Vous y trouverez l'expression d'une âme sensible, artiste, douée d'un talent littéraire certain. Qu'il s'agisse de peindre une montagne, un paysage, ou le style d'un grimpeur, Livanos fait preuve de sentiments délicats et de mots justes.

Son éthique de l'alpinisme n'admet aucune tricherie ; ne croyez pas à ses fanfaronnades, il n'y croit pas lui-même. Sa passion est sincère, et, lorsque exceptionnellement il s'y abandonne, le Grec sait user d'un lyrisme discret. Vous aimerez le passage qui commence par les mots « c'est une sensation curieuse de vivre son rêve, et c'est une chance que la réalité ne lui soit pas inférieure ».

Des poètes antiques, Livanos a aussi gardé le goût de la personnification des objets inanimés. Un couloir, un dièdre, une face, une pierre, sont pour lui des adversaires qui ont une âme, une malignité ou une complicité. « La cheminée se met en quatre pour nous offrir ses plus belles prises. Notre désinvolture l'a-t-elle indisposée ? Brusquement elle nous plante là, au pied d'une grande dalle ». « Deux pitons à étrier pour atténuer une pointe d'humeur du dièdre, puis l'escalade libre reprend... Le dièdre marchande âprement ». De tels exemples abondent et constituent une originalité du récit.

Lisez entre les lignes. Toujours, sous les ricanements et les oripeaux du clown, vous retrouverez cette mesure, cette pudeur je n'ose tout de même pas dire cette humilité qui font de Montagnes... ma vie, Étoiles et tempêtes et Au delà de la verticale les trois meilleurs livres de montagne de notre époque.

Jacques TEISSIER DU GROS.

La Vérité :

La vérité : Le Grec avait envoyé les deux photos suivantes à son éditeur en lui demandant de choisir (photo de Alain Martin Chave en 1951 dans un toit aux Goudes à quelques mètres du sol). On était en 1955 et c'est celle de gauche - la vraie - qui fut publiée page 203 de son livre. J'ai essayé en 1961 de vendre la photo de droite à des journaux anglais sans succès : Quoi, Marseille, les Calanques et en plus un Grec ! Ils m'avaient pris pour un "frappé" de chez "Frappé" ! J'ai pensé un moment dire qu'il s'agissait de Don Whillans dans un toit du Avon gorge à Bristol, mais Don était un violent et j'ai vite oublié cette "mauvaise" idée. En Rosbifland, à l'époque en tout cas, on ne plaisantait pas avec l'éthique même pour faire sa pub ! Le 7 ce serait pour tard et d'autres générations de grimpeurs, en attendant le Sestogrado superiore c'était déjà pas mal du tout!


Il est bien évident que Georges Livanos a été l'un des plus forts pour ne pas dire le meilleur d'entre nous et pourtant, malgré une suffisance qui n'est qu'apparente, il a un immense respect pour les grands noms de l'alpinisme comme Soldà, Cassin et même des plus anciens tels que Knubel ou les frères Lochmatter, ou encore pour certains grimpeurs Marseillais tels que Robert Tanner. »

Robert Gabriel.

Extrait d’au-delà de la Verticale :

- A l'école :

« Livanos, au tableau » La revue du Club Alpin Italien est sur ma table, je dois avoir l'air complètement dans les nuages lorsque je me lève. Le professeur s'en aperçoit : « Vous ne savez même pas de quoi nous parlons. Zéro ! »

- Dans la face nord des Grands Charmoz :

« La cordée mixte évolue avec une parfaite « mixitée » : j'emprunte d'étroites bandes de dalles dégarnies, tandis que mon compagnon recherche les langues de glace et nos itinéraires personnels ne coïncident que sur les relais... »

- Dans la face Nord du Requin :

« ...Loin à gauche des pitons et des anneaux de cordes.Souvenir de la première tentative Rébuffat Couttet. »

- Dans la face Nord-Est de Leschaux :

«Nous faisons quelques mètres. Éclair, explosion : la foudre tombe devant nous !»

- Au pied de la face Ouest des Drus :

« Notre trio n'était pas assez fort pour enlever la course en une séance « au finish », le « siège » me répugnait, la possibilité m'était offerte de réaliser mes aspirations dolomitiques... C'était pour moi un appel impérieux, irrésistible, et je suis encore étonné qu'il m'ait fait renoncer à cette face pourtant désirée. »

« Sonia ?

C'est un surnom bien sûr, l'héroïne du bouillant Tarasconais ne s'appelait-elle pas ainsi ? Le soir nous arrivons à Venise. S'arrêter pour visiter Venise quand les Dolomites m'attendent ? Vous plaisantez ! Nous avons aperçu une gondole et un pigeon, cela suffit. Un pigeon qui « avait pied », affirme Robert, pour démontrer la profondeur de la lagune...

Départ pour la gloire.. »

AU DELÀ DE LA VERTICALE

par Georges Livanos

Arthaud, Paris, Grenoble