Il est vain de chercher à expliquer le génie créateur par les spécificités de son histoire mais rien ne nous interdit d’interroger la façon dont l’écriture s’empare des particularités historiques et familiales pour les traiter. L’être humain ne peut vivre qu’en s’appropriant ce qui lui a été imposé au départ. Pour Maupassant, ces enjeux sont paradoxaux. Il ne peut être lui-même qu’en étant le représentant d’un autre. Dès sa naissance, il est investi par sa mère comme double de son frère, Alfred Le Poittevin, ami intime de Flaubert. Au seuil de la mort, Flaubert investit Maupassant comme fils ce qui alimentera la rumeur d’une paternité réelle de Flaubert. Au sein de cette complexité identitaire, Maupassant invente sa propre histoire et l’hypothèse de l’identification à l’oncle mort est insuffisante. L’écriture est la médiation par laquelle les conditions d’appropriation et de subjectivation de ces différents éléments sont réunies. Écrivain sans famille, sans descendance mais non sans postérité, il réalise le fantasme maternel en devenant l’écrivain génial que l’oncle n’a pas été, et propulse le nom de son père au firmament de la célébrité. Mais la question du double et de l’écriture, chez Maupassant, renvoie avant tout à l’existence d’un noyau mélancolique, source et limite de son travail créateur. Alain FERRANT
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